Entretien : le collectif Peaches & Witches, 2 ans de militantisme musical

Imaginé en 2020 pour répondre à une volonté d’associer musique et militantisme, le collectif Peaches & Witches encourage aujourd’hui toutes les minorités de genre à se lancer dans la musique, notamment à travers des résidences de création en mixité choisie, réunissant musicien·nes professionnel·les et amateur·ices, et encourageant la rencontre et la diversité des parcours et des instruments. Le collectif fêtera ses deux ans les 24 et 25 septembre avec son premier open air au Parc des Berges (Quai Deschamps). À l’occasion, nous nous sommes entretenus avec Blondine et Hortense, organisatrices de ces deux jours de festivités.  

Crédit photos : Jane Doe

Le Type : Votre premier open air se tiendra les 24 et 25 septembre au Quai Deschamps, quand est né ce projet et pourquoi ? 

Peaches & Witches : On a commencé à travailler sur le projet d’open air en janvier. Peaches And Witches existe depuis l’année 2020, ça fait des années que je réfléchissais à ça avec quelques copines. Avant ça j’organisais des concerts avec une association qui s’appelle Tribal Traquenard. J’ai commencé dans la musique assez tôt avec un groupe aussi composé que de filles, et ça faisait longtemps que je voulais faire quelque chose de militant autour de ça, pour créer du réseau. Le COVID a accéléré les choses. Les salles étaient vides, j’ai donc reçu un mail du Krakatoa qui accompagnait mon groupe et qui disait que si on avait des idées d’utilisation, la salle était disponible. C’est comme ça que s’est lancé Peaches and Witches. 

On avait quand même déjà organisé un événement en plein air au jardin éphémère à Bègles, à l’époque Cléa Vincent, qui était marraine, avait joué. Après il y avait eu Morgane de Médusyne qui avait fait un DJ Set. Le collectif, ça fait deux ans qu’il existe et on s’est dit que c’était l’occasion de fêter ça, et de faire une plus large communication sur ce qu’on fait, et de le fêter en musique.

À quoi s’attendre côté programmation ?

On est parties sur un samedi vraiment axé sur musique avec trois concerts : Frieda en tête d’affiche, Foxeagle, et on a mis en place un groupe Peaches and Witches. C’était l’idée de faire un groupe avec des personnes qui ont de l’expérience mais qui n’ont pas encore verbalisé la voie de la professionnalisation, de donner une scène avec des premières conditions vraiment professionnelles. On va aussi avoir un DJ Set de Koyla.

Crédit photo : Jane Doe

Au début, on était parties sur une programmation avec des têtes d’affiches plus connues, mais en terme de budget ça nous a fait un peu peur, et on s’est dit que ce n’était pas forcément le plus pertinent. On a donc réfléchi en terme de représentation : Frida, c’est hyper intéressant parce que c’est entre la musique, le politique et le militantisme, très proche de la performance. Elle n’a aucun son de sorti sur les plateformes, c’est vraiment une expérience live. Elle s’est fait son public surtout via Instagram qui lui a permis de lier l’image, la mise-en-scène. 

Après il y a Foxeagle qui est musicienne. C’est une artiste guitare-chant, toute seule avec trois amplis : un ampli guitare et un ampli basse. Elle a un souffle de malade ! C’est très puissant, très profond. C’est rare comme utilisation, et c’est une super personne donc ça fait plaisir. Koyla, c’est la première année qu’elle se lance en tant que DJ et elle déchire. Elle est chez Médusyne depuis quelques mois. On a aussi stand de merch, des stands de créateurs et créatrices qui devraient être là.

Le dimanche après-midi, on a une conférence gesticulée. C’est une ancienne musicienne qui parle de son expérience en tant que femme dans les musiques actuelles, et ça s’appelle La Chianteuse. La conférence gesticulée, c’est une personne qui va mélanger les savoirs chauds et les savoirs froids. Les savoirs chauds c’est son expérience vécue, elle va le regrouper avec les savoirs froids, c’est-à-dire ce que disent les sciences sociales, pour essayer d’amener les gens à son opinion en partageant son expérience personnelle, et c’est franchement hyper touchant.

Quel message entendez-vous faire passer au cours de ces deux jours ?

Il y en a beaucoup ! Déjà mettre en valeur les minorités de genre dans les musiques actuelles. C’est une programmation 100% femmes et minorités de genre. On veut montrer que c’est possible pour toutes et tous. L’idée, c’est de sensibiliser les personnes qui ne sont pas concernées par le problème pour qu’elles puissent en parler autour d’elles, et que l’idée se répande qu’on a besoin urgemment d’espaces en mixité choisie pour constituer un réseau.

Entre 2017 et 2019, sur les plus gros festivals de France, il n’y a que 3% des groupes dans lesquels il y a une mixité ou une majorité composée de femmes.

