Rest in zik, le big challenge de Diez

Alkpote, Limsa d’Aulnay, A2H, Lino, Passi… Alors que le line-up de la deuxième édition du Rest in Zik, un festival 100% rap français se déroulant à Bordeaux, vient d’être dévoilé, rencontre avec l’un de ses organisateurs, Diez. 

« J’avais pris un peu de retard sur les mails ces derniers jours. Du coup, aujourd’hui, j’ai dû m’y mettre de 10h à 16h pour pouvoir tout traiter… ». Tel est le quotidien de Diez, l’un des co-organisateurs du festival Rest in Zik : entre deux soirées organisées au Secteur, la boîte de nuit 100% rap old school de Bègles au sein de laquelle il est directeur artistique depuis octobre dernier, Diez et son équipe de l’association Big Challenge s’occupent de l’organisation du Rest in Zik, qui aura lieu au mois de mai.

Et il y a encore beaucoup de travail : entre la logistique, les négociations avec les tourneurs des artistes, les rendez-vous avec les différents services de la mairie (sécurité, espaces verts…) ou encore la communication sur les réseaux sociaux, Diez est obligé de travailler toute la semaine, samedi et dimanche compris. « C’est chronophage, mais c’est aussi un grand kiff » lâche-t-il, assis sur l’un des canapés du Secteur.

Un gros challenge

Chez Diez, l’idée d’organiser un festival de rap à Bordeaux ne date pas d’hier. Elle date même d’il y a plus de dix ans : en 2010, au Square Dom Bedos, un mini festival de rap avait eu lieu, avec Ol’Kainry en guise de tête d’affiche. Sauf que l’année d’après, l’événement n’avait pas été renouvelé. Depuis, l’idée d’organiser lui-même un festival de rap lui trotte dans la tête. Mais à cette époque-là, lui qui est rappeur et membre du groupe 6mik, et vient alors de sortir un album solo, cherche plutôt à se produire sur scène lui et son groupe. Alors, en 2012, avec ses potes, ils créent l’association Big Challenge pour organiser ses propres concerts, notamment en première partie des gros rappeurs de passage à Bordeaux.

Mais au fur et à mesure, l’association lui permet aussi de produire d’autres rappeurs, que ce soit à Bordeaux, ou en co-production avec des associations des villes de Lille, Lyon, ou Nantes. « À Bordeaux, on a fait venir Pete Rock & C.L. Smooth et Cunninlynguists en rap US par exemple. Et en rap français, Fianso, Furax Barbarossa, Davodka, RK… Maintenant, on fait aussi un peu d’autres esthétiques comme Flavia Coelho ou The Rumjacks » explique-t-il, alors que le dernier concert organisé par Big Challenge, celui de Demi Portion et L’uzine à la salle des fêtes du Grand Parc, date d’octobre dernier. 

Appétit de liberté et indépendance d’esprit

Les années passent, puis le confinement est arrivé, et l’envie de créer un festival de rap est revenue. Avec Big Challenge, il commence donc à tâter le terrain auprès de la mairie bordelaise. Bingo : elle est partante. Principal obstacle ? Trouver un lieu adéquat. Alors qu’ils se verraient bien l’organiser au square Dom Bedos, la mairie leur propose le parvis de la MÉCA. Malgré quelques réticences, l’équipe est quand même partante. Diez et ses potes de Big Challenge activent alors leurs réseaux pour faire venir du lourd côté line-up.

Résultat ? Sniper, les Nèg’Marrons, Busta Flex, Davodka, Furax Barbarossa, ou encore Fayçal, Fello ou Fhat.R côté rap bordelais répondent à l’appel de la première édition. Puis, s’enchaînent des mois de travail harassants durant lesquels ils doivent s’occuper de la logistique, s’accorder avec les différents services de la mairie, trouver des stands de nourritures et de boissons, des parrains (qui étaient Koma et Mokless de la Scred Connexion pour la première édition), ou encore un emblème pour les affiches du festival, qui aura la forme d’un loup, « car il symbolise l’appétit de liberté, le don de soi, la loyauté, et l’indépendance d’esprit » explique Diez. Puis, une date est fixée : le festival aura lieu les 16 et 17 septembre 2022. 

Changement de lieu à la dernière minute

Mais alors que la campagne de communication est lancée, que le line-up est dévoilé, et qu’un certain engouement commence à prendre auprès du public bordelais, coup de théâtre : le festival doit changer de lieu, à la dernière minute. « Le parvis de la MÉCA, c’est de l’espace public. Mais le bâtiment à côté, il est géré par la Région. Et visiblement, on n’était pas les bienvenus auprès de la région…» Finalement, le festival aura lieu au Parc des sports de Saint-Michel.

Bilan de cette première édition ? « On n’a pas affiché complet, mais c’est très satisfaisant quand même » déclare Diez. Aidés par 26 bénévoles, aucun couac n’est à déplorer. Et une bonne ambiance générale entre les stands a notamment été permise grâce à Koma et Mokless de la Scred Connexion, venus avec leur Scred boutique ; « ils ont mis de l’huile dans les engrenages » se souvient Diez. Et ce que ce dernier retient surtout, c’est l’esprit fédérateur du festival. « Une dynamique s’est créée. Les gens s’y sont connectés, ils travaillent ensemble maintenant. Ça vit après. Alors qu’un concert, c’est plus des one shot, il y a moins de rencontres de ce type-là. »

Pari sportif et nouveautés

Rassurés par la réussite de cette première édition, les membres de Big Challenge se mettent à travailler sur une seconde édition. Mais impossible pour eux de la faire à nouveau en septembre. En cause ? La coupe du monde de rugby, qui, avec sa fan zone, occupera le Parc des sports de Saint-Michel dès août 2023. Contrainte de changer de date, l’équipe décide alors de l’organiser les 12 et 13 mai. « Ça va faire deux éditions en moins d’un an, c’est sportif » rigole Diez.

