7 choses à savoir sur l’autrice Nathalie Hounvo Yekpe

Dans le cadre de la résidence d’écriture francophone Afriques-Haïti co-portée par l’Institut des Afriques et ALCA Nouvelle-Aquitaine, nous avons rencontré l’autrice et dramaturge béninoise Nathalie Hounvo Yekpe. En résidence à la Villa Valmont (Lormont) depuis le 26 mars, elle participe à des ateliers d’écriture auprès des plus curieux·ses afin de partager sa passion pour l’écriture. Afin de célébrer la fin de sa résidence ainsi que son talent précieux, on revient sur sept éléments biographiques sur Nathalie Hounvo Yekpe.

1 / Le théâtre et l’écriture : deux arts ancrés dans notre époque

Si Nathalie excelle en mise en scène et en écriture de pièces de théâtre, ce n’était pas son choix initial. En effet, elle s’intéressait d’abord à la médecine avant de bifurquer vers les arts et la culture lors de ses études supérieures au Bénin. Ainsi, c’est grâce à des ami·es et à quelques contacts par-ci par-là que l’autrice se fait une place sur la scène culturelle béninoise et obtient son diplôme de l’École internationale de théâtre du Bénin. Comme elle l’exprime elle-même : « J’ai l’habitude de dire que je n’ai pas choisi le théâtre, que c’est le théâtre qui m’a choisi. »

Il y a dix ans, dans un contexte politique et social complètement différent au Bénin, Nathalie s’insérait dans un milieu peu favorable aux femmes créatrices. Elle observe aujourd’hui avec optimisme l’évolution du monde artistique béninois. Elle indique : « Je crois parce que il y a beaucoup plus de volonté, il y a beaucoup plus de personnes qui investissent, qui s’investissent dans ce domaine. Il y a beaucoup plus de jeunes qui croient à la chose artistique. Alors qu’à mes débuts, les parents ne le permettaient pas. C’était mal vu, une femme artiste. »

2 / Le théâtre est un art de mouvement 

En France, le théâtre fait partie du patrimoine culturel. Des dramaturges comme Molière ont su marquer les esprits avec leurs œuvres emblématiques en franchissant les frontières françaises. D’une part, l’ambition de Nathalie et d’évoquer dans ses pièces des thèmes universels qui peuvent s’adapter à différentes réalités à travers le monde. D’une autre part, le théâtre est présenté comme un art actif, qui circule au-delà de sa création et de sa créatrice. C’est un art qui exige du mouvement ; il faut bouger pour voir des pièces de théâtre. Nathalie confie ainsi : « Parfois je rigole et je dis mon cher, tu veux voir du théâtre ? Viens au théâtre. Parce que c’est un art de mouvement ! »

Cet art millénaire porte en lui les critiques de la société, l’imaginaire de son auteur·ice et les ressentis du public. Il constitue un excellent moyen pour la jeune génération africaine de s’exprimer et de défendre des vérités.

3 / Son œuvre AgoJiés est un femmage à la reine Tassin Hangbè

Tassin Hangbè était une reine de l’Empire du Bénin au temps ancien. L’histoire a oublié son nom et ses exploits. En effet, elle est à l’origine de l’armée des Amazones du Dahomey qui a inspiré le film The Woman King mais « c’est une reine que l’on a effacé de l’histoire. » D’ailleurs, Nathalie ajoute : « à l’école on nous apprend la généalogie des rois du Dahomey. Mais jamais personne n’a jamais évoqué le nom de Tassin Hangbè. On m’a parlé des exploits de son frère jumeau. »

En s’inspirant du destin tragique, mais héroïque de Tassin Hangbè, l’autrice veut restaurer une vérité trop longtemps cachée. Un pouvoir trop peu valorisé et une victoire nationale essentielle au développement du pays. À travers le récit de AgoJiès, trois femmes puissantes affrontent la réalité féminine dans les sphères du pouvoir : « Si j’ai choisi le milieu du politique, c’est que je me dis que c’est le milieu le plus dangereux pour une femme. »

