La création artistique en période atypique : Équipe de Foot (8/8)

À travers les artistes et leurs œuvres, il est possible de pressentir le reflet d’une société et de constater le spectre d’une époque. Cela vaut d’autant plus lorsque celle-ci fait face à une période de crise. C’est pourquoi Le Type a décidé de jeter l’ancre dans leur intimité, afin d’essayer de comprendre leur rapport à la société et à la vie mais aussi d’aborder leurs innombrables façons de créer. Et pour cela, quoi de mieux que La Pépinière, l’incubateur d’artistes de musiques actuelles qui se terre dans les profondeurs du Krakatoa ? Chaque année, elle réunit une fine sélection des artistes les plus prometteurs de la scène bordelaise, où ils sont accompagnés au profit du développement de leurs projets musicaux. C’est donc une série de huit interviews que nous terminons aujourd’hui avec Équipe de Foot, groupe rock indé représenté par Alex et Mike, duo aux sonorités complexes et sans arbitrage, avec passements de jambes entre noise et garage revisité.

Crédit photo : Marine Truite

Le Type : C’est quoi le rythme de vie d’un artiste confiné ?

Alex : Dans le désordre : je me lève, je bois du café gavé, je fais du sport, je fais plein de musique, je joue à la console, je regarde des films et des séries, je regarde top chef, je fais des apéros par Skype, je mange comme un porc.

Mike : Personnellement, je tourne pas mal en rond. Je bois pas mal de café également.

Quels avantages et inconvénients tirez-vous de la création sur une temporalité modifiée ? Trouvez-vous des inspirations ou des façons de créer différentes ?

Mike : Pour moi, hormis le fait qu’on peut pas se voir pour répéter, c’est l’occasion de beaucoup composer, ce qui est au final quelque chose d’assez dur à organiser en temps normal. C’est assez rare d’avoir deux mois de libres pour quasi uniquement faire de la musique. Personnellement ça aura été une période vraiment très propice à la composition et à la création pour moi, j’ai jamais eu autant de temps dédié à ça, et ça m’a fait beaucoup de bien. J’ai composé un EP, fait un album de reprise et composé la musique de plusieurs lectures de nouvelles horrifiques avec ma copine, c’était vraiment cool pour ça.

Alex : Effectivement on a jamais eu autant de temps et bien entendu ce temps est profitable en ce qui concerne l’album sur lequel on bossait quand le confinement a été instauré. On peut prendre du recul sur ces morceaux et se dire qu’au final ils sont superbes. Après je crois que ce qui a le plus été chamboulé en ce qui me concerne, c’est l’espace. Je suis confiné avec ma copine dans un petit appartement à Paris et je n’ai pas d’espace dédié pour faire de la musique. Peut être que j’ai du mal à m’adapter mais ça ne me va pas vraiment de ne pas sortir, de ne pas être en mouvement, de ne pas avoir le gros son, de ne pas être impliqué physiquement.

© Mike. « La pièce dédiée à la musique chez Mike. Là où la magie opère. »

Michaël, je te le dis à distance mais te voir taper sur tes tambours ça me manque.

Aujourd’hui, quelles sont vos craintes et doutes sur le fait d’avoir une activité réduite ?

Mike : Comme tout le monde dans le monde de la musique et du spectacle en général, la grosse crainte est de voir beaucoup de dates annulées ou repoussées, ce qui va probablement me faire perdre mon intermittence, comme beaucoup d’autres personnes, et forcément c’est pas hyper confortable comme situation. En ce qui concerne le groupe, on était en période de composition d’un album, donc ça repousse un peu tous les plans, ce qui n’est pas si grave au final, ça nous fait prendre du recul, c’est bien. Pour les dates par contre c’est vraiment dur, parce qu’on adore tourner, et que c’est aussi pour ça qu’on fait de la musique, et la crainte c’est qu’on arrive pas vraiment à remplacer toutes ces dates, et que ce soit galère pour un groupe de notre taille de se faire reprogrammer un peu partout, surtout en ne sachant pas du tout comment la situation va évoluer dans les mois qui arrivent. Pour tous les groupes indés ça risque d’être super dur.

Alex : Clairement c’est pas un moment cool. Les concerts manquent gavé. Gueuler des chansons d’amour ça manque. Michaël, je te le dis à distance mais te voir taper sur tes tambours ça me manque. Les craintes sont bien celles qu’a évoqué Mike : quand allons-nous pouvoir reprendre? dans quelles conditions? (faire un concert avec un masque, devant un public sanitairement parsemé?). La peur est également que les calendriers soient complets (salles, sorties de disques) et que les comptes soient vides.

Les périodes de crises sont toujours de bonnes occasions de se surpasser j’imagine, […] on peut toujours essayer d’en sortir grandis.

Est-ce que cette crise vous fait imaginer le futur différemment et donc votre carrière d’artiste post-confinement d’une autre façon ?

Mike : C’est sûr que ça fait beaucoup réfléchir, et on sait que l’année qui arrive va être très dure si on s’en tient à nos réflexes habituels de périodes de composition et de tournée. Donc on va devoir se réinventer, et pas mal se diversifier je pense ! Mais au final j’ai l’impression qu’on cherchait déjà tous très souvent de nouvelles manières de faire, ça aura juste été un gros coup d’accélérateur super violent de ce point de vue là. On verra bien comment les choses se concrétisent et comment on s’en sort, mais ça va pas être une période évidente je pense. Mais les périodes de crises sont toujours de bonnes occasions de se surpasser j’imagine, même si on s’en serait bien passé, on peut toujours essayer d’en sortir grandis.

Alex : Pour l’instant, la période qu’on traverse ne me donne pas vraiment de vision quant à notre futur, tout cela est assez inédit pour qu’on puisse sereinement se projeter, la frustration quotidienne me donne juste envie de tout niquer dès que ce sera possible.
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L’extrait du duo

Le titre « Momentary Bliss » de Gorillaz, avec slowthai & Salves.

« Gorillaz c’est un truc qu’on aime gavé et ça fait du bien d’entendre un bon morceau de ce groupe, ça faisait longtemps qu’on avait pas mal décroché ! Ces temps-ci on parle super souvent de Gorillaz ensemble alors qu’on compose notre nouvel album, on envisage un truc vachement hétérogène, fun, cool, swagg et puissant à la fois. »
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Toutes les interviews de la série « La création artistique en période atypique » :

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