Entretien : le retour du Sidéral Festival à Bordeaux

Le Sidéral Festival fait son grand retour à Bordeaux du 5 au 8 mai, après 2 ans d’absence dus à la pandémie. À quelques semaines du lancement de cette nouvelle édition, les organisateurs répondent à quelques questions.

Le Type : Dans quel état d’esprit vous situez-vous à l’approche de cette nouvelle édition du Sidéral Festival, après deux années annulées à cause de la situation sanitaire ?

Sidéral Festival : On est hyper chauds ! On en a marre de construire et déconstruire la même édition depuis 2020. On a perdu des groupes, changé des noms, gardé la même direction artistique et graphique qu’on adore… Mais on a hâte de concrétiser une nouvelle édition et passer enfin à la suite.

La culture et le monde des concerts ont pris un sacré coup

Sidéral Festival

En quoi cette période a transformé votre approche dans l’organisation de ce festival, et plus globalement sur votre façon d’envisager l’événementiel et la vie culturelle ?

C’est clair qu’on est moins sereins, on a pas mal d’a priori. Déjà car on ne sait jamais si une annonce gouvernementale va nous tomber dessus, et nous obliger à annuler. Et aussi à cause du pass sanitaire. Des gens sont aujourd’hui plus frileux à réserver leurs soirées, et ça se comprend. La culture et le monde des concerts ont pris un sacré coup, c’est clair.

Pouvez-vous nous parler un peu de cette nouvelle édition ; à quelles nouveautés s’attendre par rapport aux éditions précédentes ?

On a eu une contrainte supplémentaire qui a été de se limiter à 3 groupes en live à la salle du Grand Parc, car ils ne souhaitaient plus faire jouer 5 groupes le même soir, comme nous l’avions fait en 2019. Cela a un peu déconstruit notre image du festival… Je n’imaginais pas le festival possible avec aussi peu de groupe par soir, durant 3 soirées en statique à la salle du Grand Parc. Je trouvais ça monotone, pas excitant du tout, ça manquait de mouvement et d’ambition.

Du coup, on a été obligé de se réinventer. Nous avons pris l’initiative de proposer un festival plus itinérant, sur l’ensemble du territoire. Le premier soir d’ouverture se déroulera aux Vivres de l’Art, le vendredi et samedi à Grand Parc, et nous avons prévu un after à l’IBOAT le samedi dans la nuit, avec un live électronique et des DJ sets pour une belle fête de clôture.

Sidéral Festival, 2019, Zombie Zombie

Y-a-t-il un festival, ailleurs en France ou dans le monde, qui inspire le Sidéral Festival ?

On ne copie personne, puis on est pour le moment un simple festival dans Bordeaux centre, dans des lieux bien identifiés. Mais on aimerait bien un jour trouver un lieu rien qu’à nous, un Sidéral spot qui devienne aussi l’identité du festival. Ce genre de festival nous inspire : ceux qui ont un lieu unique. Aussi, on ne va pas nier qu’on a une influence psych fest, comme il en existe à Liverpool, Manchester, Bristol, Barcelone ou Rome…

On veut garder cette dynamique psyché qu’on aime et qui fera toujours partie de notre direction artistique. Mais cette année, on a décidé qu’il fallait aussi ouvrir nos esthétiques, car ça devenait contraignant de filer droit dans une seule direction et on n’avait pas réellement envie de se mettre des barrières, ni de philosopher sur le terme “psych” pour essayer de rentrer dans les bonnes cases. On a donc décidé de s’appeler uniquement “Sidéral Festival”. Ainsi, on a plus à se limiter dans nos choix ou à se justifier. On peut explorer le rock alternatif, le punk, les formes post-machins, la musique électronique underground et expérimentale. Autant de formes qui nous parlent et qu’on veut faire cohabiter sur ces 3 jours !

Avez-vous 2 ou 3 coups de cœur à nous partager en lien avec la programmation de cette nouvelle édition ?

Bien sûr, dans l’équipe on a tous des goûts bien personnels aussi, c’est normal. Mais on essaie d’être un maximum ouvert et d’ouvrir les esprits et le public sur des esthétiques auxquelles il ne se confronte pas naturellement.

Il y a Iceage, qu’on fait venir du Danemark exprès, exclusivité bordelaise, ils n’ont jamais joué ici. C’est un groupe à la fois puissant, sensible, borderline et imprévisible. Sorte de rock habité alternatif, post-punk, à fleur de peau, jamais linéaire, leur live est vraiment immanquable. On nous en a dit que du bien, on les attend avec impatience.

Last Train, les jeunes Français qui montent grave en ce moment, légèrement post-rock, c’est vraiment un groupe live. Ils sont très forts, leurs compositions sont travaillées et ça joue à la perfection. Un gros show rock en somme, ils viennent tout juste de retourner l’Olympia à Paris.

