Entretien : à la recherche de la pop transatlantique avec EmmaFleurs

Rencontre avec la jeune artiste bordelaise EmmaFleurs, autrice de morceaux remarqués sur la toile, dans un univers artistique empreint d’influences latinos et pop. Elle sera au festival Musettes le dimanche 18 juin au Le Domaine de La Montagnette à La Teste-de-Buch.

Crédit photos : Juliette Martin

Le Type : Comment as-tu démarré la musique ?

EmmaFleurs : Tout a commencé quand ma mère est arrivée du Mexique en 1995. Très vite, elle s’est inscrite à l’Alliance Française de Bordeaux pour louer des chambres. Il se trouve qu’il y avait une Japonaise du nom de Yumiko qui est venue un jour. C’est elle qui m’a donné des cours de piano quand j’avais 4 ans. J’ai donc très tôt commencé à apprendre les bases du piano grâce à elle. Quand elle est partie, on m’a inscrite au conservatoire, à la formation « Premier Pas », qui consiste à te faire tester 3 instruments. Après ça, on t’oriente soit vers le piano, la flûte traversière ou l’accordéon. J’ai évidemment choisi le piano – j’étais asthmatique, donc la flûte ne me réussissait pas du tout (rires).

De manière générale, mes parents m’ont pas mal poussé dans la musique étant donné que j’en faisais chez moi. J’ai commencé par participer à des évènements aux Vivres de l’Art – où bossait mon père – et j’ai aussi chanté à la vitrine de Mexicana, une boutique située rue Sainte Catherine où travaillait ma mère. À 18 ans, quand j’ai bougé sur Paris, j’ai commencé à vraiment travailler sur mon ordi, faire un peu de MAO (musique assistée par ordinateur, ndlr) en solo dans ma chambre. Je testais des trucs ; je me souviens que je me couchais hyper tard, mais ça me plaisait vraiment. C’est à cette période-là que j’ai enregistré « brujita » qui a un peu percé sur SoundCloud peu de temps après. J’avais fait ça avec mes écouteurs filaires !

Pour l’anecdote, ce son est passé à la radio mexicaine en 2018 suite à la rencontre un peu par hasard d’un gars qui tenait une antenne originaire de la même ville que ma mère. Je lui avais fait écouter mon son et il avait tout de suite accroché. À peine un mois plus tard, il m’a appelé en me disant qu’il allait passer mon son à sa radio. Le jour même, j’ai appelé toute ma famille au Mexique dans la foulée. J’étais super fière !

Autour de quel univers artistique et musical gravites-tu ?

Pour ma première affiche initialement prévue au Blonde Venus – avant que le Covid-19 nous bloque – j’avais décris ma musique telle que de la « pop transatlantique ». J’avais défini ce terme du fait de mes inspirations de musiques latino-américaines, mexicaines, portoricaines, cubaines… Le panel d’inspiration est très large ! Depuis, j’ai toujours dit par défaut que je faisais de la pop transatlantique. On me répliquait que c’était trop long, trop confus… Mais je me suis rendue compte en jouant et répétant des morceaux chez moi, que c’était vraiment un style de pop latino repris à ma sauce. C’est ça que j’aime et que je décris en tant que « pop transatlantique ».

Pour illustrer ce que j’aimerais bien faire à terme, je pense à Chancha Via Circuito qui est un groupe que j’aime beaucoup écouter. Il possède un style un peu cosmique, électronique, avec une voix qui fait presque penser à des incantations de chamans. Tout ce qui est le plus agréable pour moi c’est de pouvoir chanter comme je l’entends, peu importe comment ressort l’écoute derrière. Natalia Lafourcade m’inspire énormément également. C’est une mexicaine qui fait beaucoup de reprises en hommage aux artistes latino-américains.

Comment décrirais-tu ton processus de création musicale ?

Un peu comme quand tu dois rendre une dissertation pour le lendemain (rires), c’est-à-dire que je bosse un peu à l’arrache et dans l’instant. Par exemple, pour ma prestation au Garage Moderne il y a quelques semaines, j’ai préparé mon set la veille. Ce mode de fonctionnement vient aussi du fait qu’en ce moment je suis en alternance, et que j’ai entre autre un mémoire à rendre…

Sinon, quand j’ai du temps, mon processus est simple : je compose une production et j’écris derrière ou je chante par-dessus. Jusqu’ici ça a toujours marché pour moi. En général je peux commencer par des accords de piano, ou alors par une mélodie que j’ai en tête qui me plaît. Je filme alors ça avec mon téléphone pour m’en souvenir, pour que plus tard je puisse travailler dessus.

