Entretien-bilan 2021 avec Daisy Mortem

Entretien avec le duo bordelais Daisy Mortem, à l’occasion d’un concert que nous organisons avec les FrancOff, le samedi 18 décembre à La Fabuleuse cantine de La Rochelle. Bilan de l’année 2021, projets futurs, lien avec la ville de Bordeaux et autres anecdotes : rencontre.

Crédit photo : Charlotte Pouyaud

Le Type : Vous sortez d’une tournée européenne (Paris, Bilbao, Bruxelles, Bristol, Londres, Manchester…) : quel retour d’expérience vous en faîtes et quels souvenirs vous en gardez ?

VAMPI : Globalement de très beaux retours, dans plusieurs pays. Je pense notamment à l’Espagne où c’était incroyable ! Ce n’est pas la première fois qu’on y joue, et à chaque fois on a d’excellents retours, une très bonne énergie…

Cindy Bluray : Oui on a une vraie histoire d’amour avec l’Espagne ! 

VAMPI : La Belgique aussi c’était excellent, on a eu un super accueil du public. Pareil à Londres d’ailleurs où c’était la première fois que l’on jouait. C’était d’autant plus cool qu’on arrivait là-bas en tant que quasi-inconnus. On a eu un public qui a tout de suite accroché avec ce qu’on proposait, ça fait vraiment plaisir !

Cindy Bluray : En plus, Londres, c’était un peu un rêve d’ado. En venant d’une petite ville du Sud-Ouest, jouer là-bas c’est un truc qui parait fou… Enfin bref, sur toute la tournée on a un retour d’expérience qui est génial, et ça donne vraiment envie de continuer !

En mai dernier vous avez sorti un album de remixes avec beaucoup d’autres producteurs et productrices de la scène musicale. La galaxie Daisy Mortem semble assez étoffée (comme nous le relevions dans un article). Comment toutes ces connexions artistiques s’établissent et s’agit-il bien d’un élément central de votre démarche en tant que groupe ?

VAMPI : C’est hyper important de collaborer. Déjà, c’est toujours intéressant de voir ce que peut produire un autre artiste avec notre musique, et puis, on vient d’une scène où ça se fait beaucoup : tout ce qui est remix, rework… Donc la collaboration nous paraissait évidente. En plus, pour la confection du projet, on était en confinement. Cela nous a permis de nous connecter via les réseaux à des artistes lointains, géographiquement parlant, auxquels on aurait pas forcément pensé en premier lieu.

Cindy Bluray : Du coup, c’était un peu une manière de voyager pendant le confinement. Ça c’est fait inconsciemment. Mais le fait de bosser avec des Américains, des Brésiliens… C’est assez excitant et dépaysant. Ça permet aussi de se débloquer, et de tenter de nouvelles choses que l’on aurait pas forcément osé proposer dans notre univers artistique. Après c’est vrai que nous sommes très aventureux avec Vampi. On aime beaucoup aller vers l’inconnu, donc la collab internationale, c’est quelque chose que l’on re-fera à l’avenir !

À propos de collaborations ; quelle est votre dernière découverte musicale marquante ?

VAMPI : Alors moi c’est une productrice de Glasgow, qui s’appelle Kavari, et qui est en train de monter. Elle a une approche très organique de la production qui me fascine. C’est très wild et raffiné… En tout cas, gros coup de cœur ! 

Cindy Bluray : Moi je vais parler d’une artiste que je kiffe depuis longtemps. Elle s’appelle El Pelele. C’est une artiste de Buenos Aires, en Argentine, qui produit des sons je trouve excellents : hyper hybrides, sans aucune limite, et qui ont des sonorités très latines et très industrielles aussi…Enfin bref! C’est le dernier producteur qui m’a vraiment mis une claque  !

Au-delà de connexions avec des artistes de la scène internationale, votre duo est basé à Bordeaux. Quels sont vos liens avec la scène musicale locale et quel regard portez-vous sur l’activité artistique et culturelle bordelaise ? On a l’impression que vous jouez presque davantage ailleurs qu’à Bordeaux..

VAMPI : Alors c’est drôle parce qu’il s’avère qu’aujourd’hui j’habite à plus de 1000 kilomètres de Bordeaux, je suis sur Londres. Donc déjà d’un point de vue géographique, c’est vrai qu’on est dans une phase d’expansion vis-à-vis de Bordeaux ! 

Cindy Bluray : Dans notre dynamique de concerts, de tournées et tout, on ne peut être que mobiles ! Déjà, on part du principe que tu ne peux pas développer un projet concret si tu restes au même endroit… Après pour ce qui est de la scène bordelaise, on a surtout créé notre propre scène je dirais. On a organisé beaucoup de soirées, on a créé un microcosme avec des artistes comme MƎC, Pakun Jaran ou Dalla$.