Aussi, Vox Low qui est à la frontière entre post-punk, musique électronique et kraut-rock psychédélique. Répétitif et industriel, c’est une ambiance unique qui vaut vraiment le détour. Après, évidemment, les autres groupes sont aussi des coup de cœur ; c’est vraiment le but de notre travail de programmateur, de notre passion. Giobia sort des sons psych rock magiques, Camera est une sorte de show expérimental quasi-improvisé immanquable qui a démarré dans le métro berlinois. Dewolff, c’est un show 70’s rock psychédélique dans la pure tradition d’une qualité remarquable qui captive quiconque se retrouve devant leur scène. Melenas, ce sont des super-nanas qui proposent un garage psyché hyper naturel, avec des melodies pop qui restent en tête, elles ont un naturel très touchant. Enfin la Mverte, le closing live électronique, dark disco. On adore, il va faire décoller l’IBOAT avec ses productions incroyables.

Sortir des sentiers battus, sortir des esthétiques commerciales c’est déjà psyché.

Sidéral Festival

Quid de la scène locale en termes de rock psyché ; Bordeaux est-elle un terreau fertile pour ces esthétiques musicales ?

On a envie de dire oui. On a pas mal d’initiatives bordelaises dans des scènes liées de près ou de loin à la musique psyché, mais plus globalement on a encore pas mal de nouveaux projets hybrides ou qui expérimentent dans diverses sous culture rock, pop, punk et/ou électronique à Bordeaux. Des curieux qui puisent dans des influences diverses ; des années 1960, 1980, 1990 ou 2000, pour créer de la musique qui fait voyager. Au sens large, sortir des sentiers battus, sortir des esthétiques commerciales c’est déjà psyché. C’est un terme qui veut tout et rien dire psyché, ça peut aller dans tous les sens. Peu importe le sens des choses finalement. N’est ce pas ça la réelle idée du psychédélisme ?

Sidéral Festival, 2019.

Quels sont les groupes, artistes, acteur·ices qui incarnent cette scène en local ?

Il y a Mars Red Sky qui existe depuis longtemps déjà, qui jouera lors de notre soirée d’ouverture aux Vivres de l’Art. Et il y a des groupes comme Pretty Inside du collectif Flippin’ Freaks, ou Arthur Satan qui vient de sortir un nouvel album, puis plein d’autres artistes qui ont des influences psychédéliques de près ou de loin, même dans la musique électronique. Mais, comme je le disais, on veut ouvrir nos esthétiques, car je pense que toutes et tous les amateur·ices de musique aiment différentes propositions artistiques. Rester sur un microcosme, ce n’est pas viable et souhaitable à moyen terme.

À Bordeaux, les salles conventionnées sont bien en place, mais il manque clairement des petits lieux pour accueillir plus de publics de niche.

Sidéral Festival

Plus globalement, vous travaillez avec plusieurs acteur·ices à Bordeaux, avec plusieurs lieux, etc. Comment percevez-vous l’évolution de l’écosystème culturel local ?

L’évolution de l’écosystème culturel à Bordeaux, c’est un vaste débat. Là, clairement, on a beaucoup de lieux indépendants et de petites initiatives qui se sont cassées la gueule pendant le covid. Ce n’était déjà pas glorieux ces dernières années. On sent maintenant plus qu’un déclin : c’est un cimetière, surtout dans l’émergence de petits lieux indépendants de musique amplifiée, mais pas uniquement… Et ce alors que l’accès à la culture, la petite culture de niche, de proximité, est un droit fondamental et vital. On a toutes et tous besoin de créer et d’admirer la création des autres, cela pousse au dépassement de soi, à attaquer demain avec plus d’entrain. Les salles conventionnées sont bien en place, mais il manque clairement des petits lieux pour accueillir plus de publics de niche. Même dans les bars, ça devient impossible de proposer de la musique live en centre-ville, trop de contraintes financières, légales, de sécurité, etc.

Les caves à Bordeaux, c’est terminé et à mon avis, on ne reviendra jamais en arrière. C’est un réel problème que la Mairie doit traiter, des discussions sont en cours… À voir à quoi cela abouti. Sinon, je trouve qu’il y a une bonne dynamique entre la mairie de Bordeaux et les collectifs de musique locaux dont on fait partie, il y a beaucoup d’effervescence dans la musique électronique évidemment, mais ils nous soutiennent aussi pas mal en nous proposant un accompagnement sur les scènes estivales en plein air. C’est super de pouvoir travailler avec eux en ce sens, il faut le souligner.

Quelles sont vos ambitions à long terme sur Bordeaux ?

Continuer le travail que l’on a commencé, continuer à faire découvrir des pépites européennes, internationales et nationales. Faire jouer des artistes car c’est un réel besoin pour beaucoup de musicien·nes, il faut continuer à se battre pour leur permettre de se produire, notamment celles et ceux qui sont moins visibles, qui ne font pas les grosses scènes. On est obligé de faire des choix face au grand nombre de demandes qu’on a. Ça devient presque triste, le manque de petit lieu à concert se fait vraiment sentir… C’est un combat personnel que l’on mène au quotidien avec notre collectif l’Astrodøme. On espère bien continuer à développer toutes ces actions à l’échelle locale. Et, peut-être, dans les années à venir, monter un nouveau petit lieu alternatif à concerts.

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