Crédit photo : Juliette Martin

À terme, j’aimerais bien avoir un processus plus réfléchi et plus posé, qui pourrait m’aider pour structurer mes sons correctement. Quand on a sorti « Echale Ganas » avec Diboujone, on avait commencé à me parler de deadline… Sauf que je n’aime pas ça – même si c’est essentiel et que je travaille surement mieux « sous pression ». Ça rejoint la comparaison avec une dissertation à rendre que j’ai mentionnée juste avant. 

Te sens-tu proche d’une scène artistique spécifique à Bordeaux ?

Le premier concert que j’ai fait à Bordeaux c’était à l’IBOAT, dans le cadre de l’évènement Block Boat. J’étais pratiquement la seule artiste féminine, autour d’une quinzaine d’artistes masculins qui faisaient du rap. J’étais contente d’être associée à ces artistes. Non seulement c’était quelque chose de nouveau mais ça me plaisait, vu que j’ai aussi envie de rapper en espagnol.

Plus récemment, lors de l’évènement du Garage Moderne auquel j’ai participé, l’association organisatrice 100neuf m’avait aussi contacté pour un autre évènement qui s’appelle Hors Circuit. On m’avait notamment proposé de jouer avant Maria con Chile qui est un groupe de musique latine – ça m’a fait extrêmement plaisir, parce que je connaissais les musicien·nes.

Je me reconnais autant dans la scène latino que la scène non-latino. Je n’ai pas envie d’être associée plus à une scène qu’à une autre.

EmmaFleurs

Pour autant, même si j’adore la scène latino de Bordeaux et que je prends part à tous les évènements qu’on peut me proposer, j’ai aussi une envie de me détacher de cette scène et d’être moins associée à la culture hispanique. Finalement, je me reconnais autant dans la scène latino que la scène non-latino. Je n’ai pas envie d’être associée plus à une scène qu’à une autre.

Comment observes-tu ce paysage musical bordelais ?

Ce que j’apprécie à Bordeaux c’est qu’on n’est pas obsédé·es par la volonté de « trop émerger » : on reste sur un cadre intimiste, où tous les artistes se connaissent de près ou de loin, même s’ils ou elles existent dans des scènes décalées ou différentes musicalement parlant. On n’est pas avide de succès, même si on a la volonté de se valoriser, d’exister et de se démarquer en tant qu’artiste. Bordeaux a une scène musicale sérieuse, où des artistes convaincu·es font des choses qui leur plaisent.

Tu joueras au festival Musettes le dimanche 18 juin à La Teste-de-Buch sur le Bassin d’Arcachon. Quel est ton rapport au live ? T’arrive-t-il souvent de réaliser ce type de prestation ?

Le live est une formation, je le vis comme une petite école. C’est surtout une grosse source de motivation. Mon premier live a eu lieu en avril 2022. Depuis, j’ai fait à peu près 6 prestations. À chaque fois que j’en fais, j’évolue, ça m’apporte énormément. Même les gens autour de moi me le disent ! Mon petit frère, par exemple, me dit à chacune de mes prestations qu’elle fut la meilleure (rires). 

Quels sont tes projets pour l’année à venir ?

Un de mes plus gros projets est de faire un album à terme. Notamment parce que j’ai énormément de sons que je garde au chaud. Après, actuellement ma priorité reste de réaliser mon mémoire que je dois rendre fin août (rires). Je travaille sur le statut de la nourriture dans la création contemporaine. 

Quand j’en aurai fini avec ça, j’aimerais dédier tout mon temps à la musique – notamment postuler dans des structures culturelles en administration et en production – mais surtout, j’aimerais pouvoir mettre mon argent dans un vrai studio, enregistrer du live, faire de la musique avec des musicien·nes… Peut-être faire des feats et me lancer dans la scène hip-hop.

Qu’écoutes-tu en ce moment ? As-tu des recommandations pour nos lecteurs et lectrices ?

En ce moment, j’écoute en boucle de la bonne grosse salsa mais aussi de la banda « A Través del Vaso » de Banda Los Sebastianes, « Fuck me » de Julian Rodriguez Rona, c’est extrait d’un spectacle de danse de l’argentine Marina Otero. J’écoute aussi le projet de la bordelaise Kagome, elle a joué au Juicy Market début mai à Bordeaux. Je découvre doucement Logan à la Mélodie – il était à la jeune académie vocale d’Aquitaine avec moi et même si je ne suis pas encore bien touchée par ce qu’il fait, ce qu’il me plaît c’est qu’il a un violoncelle électronique et il chauffe des salles avec ça. Il a notamment fait la première partie de Sopico. Mis à part ça j’ai beaucoup streamé le dernier EP du local aupinard.

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