Malgré tout, l’enthousiasme prime. « Et puis c’est plus simple, il n’y a pas à refaire tout le travail fait pour la première édition. C’est déjà rôdé » explique-t-il. Les nouveautés de cette seconde édition ? Avec notamment Alkpote, Limsa d’Aulnay ou encore A2H, la tranche d’âge est un peu plus élargie. Mais avec Lino, Passi, Nuttea ou encore la Scred Connexion, on reste majoritairement dans le rap old school. « Parce qu’on a les contacts, parce que c’est moins cher, et parce qu’on est sûrs que ces artistes vont faire les choses bien. Cette année, on est plus sereins. »

Au rayon des nouveautés, cette année, on notera la présence d’un live-band pour le concert d’A2H (qui sera accompagné du groupe The Playerz). Encore une fois, toutes les disciplines du hip-hop seront représentées : DJ, graffiti, danse, beatbox… Et alors qu’il y a eu des surprises l’année dernière, avec notamment les présences de Jaeyez d’Afro Jazz, Testos d’ATK ou encore Fanny Polly, de nouvelles surprises auront lieu durant cette édition.  

Scène locale

Comme l’année dernière, un concours est mis en place pour donner l’opportunité à un rappeur ou une rappeuse de monter sur scène. Sauf que cette année, le mode de sélection a changé : alors qu’en 2022, le rappeur qui avait reçu le plus de likes via un système de votes sur Instagram gagnait le concours, cette année, une draft a été mis en place, avec 10 candidats sélectionnés, qui auront 15 minutes chacun pour convaincre le jury de Big Challenge d’être choisi pour jouer au Rest in Zik.

Pour ce qui est des rappeurs et des rappeuses de la scène locale, on notera la présence d’une rappeuse en tête d’affiche en la personne d’Almä Mango (rappeuse que l’on a déjà interviewé ici pour Le Type de Rap). Pour le reste des rappeurs locaux (Cholo, Mhache, Esday…), la sélection est le fruit des goûts des membres de Big Challenge. « On regarde un peu tout ce qui sort ici. Perso, je suis jury dans des tremplins, ça aide à voir ce que les jeunes artistes donnent sur scène. Évidemment, quand on fait les sélections, on fait beaucoup de déçu·es. Il faut gérer de l’humain, de l’ego… il faut être adroit. »

« À Bordeaux, c’est pas trop la guerre entre les rappeurs »

Au passage, on a évidemment demandé à Diez ce qu’il pensait du rap bordelais. Sa réponse ? « Il y a beaucoup de talents, mais peu d’exemples de réussites. Comme disait Fayçal, peut-être qu’il manque une vraie couleur musicale à la ville. À Marseille, ils rappent beaucoup sur du Jul par exemple. C’est beaucoup plus varié à Bordeaux. Et puis, c’est toujours à Paris que tout se passe » analyse-t-il. Alors qu’on lui dit que le problème vient peut-être du manque d’entraide entre les rappeurs de la ville, Diez nuance nos propos. « À Bordeaux, c’est pas trop la guerre entre les rappeurs. Il y a des petites embrouilles certes, mais franchement, c’est gentil par rapport à d’autres villes. Pour moi, le problème principal, c’est que c’est surtout cloisonné par style. Ceux qui font du boom-bap, ils soutiennent ceux qui font du boom-bap. Pareil dans la trap, la drill, ou la plug. Alors qu’à Marseille, ils se soutiennent tous. »

Dès le départ, on a dit à la mairie que si on le faisait, c’était pour plusieurs années

Diez, fondateur du Rest in Zik

La suite pour le Rest in Zik ? Essayer de s’améliorer sans cesse, en mettant par exemple des écrans LED en fond de scène pour la prochaine fois. Car oui, maintenant qu’ils sont lancés, Diez et son équipe de Big Challenge comptent bien faire en sorte que le Rest in Zik perdure dans le temps. « Dès le départ, on a dit à la mairie que si on le faisait, c’était pour plusieurs années. Vu le taf que ça demande au début… c’est beaucoup de sacrifices, mais il y a une vraie opportunité de faire un truc bien. Avec le Demi-festival, le festival de rap organisé par Demi-Portion à Sète, on est les seuls à faire ça. Je crois qu’il y a un mec dans les Vosges qui essaye d’en monter un aussi, mais c’est tout. »

Au fait, pas trop difficile de faire venir des rappeurs à Bordeaux ? « Non. La ville est bien vue dans le rap. S’il y en a qui ne viennent pas, c’est surtout pour des problèmes de timing et d’emploi du temps. Ce sont des cartouches que l’on garde pour plus tard. Ils cherchent tous à se produire le plus possible. Et quand en plus tu dis à un rappeur qu’il va partager la scène avec Lino, il est encore plus content de venir… » Rendez-vous les 12 et 13 mai prochains pour s’en rendre compte de nos propres yeux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *