Entretien : La Pangée, association qui construit du lien à Bordeaux

Ce week-end, la première édition de La Voie des peuples, organisée par l’association La Pangée, se tiendra à la Fabrique Pola, à Bordeaux. Nous sommes allés à la rencontre de Médéric et François, à l’initiative du projet, afin de découvrir cette nouvelle initiative artistique et culturelle bordelaise qui œuvre à une meilleure connaissance de certaines communautés et peuples sujets à stéréotypes.

Crédit photo : La Pangée

Le Type : Dimanche 17 octobre se tiendra la première édition de La voie des peuples, à Bordeaux. Quand est né ce projet et dans quel contexte ?

Médéric : Le projet est né d’une envie de créer des liens entre les différentes communautés vivant à Bordeaux et sa région. On a la chance de vivre dans une région multiculturelle et ouverte sur le monde. On est intimement persuadé que c’est une précieuse richesse que l’on doit cultiver. Alors, nous avons imaginé ce cycle d’événements qui met en avant des peuples différents à chaque édition à travers leurs cultures. Pour cette première édition, ce sont les peuples Roms qui seront à l’honneur.

François : Dans l’équipe, nous sommes des passionnés de voyage, de l’itinérance. Ensemble ou séparément, on a pu voyager dans pas mal de pays, rencontrer des personnes de cultures complètement différentes des nôtres, s’adapter aussi à des contextes politiques et sociaux. Comme on voulait créer une association culturelle et sociale, on s’est mis très vite d’accord sur les thèmes que l’on allait aborder : les cultures du monde, l’art de proximité, l’écologie…

Votre premier évènement se déroulera à la Fabrique Pola, fabrique artistique et culturelle bordelaise. Pouvez-vous nous expliquer le choix de ce lieu ?

François : Le choix du lieu s’est fait rapidement et surtout logiquement. Comme nous l’évoquions précédemment, la culture doit être de proximité : on avait la volonté de travailler avec les peuples Roms et comme une centaine de Roms, principalement Bulgares et Turques, vivent dans 2 camps en face de la Fabrique Pola, cela s’imposait comme une évidence. Les équipes de Pola font déjà un gros travail de médiation avec leurs voisins et ils nous ont très vite expliqué qu’ils avaient envie de participer à ce projet.

Vous présentez La voie des peuples comme un cycle d’événements présentant différentes cultures du monde. Y-a-t-il des pratiques artistiques particulières ou des territoires spécifiques que vous souhaitez valoriser ?

Médéric : Chaque peuple, chaque territoire a ses particularités. Avec les Roms, on découvre un art de vivre complètement lié à la musique, à la danse et au voyage. Les instruments, les mouvements, les langues… Tous ces aspects sont singuliers et font la beauté d’une culture qui, dans le cas des Roms, est particulièrement métissée.

La culture représentée lors de la première édition est celle des Roms. Pourquoi ce choix pour inaugurer le cycle d’événements ?

François : La raison d’être de notre association, la Pangée, est de partager et transmettre les pratiques culturelles à tous les publics. L’idée est de créer des moments de rencontres avec des personnes qui ne se seraient pas naturellement croisées. Les Roms font partie des populations les plus marginalisées et c’est exactement pour cette raison qu’on a fait le choix de les mettre en avant lors de ce premier événement.

Il est mentionné dans le programme que ce moment de partage se fera autour de concerts, d’ateliers participatifs ou encore d’expositions… entre autres. En quoi vont consister ces différentes pratiques artistiques et collaboratives autour du peuple Roms ?

Médéric : Les pratiques artistiques sont centrales dans le concept de l’événement. L’idée, vous l’avez compris, est de provoquer la rencontre et le partage à travers ces activités. On a effectivement programmé des concerts, une projection de film suivie d’une discussion et une exposition photo parlant de la culture Rom. Mais on a aussi invité ATLAS impros du monde, une association qui promeut l’interculturalité par la pratique de l’improvisation théâtrale  et on collabore avec Maureen Castera et Loric Testemalle, deux artistes scénographes/plasticiens volontaires et passionnés, qui encadrent des ateliers artistiques et manuels avec les habitants des squats depuis début septembre.

Il est inscrit que l’entrée de l’événement est gratuite. Or, l’organisation et la mise en place de ce genre de projet nécessite un investissement financier. Ainsi, quels sont vos partenaires sur ce projet ?

François : Effectivement l’organisation d’un événement comme celui-ci demande un réel investissement financier et humain. D’abord, on essaye de développer un modèle économique contributif et de proximité en favorisant les artistes de la région. Le contributif c’est aussi une réflexion sur la relation à l’argent. Il est évident qu’un travail doit être rémunéré, mais nous pouvons aussi construire des projets en misant sur la volonté des partenaires à partager.

On a la chance d’être entouré d’artistes qui souhaitent soutenir le projet. Les photographes l’œil de Ken et Jean-Michel Bécognée, l’association ATLAS, Maureen, Loric et les intervenants de la table ronde participent tous bénévolement à l’événement. C’est grâce à leur engagement aux côtés de notre équipe, elle aussi entièrement bénévole, que cette journée est possible. Toutefois, on est en contact avec certaines collectivités et institutions comme la D.R.A.C Nouvelle-Aquitaine et on candidate à divers appels à projets. D’autres partenaires comme le Secours Catholique et le Collectif Bienvenu ont été des facilitateurs pour nous aider à trouver du matériel ou des partenaires. On sent qu’il y a un vrai engouement autour de ce projet, c’est super de voir ça mais on ne se voile pas la face, on sait que pour cette première édition, on va perdre de l’argent.

On essaye simplement de dresser des ponts là où d’autres ont construit des murs.

Médéric

Les peuples Roms sont victimes de nombreux préjugés. Pensez-vous réussir à les déconstruire grâce à ce type d’évènement culturel et artistique ?

Médéric : Honnêtement ? Non. Les préjugés naissent de constructions sociales profondément ancrées en nous et on ne va pas pouvoir les déconstruire avec un événement. On a ni la prétention de vouloir changer les mentalités ni celle d’améliorer durablement les conditions de vie des communautés. On essaye simplement de dresser des ponts là où d’autres ont construit des murs. Créer des moments d’échanges, cultiver la bienveillance et agir à une échelle locale, voilà les vraies missions de l’association.

Votre association, la Pangée, est une association culturelle et citoyenne centrée avant tout sur les pratiques collectives et l’intégration sociale. Elle organise des événements en lien avec la diversité culturelle dans lesquels l’art apparaît comme un outil de rencontre et de partage entre les participants. Pouvez-vous nous expliquer quels sont les bienfaits de l’art sur l’intégration sociale ?

François : En ce qui concerne l’expérience avec la Pangée, qui est une association toute jeune, on pourrait tirer les conclusions sur les ateliers que nous avons fait jusque-là. D’abord, nous pensons qu’avant l’art, il y a la rencontre. On ne déboule pas chez n’importe qui ou auprès de n’importe quel public en leur disant : “bonjour, aujourd’hui un photographe va vous prendre en photo pour une future exposition” ou “on va construire une œuvre d’art collective”. Il existe un temps, qui est celui de l’approche, de la compréhension qui permet de tisser un lien social.

Ensuite, on peut se pencher sur les envies et les réticences des publics concernés. C’est à ce moment-là que l’intégration sociale commence. Les fonctions de l’art sont nombreuses et peuvent se révéler dans des activités simples comme du jardinage, de la cuisine, des pratiques manuelles. Mais, on pense surtout que l’art permet d’éveiller, de mieux comprendre l’autre à travers les processus de création.

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