Rencontre avec Antoine et Théo, deux membres du groupe bordelais Noirset, à l’occasion de la sortie de leur premier album, Conditioned. Au menu : couleurs sombres et romantiques, rythmes synthétiques et textes bruts, le tout produit dans le sillon de la cold wave et du post-punk.
Crédit photos : William Millaud
Entretien : Jade Benyamina & William Millaud
Le Type : Salut Noirset ! Commençons par les bases : comment le groupe s’est-il monté ?
Antoine : Il y trois ans nous étions trois, Eliott au clavier, Thibault à la basse et moi-même au chant. On s’est connus car on côtoyait tous le même bar à Bordeaux, le Remparts café. C’était un peu le fief où se retrouver. Et c’est de là que les premières discussions sur l’idée de monter un groupe ont eu lieu.
Théo : J’étais dans un groupe de métal auparavant et après ça j’avais vraiment envie de continuer et faire du post-punk. Antoine et moi on se connaissait déjà, puis en 2019 on est allé au concert de RENDEZ-VOUS au BT59 (nous y étions aussi, ndlr), et dès le lendemain on s’est mis à répéter ensemble ! Par la suite un autre Théo à remplacé Eliott au synthé.
D’où vient le nom de Noirset ?
Antoine : A l’époque où on était encore que trois membres, on a fait une soirée et on était bien éméchés (rires), on s’est mis à regarder des noms d’anxiolytiques. On est alors tombés sur un qui est très très vénère, le norset, qui est utilisé pour soigner les bipolaires entre autres. Du coup, on s’est dit qu’on allait prendre ce nom, et visuellement rajouter un I au milieu.
Vous sortez ces jours-ci votre premier album ; avant ça, aviez-vous déjà sortis d’autres morceaux ?
Antoine : Oui, quelques sons sur Bandcamp que des gens ont ensuite balancé sur YouTube ! On avait déjà une mini fanbase (rires).
L’album s’appelle Conditioned, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
Théo : Pour moi, ça traite du fait de se plier à certaines règles de vie en société. Devoir répondre au téléphone ou checker ses mails en permanence. Aller au taff, faire ce que l’on n’a pas envie de faire. Toutes ces choses que tu dois quand même accepter pour être avec les autres et avoir une vie sociale. C’est plutôt essayer de faire une critique des travers de la société.
Quelles ont été vos inspirations pour construire cet album, et plus globalement pour l’identité de Noirset ?
Antoine : J’ai été baigné très tôt dans l’univers new wave. Mes parents en écoutaient beaucoup. Puis, petit à petit, je me suis fait ma discographie avec mes propres influences. Avec des groupes comme Depeche Mode et The Cure à fond par exemple. En truc plus contemporain, il y a Qual que je trouve vraiment très très bien. J’apprécie vraiment tout le milieu cold wave et post-punk, l’imaginaire qui en découle. La philosophie qu’il y a derrière. Comme une critique de la société, mais différente de celle du punk, qui est plus violente. Là, c’est mélancolique, plus dans l’émotion.
Y-a-t-il une scène cold wave ou post punk à Bordeaux ?
Antoine : A Bordeaux c’est plutôt mort dans ce milieu-là… Les esthétiques qui dominent sont plutôt rock garage, ou psyché. Depuis plusieurs années il n’y a quasiment que ça niveau concerts…
Depuis que le VOID n’existe plus, la scène cold wave et post-punk a fait un bond en arrière à Bordeaux.
Antoine, Noirset
Quand il y avait le VOID, plusieurs groupes d’un peu partout venaient et faisaient vivre cette scène vraiment alternative. Depuis que cette salle n’existe plus, on a fait un bond en arrière. Pour cette scène cold wave et post-punk, ou même punk, c’est un peu compliqué aujourd’hui.
Après, pour ce qui est de la scène en dehors de Bordeaux et la région il y a le groupe Mordern Men qui tourne vraiment beaucoup et qui connaît une belle ascension !
Théo : Récemment on parlait avec Antoine de se rapprocher des gens de ce milieu, développer cette scène et organiser des soirées. Déjà, l’idée serait de trouver un lieu où on se sent bien pour se produire et montrer aux gens qu’il y a autre chose que la scène garage et psyché. Pour ça, il faut s’associer avec des gens, on a déjà quelques pistes… Si tout se passe bien, pourquoi pas monter, à terme, une petite asso.
Est-ce que le renouveau d’une telle scène passe nécessairement par la création de nouveaux lieux ?
Antoine : Pas forcément, je pense qu’il y a déjà de quoi faire avec les salles existantes à Bordeaux. Je pense au Café Pompier par exemple, qui pourrait récupérer un certain public. Il me semble que d’anciens programmateurs du VOID prévoient justement quelques soirées là-bas.
Quelles sont les émotions qui guident l’écriture de vos morceaux ?
Antoine : Il y a un petit peu d’histoire personnelle dedans. Parfois, il s’agit de textes que j’avais écris il y a longtemps. Des textes qui peuvent parler de rupture par exemple, mais aussi de choses actuelles. Des choses que je ressens par rapport à la vie de tous les jours, et aussi des livres que je lis.
Théo : En général, le groupe est ultra satisfait des paroles et on laisse vraiment Antoine faire, on ne revient pas dessus. C’est une chance qu’on a d’avoir quelqu’un qui écrit comme on aime et avec qui on est en parfaite adéquation avec le groupe. Pour ma part, j’ai écris le titre « Take Your Pills ». Tout le reste c’est Antoine qui l’a écris en intégralité, tout les morceaux. Tout le monde emmène sa touche personnelle et apporte ses connaissances.
Comment s’organisent vos répétitions et votre processus de création ?
Antoine : C’était un peu à droite et à gauche. On allait répéter un peu partout dans la ville, on n’avait pas notre propre studio. Parfois c’était dans un appart, ou à la Rock School Barbey. On avait tendance à composer en jam.
Théo : On essayait de commencer avec un son de batterie qui était cool, on lançait un pattern, Thibault avait un petite ligne de basse de côté, et Antoine toujours un texte. Moi je trouvais des conneries à faire à la guitare et, au fur et à mesure, les morceaux naissaient !
Quel a été l’impact de la pandémie sur Noirset ?
Théo : On devait faire pas mal de scènes, ça nous a donc un peu coupé l’herbe sous le pied. L’aspect positif c’est que chacun a pu bosser un peu de son côté. Antoine pour écrire des textes, de même pour les autres membres du groupe. En gros, on arrive avec un album, mais aussi plein d’autres morceaux en réserve que l’on a hâte de jouer. On en a sous la pédale !
Quelles sont les dernières scènes où vous aviez joué ?
Antoine : On avait joué au VOID pour Rock en Ville durant le Bordeaux Rock Festival en janvier 2020. Avant ça on avait eu une date au Nouveau Local, ainsi qu’à la Galerie SUN7, rue de la Rousselle, où on devrait probablement refaire un concert.
Comment voyez-vous votre ancrage à Bordeaux ?
Théo : Antoine et moi on vient de Bordeaux. Thibault vient d’Agen mais a fait ses études ici. Théo est plus du côté de la Bretagne, mais il fait des aller-retours. On s’est tous rencontrés dans cette ville, même si certains viennent d’ailleurs. C’est notre point central, donc y est clairement attachés. L’idée c’est que tout le monde reste soudé ici et puisse continuer ce projet.
Antoine : On a pas mal de contacts avec d’autres groupes de cette même scène et on veut aussi créer un échange, faire venir d’autres gens, et vice-versa. On aimerait vraiment développer cette scène à Bordeaux et ça passe par là je pense.