2020 vue par… les médias à Bordeaux

Pour revenir sur cette année particulière et ses conséquences pour la scène artistique et la vie culturelle locale, on a entamé une série bilan, donnant la parole aux premiers et premières concerné.e.s : les acteurs et actrices du secteur culturel à Bordeaux. Interrogé.e.s, ils ou elles nous font part de la façon dont l’année s’est écoulée. Après un premier volet consacré au bilan des artistes et un deuxième à celui des collectifs, ce sont les médias bordelais qui racontent ici l’impact de la crise sanitaire sur leur activité, tout en nous parlant de leur futur projet dans les mois à venir. Merci à Revue Far Ouest, Protocole Radio, Le Gospel, Bordophonia, Ola Radio et Super Bobine.

Crédit photo : Astrid Lagougine (les 7 ans du Type)

Une activité partiellement impactée

Pour les radios comme pour les médias papier et web, c’est avant tout la pause forcée dans la progression de leur structure qui est à déplorer. C’est notamment le cas lorsque certain.e.s ont entrepris la création d’une nouvelle plateforme, ou une évolution conséquente de leur média. comme peut en témoigner Revue Far Ouest. « Nous avons dû retarder tout notre plan de transformation du média en bimédia (web + papier), et nous avons donc lancé cette campagne dans un contexte assez morose. Nombre de nos partenaires (dans la culture et l’éducation) ne sont pas dans des dynamiques pour nous suivre dans des projets innovants », explique Flo Laval, co-fondateur du média. 

C’est à l’occasion du premier confinement que j’ai vraiment décidé que ce projet allait voir le jour !

Une difficulté qu’a également rencontré la très récente plateforme de soutien à la création Bordophonia, dont la création a été initiée par Guillaume Fédou. Il considère l’impact de la crise sanitaire sur le développement de Bordophonia avec un regard mitigé : « C’est à l’occasion du premier confinement que j’ai vraiment décidé que ce projet allait voir le jour ! La crise sanitaire n’a pas eu que des mauvais côtés, elle nous a soudés, même si pour la partie évènementielle, ça n’a pas été d’un très grand secours. »

Le premier numéro du format papier de Revue Far Ouest

La situation n’en reste pas moins compliquée pour tous les médias indépendants, qu’ils soient récemment fondés ou déjà bien ancrés au niveau local. Bien souvent privé.e.s de réalisation, diffusion ou édition de projets, ils et elles ont dû se résoudre à remettre à plus tard, si ce n’est abandonner, nombre d’entre eux. Le cofondateur et directeur culturel de Le Protocole Radio, Amaury Naval, rend notamment compte de la déception liée au contexte : « Nos actions événementielles ont été stoppées début mars, nous avons annulé tous les événements calés des mois à l’avance. Ce sont aussi nos actions d’ateliers radios qui n’ont malheureusement pas pu se dérouler cette année, comme les initiations radios prévues lors de divers événements. » Souhaitant favoriser l’interaction physique, Le Protocole Radio a également fait une croix sur de nouveaux formats, prévus sous forme de conférences. 

Toujours dans le domaine de la radio, c’est Alice la Terreur, cofondatrice d’Ola Radio et responsable d’antenne, qui explique les difficultés rencontrées : « Tou.tes nos résident.e.s travaillent de près ou de loin dans le milieu culturel, et le fait que ce secteur soit à l’arrêt nous affecte énormément. Tous.tes tentent de mettre en place de nouveaux formats qui à chaque fois tombent à l’eau avec les nouvelles mesures. C’est difficile pour tout le monde de ne pas baisser les bras, et heureusement que l’activité radiophonique permet a certain.e.s d’avoir de l’actualité à proposer. Aussi car notre activité événementielle est morte dans l’œuf comme on dit. Mais ce n’est que partie remise. »

Les studios d’Ola Radio

Pour d’autres médias, la période n’a affecté leur activité que dans une moindre mesure. C’est ce que raconte Adrien Durand, fondateur du fanzine Le Gospel. « Le numéro sept du fanzine devait sortir le 15 mars donc il est resté au chaud dans les cartons pendant quelques semaines. Mais comme je ne couvre pas l’actualité, ce n’était pas si grave. » Dans un registre moins radieux, il poursuit : « Un peu déçu d’avoir dû annuler nos deux soirées de lancement évidemment et de ne pas pouvoir rencontrer les gens en vrai. Après, je gagne en partie ma vie en travaillant comme attaché de presse de festivals et de labels donc ça a été évidemment une année compliquée. »

La crise sanitaire a permis de repenser notre structure.