Peaches and Witches

Entre 2017 et 2019, sur les plus gros festivals de France, il n’y a que 3% des groupes dans lesquels il y a une mixité ou une majorité composée de femmes (les études sont très binaires et ne parlent pas de minorité de genre). On axe vraiment sur cette visibilité et ce besoin de réseau entre les minorités de genre pour que ça existe. Pour les jams, on aimerait bien toucher le maximum de personnes, même complètement amateur·ices, ou qui n’ont jamais osé s’y mettre. On aimerait montrer que c’est possible, qu’il y a des espaces dédiés, qu’on peut dédramatiser la vision de l’artiste et qu’on est toutes et tous légitimes à faire de la musique. 

Comment votre féminisme et votre vision intersectionnelle rendent singulière votre approche du secteur de l’événementiel ?

L’intersectionnalité, c’est une valeur qui ne s’impose pas par elle-même. C’est toujours le but, mais c’est aussi toujours un travail d’y faire attention. Il faut toujours faire au maximum, on ne peut pas garantir une parfaite intersectionnalité, ni des espaces parfaitement safe, mais il faut les imposer comme valeur et tout le temps se remettre en question. Dans le milieu culturel en général, tout est très statique. Des fois, les gens ne se posent pas de questions sur ce qu’ils sont en train de faire. On essaye nous d’apporter de la constante mouvance de ces questions-là. 

Crédit photo : Jane Doe

Est-ce que le choix de la gratuité va de pair avec un choix d’inclusivité ?

Oui, totalement. C’est vraiment pour rendre accessible à tous.tes. On fait un événement social et politique. Ça nous fait tellement chier de devoir faire des subventions pour gagner de l’argent. On se rémunère pas dans l’association ; toutes les actions sont bénévoles. Et on se retrouve quand même à se battre avec des budgets.

Bordeaux est-elle une ville réceptive à des événements militants ?

De plus en plus. Je suis étonnée à quel point les personnes sollicitées nous ont soutenues, c’est assez nouveau. Sur les années précédentes, ce soutien était plutôt inexistant. Le soutien de la Mairie a été précieux. Nos SMAC ont une histoire assez sexiste et misogyne, mais il y a des personnes dans chaque structure qui essayent de faire bouger les choses. On a eu un super soutient de la Rock School Barbey, du Krakatoa, de la PAMA (Pessac). C’est encourageant. 

Au niveau des publics, on a vu un grand enthousiasme, on a gagné des abonné·es sur les réseaux sociaux. Sur les jams, plus ça va, plus on a du monde, donc c’est que ça répond à une demande. On encourage n’importe quelle personne qui peut monter des jams à le faire. Il va y en avoir de plus en plus besoin, dans des styles différents, car on ne peut pas répondre à toutes les demandes. Ce n’est pas parce qu’on fait communauté qu’on a la même manière de faire de la musique, mais ça permet de faire du réseau et de connaitre de plus en plus de musicien·nes.

Même les études binarisent les rapports.

Peaches & Witches

Quelle évolution pour la place des minorités dans le secteur culturel selon vous ?

Plus de visibilité. Je dirais qu’il y a un énorme travail à faire sur les descriptions qui sont encore très binaires au niveau institutionnel. Pour les personnes non-binaires, c’est encore compliqué. On se bat déjà pour se définir soi-même parce qu’on a une langue pourrie qui a tout binarisé, mais en plus de ça, même les études binarisent les rapports. On a du mal à sortir de certains stéréotypes au sein même de nos communautés, donc ça c’est le plus gros boulot à faire. 

Comment voyez-vous évoluer Peaches and Witches dans les prochaines années ? 

Continuer à faire des événements, toucher du monde, réfléchir à des nouveaux formats, car ça prend énormément de temps et on n’est pas tout le temps disponibles. On fait un appel à bénévoles pour des personnes qui veulent vraiment s’engager, on aimerait bien que ça tourne un peu. 

Pour le moment, on s’est dit qu’on allait peut-être ralentir un peu. On va garder nos jams, faire au moins un événement par an, et après ça dépend des autres énergies qui viennent et qui veulent monter des projet. Pour les jams, on arrive à s’échanger les casquettes assez facilement, il y a assez de personnes dans le collectif. Vu que c’était une fois par mois, on en a organisé assez pour qu’il y ait des réflexes. On ne va pas multiplier encore plus les événements parce que c’est énormément d’énergie. Un fleuve tranquille !

Le mot de la fin ?

L’événement de ce week-end est en partenariat avec Radio Tempête qui est une webradio qui diffuse seulement des femmes et minorités de genre, mais aussi Le Type. On a également le dispositif Angela, c’était important et logique pour nous. Et aussi la Mairie de Bordeaux qui nous file tout le matos, big up. On a hyper hâte, c’est des mois de travail. On a peur et on espère qu’il fera beau !

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