Mélanny Rodrigues de Musettes : « tisser du lien entre créatrices »

Rencontre avec la fondatrice du réseau de créatrices Musettes, Mélanny Rodrigues. Basée sur le Bassin, elle revient sur le rôle de ce collectif à l’occasion de la tenue de la troisième édition du festival du même nom qu’elle co-organise avec sa « moitié de travail » Morgane Piedjoujac, architecte paysagiste. Les 7 et 8 septembre prochain, celui-ci se déroule au Domaine de La Montagnette, à La-Teste-de-Buch, et réunit de nombreuses artistes et forces vives du territoire.

Photographe, rédactrice indépendante, organisatrice d’événements… Mélanny Rodrigues a grandi sur le Bassin d’Arcachon, à La-Teste-de-Buch. C’est au fil de ses rédactions, notamment pour le SIBA (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon) qu’elle prend conscience du foisonnement de créatrices à l’échelle locale. Portée par l’idée d’organiser un festival, elle décide en septembre 2022 d’en réunir une vingtaine. C’est au Domaine de La Montagnette qu’elle porte son dévolu pour la mise en place de ce qui deviendra la première édition de Musettes.

« Suite à ça, ça a été assez magique, raconte celle dont l’énergie déborde. J’avais vraiment l’impression de marcher dans mon imagination. En 3 mois le festival s’est créé. Il y a à peu près 1000 personnes qui sont venues le week-end. » Des échanges que Mélanny aura tout au long du week-end, elle retient une idée : il faut pérenniser l’initiative. L’association Musettes née à ce moment-là, un « réseau de femmes entrepreneuses » reliées tout au long de l’année.

Le Type : Qu’est-ce qui t’a poussé à réunir des femmes créatrices du Bassin d’Arcachon autour d’un festival ?

Mélanny : J’avais à cœur de rencontrer et de réunir toutes ces femmes. Elles m’ont inspirées, beaucoup ont fait des reconversions, ont quitté des postes à responsabilité. La plupart d’entre elles sont mamans, avec plusieurs enfants et elles arrivent à mener de manière tentaculaire plusieurs carrières, se lancer dans l’entreprenariat. J’ai trouvé important de le saluer, le célébrer.

Cet événement était une manière de leur offrir un bel écrin pour pouvoir présenter leurs projets. Je fais très attention à la sélection, j’aime que ce qui soit proposé soit soigné. Elles parlent de leurs activités avec beaucoup de cœur.

Comment perçois-tu l’évolution de la féminisation de l’entrepreneuriat ces dernières années ?

On a souvent l’impression qu’à la tête des grandes entreprises, ce sont souvent des hommes aux manettes. Le confinement a beaucoup aidé les femmes à prendre conscience que ça n’allait pas dans leur environnement professionnel. Qu’elles n’étaient pas assez reconnues ou mises en valeur. Et avaient donc du mal à s’épanouir.

Je pense que beaucoup se sont servies du confinement, de ce temps de réflexion, pour pouvoir se lancer dans l’entreprenariat. Donc oui, l’auto-entreprenariat s’est développé, pour les hommes et pour les femmes. Mais sur le Bassin d’Arcachon, quand on se déplace sur les marchés, on s’aperçoit d’une présence plus importante de femmes portant des projets de création.

Notre but, c’est de tisser du lien entre les créatrices et entrepreneuses, pour les sortir de la solitude de l’entreprenariat.

Mélanny Rodrigues (Musettes)

Quels sont les rôles et les missions de l’association Musettes ?

L’an dernier, Musettes c’était 116 adhérentes. Cette année, nous en avons 146, tous corps de métier confondus. Ça va de la tatoueuse à la tisanière, à la créatrice de bijoux ou encore à la fripière… Notre but, c’est de tisser du lien entre les créatrices et entrepreneuses, pour les sortir de la solitude de l’entreprenariat. C’est une problématique à laquelle je suis confrontée à titre personnel en tant que photographe indépendante : je suis souvent toute seule derrière mon ordinateur.

L’idée est donc de créer du lien, de casser cette routine. On propose des ateliers toute l’année, avec des experts-comptables, des expertes en réseau sociaux pour travailler sur le community management, etc.. Le but est aussi de donner des outils, des clés pour pouvoir se lancer sereinement dans l’auto-entreprenariat. 

Comment faire pour rejoindre le collectif ?

Quand on fait les demandes d’adhésion, on est ouvertes à tout le monde. Il y a de la place pour tout le monde. Tout le monde peut exister à partir du moment où tu as ton identité. Sur 146 adhérentes, je pense qu’il y a au moins 10% de créatrices ou de praticiennes qui sont en train d’entamer une reconversion et qui sont venues prendre des informations. Il y a beaucoup de masseuses, des naturopathes…

Beaucoup de filles qui nous ont rejoint ont déménagé dans la région. Ce qu’elles saluent, c’est que rejoindre Musettes leur permet de créer du lien, de se créer un petit réseau, alors que le Bassin (d’Arcachon, ndlr) peut avoir la mauvaise réputation d’être fermé aux nouveaux et nouvelles venues. Plusieurs membres ont créé leur cercle d’ami·es proches via l’association. Pour moi, c’est une grande fierté.

Par ailleurs, un certain nombre de collaborations ont pu voir le jour entre adhérentes. L’an dernier, on en a recensé presque 46. Ça va de la création d’un projet commun à l’organisation d’une retraite de yoga collective ou la place en place d’ateliers… De plus, Musettes permet de nous faire rencontrer des femmes qui maîtrisent un domaine qui nous manque. Par exemple : je suis photographe mais pas graphiste, et j’ai rencontré Pauline qui est devenue la graphiste officielle de Musettes. Aujourd’hui, elle m’accompagne sur tous mes projets que ce soit pour le Studio Hibou ou pour Musettes. On ne peut pas s’improviser ce qu’on n’est pas. Le réseau permet aussi d’avoir un répertoire de personnes qu’on peut contacter quand on a besoin de travailler sur certains projets.