Un constat partagé par le média Super Bobine, ici représenté par Jérémy Mercier : « La crise sanitaire a affecté notre pratique indirectement, car on travaille tous sur Super Bobine à côté de nos « vrais » jobs qui ne sont pas forcément liés aux médias mais qui ont été affectés par la crise, permettant à certains d’avoir plus de temps pour produire des contenus et d’autres moins. » De son côté, Alice d’Ola Radio complète son témoignage sur un ton plus optimiste : « La crise sanitaire a permis de repenser le fonctionnement de notre structure. Elle nous a permis de créer une nouvelle structure, Octave Sonore, développée par Camille Vinet et Rémi Rasquin, avec Grégoire Candela, Simon Lagrue et Alexis Duru, qui est une agence de production sonore. »

Quelques points positifs pour se donner du courage

Pour relever un peu le niveau de jovialité de cette année, les médias bordelais ont tout de même quelques bons souvenirs à partager. Provenant parfois indirectement de leur activité, ces petits moments de grâce ont aujourd’hui une saveur d’autant plus agréable qu’ils se sont raréfiés l’année passant. Revue Far Ouest revient notamment sur leur opération intitulée La Grande Evasion : « Lors du premier confinement nous avons réussi à fédérer une vingtaine de producteurs et productrices de films néo-aquitains pour mettre en accès libre des documentaires. Il y avait une belle énergie de tous pour proposer une belle programmation de film et un petit espace de liberté en temps de confinement ! » Pour Bordophonia, c’est « le vernissage de la Collection Multiples autour de John Giorno à la Bakery Art Gallery fin août » qui reste le point positif de cette année, marquant également le lancement de la plateforme.

Autre élément revigorant à retenir : la possibilité de faire le bilan de ses ambitions et de prendre du recul pour les aborder sereinement. Alice s’exprime à ce sujet pour Ola Radio, mais aussi pour elle-même : « Je trouve que la crise actuelle permet de se concentrer sur ce qui se passe autour de nous, et c’est vraiment intéressant de voir comment se reconstruisent les festivals, avec une programmation locale, sans faire venir des têtes d’affiches internationales. Je me suis vraiment épanouie cette année car j’ai pu réfléchir à ce que je voulais vraiment pour ma vie et pour Ola. Et puis surtout, malgré la distance, j’ai fait de très belles rencontres et j’ai pu resserrer les liens avec des personnes avec qui j’ai envie d’avancer et/ou de travailler. »

Le dernier numéro du fanzine Le Gospel

En plus de la sortie du premier projet du groupe Sahara, soutenu par Le Gospel en tant que micro-label, ce sont ces liens particuliers, créés ou enrichis au cours de l’année, qui ont épaulé le moral du fanzine bordelais. « L’attachement des gens à ce que je développe en toute modestie et indépendance avec Le Gospel, et cette impression de communauté d’esprit dématérialisée qui a fait du bien dans une année de crise et de confinement », souligne Adrien Durand. Quant à Le Protocole Radio, il s’agit de son apparition dans le classement des 15 meilleures webradios électroniques de France par le magazine Trax : « une consécration pour notre équipe de bénévoles et qui donne une motivation pour la suite ».

Pour 2021, « des fourmis dans les jambes »

Et justement, pour la suite, Le Protocole Radio a de nombreux projets, résultat des mois passés dans les bureaux à gamberger et préparer 2021 comme il se doit. Amaury Naval précise : « On ne peut pas tout dévoiler tout de suite mais en mars, c’est nos trois ans. Nous espérons que la situation s’améliore grandement et que nous pourrons nous rassembler avec notre public ». Un autre anniversaire est à prévoir en début d’année : celui d’Ola Radio, le 14 janvier prochain, et qui marquera la sortie d’une première compilation, suivie de deux autres le 14 février et le 1er avril, chacune d’entre elles regroupant quatorze artistes.

« Nous allons aussi mettre en place plusieurs ateliers radiophoniques à destination des jeunes publics, collégiens et/ou usagers des centres d’animations de Bordeaux pour leur faire découvrir l’outil radiophonique et les sensibiliser à ce média qui nous passionne », ajoute Alice. La cofondatrice de la webradio dévoile également une envie de « développer un studio dans une autre ville, une ville qu’on aime beaucoup et avec laquelle on a déjà pas mal d’affinités. Si ça se met en place, ce sera pour cet été ».

Ce sont donc de multiples projets qui s’annoncent pour 2021, une année qui semble déjà bien bookée pour Le Gospel : « Des nouvelles séries thématiques sur le site, un nouveau double numéro plus étoffé qui sortira en mars-avril et probablement des nouveaux projets d’édition. Une soirée pour l’anniversaire du Gospel aussi ce serait cool ! ». Même chose pour Bordophonia, qui ne cache pas son impatience à l’approche de ses futurs concrétisations et qui conclut ce bilan : « Pour 2021, on a des fourmis dans les jambes, plein de rendez-vous se préparent, l’arrivée du site web et peut-être de l’appli, du contenu plus régulier… Stay tuned ! »

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