Wonkey : initiation au « Bedroom rap »

Entre deux clichés lors d’une séance de shooting photo, nous avons eu l’occasion de discuter avec le groupe de hip hop bordelais Wonkey. C’est lors de cet entretien à la cool et détente qu’ils nous ont raconté leurs débuts, leur façon de créer, tout en nous donnant leur point de vue sur la scène musicale bordelaise.

Crédit photo : Intza Bagur

Premièrement, comment vous êtes-vous rencontrés ? Vous faisiez quoi avant de créer ce groupe ?

Hugo : On s’est rencontrés au lycée, on était à l’internat ensemble et tous en option musique. On a commencé sur un premier projet, Totem. On a toujours joué ensembles, enfin moi j’ai d’autres projets à côté, Cameron aussi. 

Quentin : Après le lycée on est tous restés à Bordeaux donc on a pu continuer à jouer ensemble et il y a un an et demi ou deux ans, on a créé Wonkey, qui n’avait pas du tout la même forme qu’aujourd’hui. 

Hugo : En fait, on a évolué, au début c’était plus hip hop, old school, à l’ancienne, maintenant ça évolue plus en dance music.

Vous utilisez des sonorités jazz, funk et chill tout en combinant du rap ; d’où vous viennent toutes ces influences ? 

Quentin : Je pense qu’on écoute un peu de tout. Après, chacun a ses préférences et ses phases on va dire.  

Hugo : Quentin il est du monde de la night

Quentin : Oui, c’est un peu moi qui ait ramené la dance dans le groupe. 

Hugo : Cameron a des influences un peu plus indie, folk, des influences lo-fi. Quentin apporte le côté vachement punchy, électro. Moi je met des accords jazz. On rigole, en réalité on est tous pareils. Ça fait tellement longtemps qu’on joue ensemble qu’on se comprend sans vraiment se parler. Franchement, on peut jouer n’importe quoi, n’importe quel style, on sait comment on fonctionne ensemble.

Quentin : On se complète.

Pourquoi avez-vous choisi de chanter en anglais et en français ? 

Cameron : Pas de choix. 

Hugo : Cameron ne sait pas très bien parler français…

Cameron : Ouais ,moi je suis nul en français. Enfin bref, on nous a posé la question et en fait on ne sait même pas pourquoi. Même dans notre premier groupe de lycée je rappais déjà en anglais. 

Hugo : Moi je n’ai pas le niveau pour rapper en anglais, encore chanter en anglais ça va, mais rapper, ça demande de bien connaître la langue. C’est l’accent aussi, enfin surtout quand tu as un anglais qui rappe à côté de toi et que tu dois faire pareil après ! Donc il y a des morceaux qui sont entièrement en français, des morceaux anglais-français, c’est toujours un peu des deux en fait.

Crédit photo: @ntz.bgr

Maintenant on ne reconnaît plus des artistes en fonction d’un son, de l’esthétique, de l’image qu’ils donnent… Les genres se mélangent donc il faut trouver autre chose pour se faire reconnaître.

Vous revendiquez un style de rap bien particulier, le « bedroom rap » : en quoi cela consiste exactement ?

Hugo : Bedroom rap, ça vient de la bedroom pop. C’est un mouvement musical lancé par des gens qui n’avaient pas de moyens pour créer de la musique. Il y a des petits jeunes de 18 ans qui font des morceaux partout dans le monde, dans leur studio, donc ils ont labellisé ça comme de la Bedroom pop. La critique musicale derrière ce terme c’est que ce n’est pas du tout fait selon les codes professionnels. Ils ont enregistré ça avec leur matériel. 

Quentin : C’est la suite du indie en gros, c’est du fait maison. 

Hugo : Et comme on s’est tournés là-dedans et qu’on a des influences un peu indie, c’est drôle d’utiliser ce terme. 

Quentin : Cela nous sert juste à mettre un mot sur ce qu’on fait. 