Musettes peut-il s’ouvrir aux hommes à terme ?

Notre premier museau est Benjamin Labassa, il est sculpteur sur bois. Je l’avais aidé dans le passé en écrivant un article sur lui pour Vivre le Bassin. Il avait insisté pour me rendre la pareille, et je lui avais dit qu’on avait besoin d’un bar à prosecco pour Musettes. En 48 heures, il nous a fait un bar à prosecco magnifique. Maintenant, le bar nous suit dans tous nos événements. Et lors de la 2e édition du festival, j’ai demandé à toutes les exposantes si Benjamin pouvait devenir le premier Museau de Musettes et à l’unanimité, il a été accepté.

Malgré tout, Musettes est fait par et pour les femmes. Je ne fais pas de généralité, mais je sais qu’il y a des problématiques qui ne peuvent pas être totalement comprises par les hommes. Malgré tout, on a adopté une charte acceptant l’adhésion de certains hommes ; certains de nos événements peuvent les accueillir en tant qu’exposant. Cela nécessite un vote. En plus de Benjamin, il y a aussi Benjamin Moine qui est pâtissier.

On ne veut pas genrer nos événements, on veut juste mettre en lumière toute l’étendue du talent féminin. 

Mélanny Rodrigues

Qu’en est-il du public de Musettes ? Vos événements sont-ils ouvertes à toutes et à tous ?

Oui bien sûr ! Par exemple sur la deuxième édition de Musettes, on a fait venir une barbière, Jeanne, elle offrait des tailles de barbe gratuitement. On a fait ça pour marquer l’inclusivité, et on veut que les hommes se sentent les bienvenus et qu’ils se sentent bien. Ils peuvent participer aux cours de yoga, au cours d’aérobic, à des massages… Tout est ouvert à tout le monde : on ne veut pas genrer nos événements, on veut juste mettre en lumière toute l’étendue du talent féminin.

La mise en lumière de ce talent féminin passe aussi par une programmation musicale lors du festival…

Avec le festival Musettes, on veut contrebalancer une tendance. Plusieurs études ont montré que la part d’artistes féminines programmées lors d’événements musicaux est minime. On veut prendre la tendance inverse : chez nous elles sont les bienvenues.

Cette année, il y a 6 concerts sur Musettes. Pour la première fois, il y aura un homme, j’ai eu un coup de cœur pour sa musique. Ce sera Théo Isambourg, c’est un petit mec qui vient de l’Île Maurice, sa musique est incroyable, très reliée à la culture surf. Il y aura aussi EmmaFleurs et Naë, deux artistes bordelaises. Emma (EmmaFleurs, ndlr) était là l’année dernière, elle nous avait régalé. Elle vient du Mexique et elle fait de la pop-transatlantique, c’est franco-espagnol, très solaire.

C’est la première fois que Naë vient, je suis fan de sa voix depuis hyper longtemps. Elle fait de la pop très orientée r’n’b. On a également Tara qui vient du Pays-basque et qui fait des chants du monde entier, elle m’a séduite avec un chant indien, son mari est à la flûte de pan. Ensuite on a Okali qui était là l’an dernier. Après être passée sur le festival Musettes, elle est passée à The Voice, les Francofolies… C’est une artiste à la renommée importante, on est hyper fières de l’avoir sur une nouvelle édition.

La grosse surprise, qui est mon petit caprice – parce qu’on avait déjà plus trop de budget – elle s’appelle Lucy Gallant, c’est une artiste australienne. Elle fait de la soul, folk, reggae avec une voix qui ressemble un peu à Amy Winehouse. C’est un rêve de recevoir sur notre petit festival une artiste qui vient de si loin.

Peux-tu nous détailler du reste de la programmation de cette prochaine édition du festival Musettes, et notamment nous parler du lieu qui l’accueille ?

Le lieu c’est le Domaine de La Montagnette, c’est au niveau de l’éco-quartier de La Teste-de-Buch, à côté de l’ancien hôpital. La Montagnette, c’est trois logements indépendants, qui peuvent accueillir à la base 27 couchages. Nous y investissons toute la partie extérieure, avec la place du village. Il y a aussi une piscine naturelle extérieure qui fait 150 mètres carrés. Autour, il y a trois pôles de massage, plus la scène de concert. Cet écrin appartient à Charlie et Gautier Lafon, qui sont devenu·es des ami·es.

Au-delà de la musique, il y a une trentaine d’exposantes et deux Museaux. Il y aura des praticiennes : 5 masseuses avec du kobido (soin du visage japonais), des massages ayurvédiques (technique de massage traditionnelle indienne), des massages californiens… On a aussi des drainages Renata Franca (drainage lymphatique). Il y aura une voyante qui est là depuis le début et qui s’appelle Véro. Elle fait des séances de médiumnité, elle lit dans les gens comme dans un livre ouvert.

Il va y avoir un bar à bagel qui est la nouveauté de cette année, il y aura également des glaces au Ricard qui sont faites à la plancha, c’était mon souhait depuis l’an dernier. On a toujours notre bar à prosecco, qui fait partie de l’identité de Musettes. On a des ateliers gratuits pour les enfants. Il y a de l’éco-print, c’est de l’impression de végétaux sur du textile, et des cours de yoga pour enfants. On fait ça pour permettre aux parents de pouvoir profiter du festival sans être obligées de surveiller les enfants. Comme chaque année, on veut que la culture soit mise en avant.