DJ, productrice, résidente de l’IBOAT, ancienne membre du disquaire Gimme Sound ; Salomée est l’une des témoins du paysage électronique bordelais. Figurant parmi les rares productrices de la scène locale, elle fait aussi partie de la liste resserrée des DJs de Bordeaux qui s’exportent à l’échelle nationale et européenne. Alors qu’elle vient récemment de signer sur une agence de booking allemande, on l’a interrogé sur ces nombreux aspects de son parcours et de sa personnalité. Une conversation à retrouver en français ici et en anglais sur Ransom Note, dans le cadre d’un partenariat entre les deux médias pour promouvoir la scène musicale bordelaise.

La version anglaise de l’entretien avec Salomée est disponible ici sur le média anglais Ransom Note.
Tu as récemment signé auprès de l’agence Roof Booking. Comment cette relation s’est construite et qu’est-ce que ça va changer concrètement pour toi ?
L’agence Roof suivait mon travail sur Instagram depuis un moment. On a fini par discuter, ils étaient très intéressés par mes productions. Quand je l’ai su, ça m’a vraiment rendue heureuse, car c’est un roster (groupe d’artistes accompagné·es par une agence de booking, ndlr) que j’apprécie particulièrement avec des artistes que je respecte énormément.
Je ne sais pas trop encore ce que ça va m’apporter concrètement ; c’est la première fois que je signe avec une agence ! Il y aura sans doute des connexions avec d’autres artistes, des producteur·ices et des gens qui ont des projets assez concrets. Ça peut être super intéressant dans mon développement en tant qu’artiste.

À la fin de l’année 2024, avant ta signature sur Roof Booking, tu as notamment joué au Badaboum à Paris, mais aussi à Londres ou à Madrid. Comment on gère ce type de bookings sans agence derrière, en indépendante ?
Avant de signer sur Roof Booking, je travaillais avec Anna. C’est une personne géniale et une de mes meilleures amies. Elle est chargée de production à l’IBOAT et gérait tous mes bookings. C’était donc plus simple dans la mesure où il y avait une tierce personne pour s’occuper de la logistique ou des négociations. Ce qui va changer avec Roof, c’est que l’agence va faire du démarchage, contrairement à Anna qui s’occupait des demandes entrantes.
Quel rôle a joué l’IBOAT sur ton parcours musical ?
Une grosse influence ! C’est le club qui m’a vu évoluer depuis mes débuts. J’ai commencé par y faire beaucoup de warm-up, pour y prendre mes marques. Après cette période, j’ai obtenu une résidence. Grâce ça, j’ai pu faire beaucoup de connexions et inviter des artistes qui me tiennent à cœur, exclusivement des producteurs, comme DJ Stingray ou Danny Haze que j’invite bientôt. Il y en a certains que je suivais depuis l’adolescence. Puis il y a eu l’année de résidence croisée avec Rey Colino qui m’a permis aussi de pouvoir m’ouvrir avec Kalahari ou One Eye Witness.
J’ai aussi pu signer sur une VA (various, compilation, ndlr) sur le label de l’IBOAT qui va sortir cette année. Tout cela m’a permis de gagner confiance en moi, de rencontrer des super personnes et de m’ouvrir aussi à l’international. Et à l’inverse aussi, de pouvoir connecter l’IBOAT avec des personnes en dehors de la France.
Quel regard portes-tu sur la scène électronique bordelaise ?
Il manque des lieux d’expression à Bordeaux notamment. C’est un problème que l’on l’a toutes et tous notifié. Beaucoup des lieux encore en vie encore sont par ailleurs menacés. C’était récemment le cas de l’IBOAT, qui était à deux doigts de fermer l’année dernière.
Les nouveaux collectifs galèrent à se développer, notamment parce qu’ils n’ont pas les lieux pour s’exprimer.
Salomée
C’est important d’aider ces lieux-là et les artistes aussi, en regardant leurs programmations, mais aussi en achetant des préventes ! C’est une manière de soutenir les collectifs locaux. Il y en a beaucoup de nouveaux qui naissent encore à Bordeaux, avec des artistes de talent. Mais ils galèrent à se développer, notamment parce qu’ils n’ont pas les lieux pour s’exprimer.

Tu as aussi été impliquée auprès du disquaire Gimme Sound. Qu’est-ce que cette expérience t’a apportée ?
J’ai travaillé avec Gimme Sound pendant plus d’un an, jusqu’à très récemment. Aujourd’hui, je n’y travaille plus parce que je n’en ai plus le temps. Cette expérience a été un tournant. Elle m’a permis de découvrir un nouveau côté de la scène électronique à Bordeaux.
Ce fut une période de découverte de gens passionnés de musique mais qui n’étaient pas forcément du milieu de la nuit. Ce fut l’occasion de nouer des connexions. Ça m’a permis aussi d’organiser des nouveaux projets.
Concernant tes productions, est-ce que tu des projets à venir ou en cours de réalisation?
J’ai deux sorties prévues cette année. Une sur un label de Bruxelles et l’autre sur un label des Pays-Bas. Et après, je suis en train de travailler sur un projet pour faire de la composition pour un défilé, le défilé Couture Lab (qui se déroulait le 14 mars dernier, ndlr) C’est une association qui promeut la mode à Bordeaux.
Quels ont été les défis liés à la production musicale à destination d’un projet lié à l’univers de la mode ?
Le cadre est forcément plus restreint. Pas forcément en termes de créativité, mais dans ce qui relève de sa touche personnelle. Personnellement, ça m’a permis de sortir de ma zone de confort. Parce que jusqu’à maintenant, j’ai toujours produit intuitivement, ce qui m’a mené à quelque chose qui est devenu mon esthétique après. Et au final, pour ce défilé-là, on m’a donné un fil conducteur lié aux styles qui étaient attendus pour le défilé.
De moi-même, je suis allée dans ce style-là, mais ça m’a appris beaucoup de choses en termes d’esthétique. Sur la façon de produire certains genres, comment les amener. Et vu que c’est un projet qui fait une trentaine de minutes, ça m’a permis de travailler sur des plus gros projets et de pouvoir gérer un peu mieux la charge de travail et la façon dont je ficelais ces 30 minutes-là qui se rapprochent un peu plus du live.

Je produis des choses que je ne mixe pas.
Salomée
Comment perçois-tu la complémentarité entre la production et le mix ?
Je ne les vois pas trop comme quelque chose de complémentaire dans ma pratique. Ce qui m’a poussé à la production, c’est que je m’intéresse à 100% à la création directement. Me définir en tant qu’artiste, c’est pouvoir partir de zéro et créer quelque chose, que ce soit en musique, dans les arts visuels ou autre. Il était donc important de pouvoir proposer quelque chose qui vient de moi à 100%, par la production.
C’est en ce sens que c’est très différent du mix. Je produis des choses que je ne mixe pas. Je produis des choses qui sont assez mélodiques et mélancoliques. Alors que je joue des choses qui sont un peu plus techno, un peu plus froid. Ce sont des parties complètement différentes de ma personnalité.
- La version anglaise de l’entretien avec Salomée est disponible ici sur le média anglais Ransom Note.