Hugo : Oui, parce qu’on est inclassables, alors pour rigoler on a dit bedroom rap. Mais en fait ça a été repris par le festival Relâche. Nous on mettait bedroom rap pour rigoler, parce qu’on s’en fiche en fait du style que tu fais. Au final, le groupe ne se résume pas qu’à ça.  Maintenant on ne reconnaît plus des artistes en fonction d’un son, de l’esthétique, de l’image qu’ils donnent… Les genres se mélangent donc il faut trouver autre chose pour se faire reconnaître.

Cameron : Effectivement, le festival Relâche avait retenu ce terme pour définir notre style au public et du coup pour rigoler ils avaient mis “rap de chambre”.

Et est ce que vous pensez qu’il y a d’autres groupes qui correspondent à ce genre-là ?

Quentin : Il y a quelques groupes de Bordeaux qui sont bedroom

Hugo : Il y a énormément de groupes de rap, mais il n’y en a pas beaucoup qui font leur propre prod. Enfin, ceux qu’on a rencontré ont souvent des beatmakers à côté. Il y a très peu de hip hop live, parce que nous on joue quand même un peu en live, on est pas des MC’s avec une prod qui tourne derrière. On crée un hybride entre le dj set et le live.

On est pas des rappeurs.

Avez-vous réalisé des feats (collaborations) avec d’autres artistes bordelais ? Si ce n’est pas le cas, aimeriez vous en faire et avec qui ? Quel est votre point de vue sur la scène musicale bordelaise ?

Quentin : On ne s’est jamais posé la question parce qu’on ne les connait pas vraiment en fait. On ne vient pas du même univers qu’eux (les rappeurs), dans le sens où la sphère rap de Bordeaux a des codes bien précis auxquels on ne correspond pas tant que ça. 

Hugo : C’est comme Tyler The Creator. Il disait qu’il n’était pas respecté dans la scène de rap parce qu’on le prend pour un mec qui fait de la pop. Et dans le monde la pop on le prend pour un mec qui fait du rap. 

Quentin : On n’est pas du tout dans ce délire du rap parce qu’au final on fait de la musique, et dans le rap il y a ce côté où les gars se regroupent et font du freestyle, par exemple. Je pense que si on y va ce ne sera pas la même chose. Eux ils ont leur téléphones sur lesquels ils ont gratté leur textes et ils ont l’habitude de faire des freestyles. Nous on n’est pas dans cette vibe là. On n’est pas des rappeurs.

Cameron : Moi je ne suis pas trop penché sur l’écriture, contrairement à beaucoup de rappeurs. C’est bien d’avoir de jolis textes mais je suis plus dans la musique, les sonorités, car je suis musicien à la base. Mais faire des feats, c’est ça la question…

Hugo : Naë ce serait stylé. Ce serait drôle avec un groupe qui n’a rien à voir aussi.

Quentin : Après dans ce qui est rappeur bordelais il y a Yudimah, le WL Crew

Cameron : Mais là, on rentre vraiment dans la scène rap, hip hop, où on est huit sur scène.

Hugo : Et c’est vraiment bien mais nous c’est pas du tout ça… On n’a pas de communauté en fait, on s’est ghettoïsé.

Depuis un an, nos titres sont assez chill, plus posés.

À quoi destinez-vous vos sons ? Essentiellement pour les concerts ou pour écouter chill dans sa chambre justement ? 

Cameron : Cela dépend, mais en général nos productions sont destinées pour le live.

Hugo : On aimerait bien faire des morceaux un peu plus beaux et calmes mais on s’est rendu compte que ça marchait moins en live

Cameron : Je pense aussi que les gens, quand ils regardent un concert, ils sont plus réceptifs à des genres qui bougent, qui font danser. 

Quentin : C’est dur de faire des morceaux posés quand tu n’est pas encore très connu.

Comment avez-vous créé l’EP Vague ? Y avait- il une direction artistique précise ? Qu’est ce que vous aviez envie d’exprimer ? 

Hugo : C’était notre premier EP, on essayait de faire un mélange de tout ce qu’on connaissait. La création du groupe était assez récente, on ne se connaissait pas encore assez. C’était des compositions qu’on avait créé il y a presque un an, donc c’était vraiment les prémices du groupe. On venait de commencer à faire du hip hop et on n’avait jamais fait de rap avant. Donc on voulait voir ce qu’on pouvait produire et on a fait cet EP très modestement en s’amusant. Mais ça a évolué depuis un an, nos titres sont assez chill, plus posés.