Ce n’est pas la première fois que les femmes sont au cœur de ses pièces. C’était le cas avec Au paradis, les femmes ne pètent pas ; Trop de diables sous leurs jupes ou encore Course aux noces. Dans celles-ci, les récits féminins racontent les réalités de différentes femmes. C’est une manière de déconditionner les hommes, dont le regard est souvent influencé par l’uniformisation et le patriarcat. Nathalie Houvo Yekpe explique ainsi : « Quand on donne la parole à la femme dans les pièces de théâtre, c’est souvent du point de vue de l’homme. (…) mais je voulais écrire quelque chose qui vient vraiment des tripes, des tréfonds de la femme. Pas quelque chose qui est ressenti par l’homme. »

4 / Sa mère, sa première source d’inspiration

La mère de Nathalie Hounvo Yekpe, une femme combattive, a beaucoup inspirée l’autrice par sa résilience et sa persévérance. C’est une femme, une mère et une combattante qui a laissé derrière elle une fille déterminée, prête à lui rendre la pareille. Nathalie confie : « La personne qui m’a le plus motivée dans ma vie, qui m’a le plus poussée, c’est ma mère. Elle n’est plus et a eu une vie très très dure. J’étais souvent révoltée de la vie qu’elle avait. Je trouvais qu’elle méritait beaucoup, beaucoup mieux. Et au-delà de ça, je voyais aussi beaucoup de femmes dans des conditions compliquées et je me disais qu’il fallait qu’on en parle ! »

5 / La résidence d’écritures francophones Afriques-Haiti

Lauréate de la résidence d’écriture Afriques-Haiti co-organisée par l’Institut des Afriques et l’ALCA Nouvelle-Aquitaine, Nathalie Houvo Yekpe passe trois semaines en résidence d’écriture à Bordeaux. Elle y organise des ateliers d’écriture, partage son expérience en tant qu’autrice et fait d’inspirantes rencontres littéraires. Dans un processus créatif intense, elle et ses élèves présentait une œuvre collective le 11 avril 2024 à la Villa Valmont. De Limoges à La Rochelle en passant par Bordeaux, Nathalie Hounvo Yekpe laisse ainsi son empreinte créatrice dans la région Nouvelle-Aquitaine, incitant d’autres femmes à prendre le même chemin.

Elle revient sur cette expérience : « J’avais un premier atelier d’écriture avec des femmes qui s’intéressent beaucoup au rôle des femmes dans la société. Mais avant la société, déjà dans sa famille, dans sa maison, dans son foyer. Donc on travaille dessus et on va écrire de petites choses. J’espère qu’à la fin de ma résidence, il y aura une œuvre là dedans. »

6 / L’universalité des réalités

Alors que le monde est paralysé par un confinement en 2020, c’est à ce moment que Nathalie a poussé sa créativité et s’est intéressée davantage à l’écriture. Pour elle, cette période d’isolement constitue une opportunité de s’exporter ailleurs et participer à des évènements internationaux, comme par exemple, le Festival d’Avignon.

Lors de cette phase, Nathalie voit le potentiel du théâtre comme une nouvelle manière d’exprimer sa voix, celle des personnes qui ne sont pas entendues en Afrique comme ailleurs. « Quand Shakespeare écrit Roméo et Juliette, il n’est pas venu, il n’a pas écrit pour l’Afrique. Mais il y a tellement de familles dans tous les pays d’Afrique qui se retrouvent totalement dans ce conflit. » raconte-t-elle.

La résidence d’écriture francophone Afriques-Haïti est co-portée par ALCA et l’Institut des Afriques, en partenariat avec la Maison des Écritures à la Rochelle, la Villa Valmont à Lormont et la Maison des auteurs·rices des Francophonies – Des écritures à la scène de Limoges, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine.

7 / Évènement immanquable : la rencontre littéraire et musicale

Dans le cadre de la Saison 2024 de l’Institut des Afriques, une rencontre littéraire et musicale aura lieu accueillant Nathalie Hounvo Yekpe et Perrine Fifadji à la Bibliothèque de Bassens le mercredi 17 avril. L’occasion de rencontrer ces deux femmes créatives et inspirantes dans un cadre festif et détendu.

En outre, c’est également l’occasion d’ouvrir le débat sur des sujets essentiels à l’évolution de la société en Afrique, mais aussi dans le monde. « C’est ça mon challenge. Ce n’est pas simplement aborder un sujet, c’est c’est vraiment attirer l’attention des gens vers la discussion, peut être pas celle dont on ne parle pas véritablement. » conclut ainsi Nathalie Hounvo Yekpe.