Cameron : On s’est aussi franchement améliorés, que ce soit en prod ou en écriture, on sait un peu mieux gérer les live. L’EP Vague n’a rien coûté, j’invitais Hugo un après-midi pour enregistrer les voix et c’était fini quoi. Enfin j’ai taffé pas mal la prod.

 Crédit photo : @ntz.bgr

Est-ce que vous pensez travailler avec un label par la suite ? 

Cameron : Je ne sais pas trop ce que ça veut dire aujourd’hui bosser avec un label, c’est un peu flou. Moi je suis ingénieur du son, donc j’ai de l’expérience, ce qui nous permet de produire nous-même nos propres sons. Donc avoir un label, qu’est-ce que ça nous apporte ? À part de la visibilité, je ne vois pas vraiment.

Hugo : Moi j’aimerai bien avoir un label, mais genre Universal quoi (rires). Il vaut mieux avoir un gros label, plutôt qu’un petit label. Enfin ça peut servir parfois.

Pouvez-vous nous expliquer le projet Quaran’tape, que vous avez réalisé pendant le confinement ? 

Quentin : On l’a créé parce qu’on s’ennuyait (rires), mais surtout parce qu’on voulait faire du son, être un peu présents pendant cette période. 

Hugo : C’était le meilleur moment pour poster des trucs sur les réseaux parce que tout le monde y était. On a beaucoup plus posté sur Instagram, de plus en plus de sons y sont publiés. C’est incroyable mais cette plateforme a tout absorbé. 

Cameron : En fait, c’est fou parce qu’on se conforme au format d’Instagram. Par exemple la semaine dernière on a sorti des remix d’Angèle et on l’a formaté pour la plateforme. 

Hugo : On a aussi fait des morceaux d’une minute aussi pour la Quaran’tape . On les a ensuite postés sur Soundcloud en format long.

Pensez-vous produire ces sons en concerts live ? D’ailleurs, avez-vous des concerts de prévu quand il sera de nouveau possible d’en refaire ? 

Hugo : Rien n’est sûr, le festival Tribus libres voulaient nous faire jouer en août. Mais ce n’est pas encore confirmé à 100%. On devait aussi jouer au Climax, mais ça a été annulé.

Et l’alternative des concert en live sur les réseaux sociaux, qu’en pensez vous ? 

Hugo : Moi ça me déprime totalement de voir des groupes qui font des live Instagram. Cela veut dire que le spectateur est sur son portable avec un son de mauvaise qualité qui en sort. Mais c’est ce qui va se faire dans les prochaines années, étant donné la crise qu’on est en train de vivre, c’est quand même utile pour les artistes puisqu’ils peuvent continuer à se produire.

D’ailleurs, comment vous êtes-vous organisés pour créer pendant le confinement ? 

Hugo : C’était un son par jour. Chacun postait quand c’était son tour. 

Cameron : Un ordi et c’est parti ! C’est pour ça que c’est bedroom.

Hugo : J’ai remarqué qu’avant, sur notre compte Instagram, on était vachement précautionneux, et maintenant on hésite pas à poster des trucs. Avant on voulait vraiment sortir un album, il fallait qu’il soit parfait, nickel. Puis là, par exemple, Cameron a fait une petite remix d’Angèle. De toute façon on est dans un monde où c’est la quantité qui prime. Tu as beau faire un album de qualité de 13 morceaux, ça ne sert à rien, il faut qu’il y ait la communication derrière.

Du coup vous voulez vous conformer à ça, faire beaucoup de productions ? 

Hugo : On a toujours fait beaucoup en fait, on a toujours pleins de trucs en réserve.

Quentin : Je pense qu’on a fait la différence entre poster des trucs qui sont spontanés comme les remix, la Quaran’tape et sur des choses plus conséquentes, comme un album.

D’ailleurs avez-vous un album, un projet de prévu ? 

Hugo : On a des tracks qui sont enregistrés, en vrai on a quasiment toutes les compositions pour un nouvel EP.
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