Mais je reconnais qu’on est plus trop présents à Bordeaux. Peut-être parce qu’on n’a jamais vraiment réussi à trouver notre place sur cette scène, à part l’espace qu’on s’est créé. De toute façon, nous on est toujours un peu des “orphelins”. On ne peut pas se rattacher à une scène en particulier… Je pense pas qu’on soit dans la scène “bordelaise” au final. Néanmoins, on a reçu pas mal de soutien récemment, venant d’une institution comme Rock&Chanson par exemple, et ça nous a fait chaud au cœur … On a pas l’habitude !

Est ce qu’on fait partie de la “scène bordelaise” ou est-ce que l’on a créé une micro-scène à Bordeaux ?

Cindy Bluray (Daisy Mortem)

Donc Bordeaux, au final, c’est plutôt vos racines que votre ville de cœur ? 

Cindy Bluray : Oui c’est un peu ça ! Tu vois tout à l’heure je te parlais d’artistes avec qui on collabore, mais ça reste nos potes avant tout ! Donc la question c’est : est ce qu’on fait partie de la “scène bordelaise” ou est-ce que l’on a créé une micro-scène à Bordeaux ? 

Aujourd’hui, vous vous sentez plus internationaux que Bordelais ?

VAMPI et Cindy Bluray : Oui, carrément ! 

Cindy Bluray : D’ailleurs, j’irais même jusqu’à dire que je me sens plus de Pessac que de Bordeaux.

Ah oui ? Pourquoi ça ?

Cindy Bluray : C’est pas pareil, pas la même façon de grandir… À seulement 10 kilomètres de différence, ça change pourtant beaucoup de choses quand t’es ado ! Entre la population d’un lycée de centre-ville, qui va écouter du rock plutôt chic par exemple, toi, dans ta banlieue campagnarde, tu vas être amené à écouter plus du rap ou de la musique de teuf. Tu as pas le même accès à ce qui est “cool” on va dire.

Crédit photo : Charlotte Pouyaud

Quel a été l’impact de la situation sanitaire sur votre projet ?

VAMPI : Comme on l’a dit avant, on a profité de cette période de confinement pour produire un album de remixes, qui est sorti en mai. Après, ça nous a bien été stoppé au niveau des tournées et des concerts… Cependant niveau créatif on a vraiment charbonnés ! On a notamment fait la BO de Spybird, un “documentaire-opéra” de Charlotte Pouyaud, qui a été nominé au festival de cinéma Côté Court à Paris. C’est un film d’une trentaine de minutes avec musique et sound-design tout le long, donc c’était vraiment un gros challenge pour nous… Et en plus de ça, sur Daisy Mortem, on a travaillé sur des nouveaux projets, de nouvelles démos, un nouveau projet d’album… On n’a vraiment pas arrêté !

Le bilan est plutôt positif sur le plan créatif du coup…

VAMPI : Oui niveau créatif, c’est sûr !

Cindy Bluray : En gros, c’est vraiment une situation de crise quand tu es artiste. Nous, ça fait dix ans que l’on fait ça, et là on arrivait au moment où l’on devait récolter les fruits de notre travail. Et avec la pandémie, c’est comme si on nous avait dit « en fait, non ». Dans cette situation, soit tu deviens fou, soit tu cherches d’autres moyens de t’exprimer. Ce que l’on a fait…

Donc je pense que du point de vue créatif c’est plutôt positif, mais il reste quand même des traces. Par exemple, dans les nouveaux morceaux que l’on est en train de composer, la thématique de l’enfermement revient très souvent. Pour l’avenir, je ne sais pas. Est-ce que ça va être difficile de remonter la pente ? Ou bien est-ce que cette période va motiver la scène DIY autoproduite ? Aucune idée. J’attends de voir ce que nous réserve 2022… Mais il faut rester optimiste ! 

Il est désormais interdit de faire danser les gens en bar ou dans des lieux culturels. Quelle est la situation la plus absurde dans laquelle vous vous êtes retrouvés en live (avant ou pendant Covid) ?

VAMPI : Oulala… Alors avant le COVID, il nous est arrivé de jouer dans des endroits minuscules. Je pense notamment à des tout petits bars dans le fin fond du Portugal, où il y avait juste les vieux du village qui étaient là. Sans forcément être venus nous voir. Nous dans des tenues pas possibles à jouer des morceaux alambiqués, face à trois personnes âgées qui sont là, le regard vide…

Cindy Bluray : Et tu viens de faire 1500km… On a des anecdotes bien pires encore mais on écrira sûrement un livre pour pouvoir toutes les faire rentrer.

Si on ne se trompe pas, vous semblez gérer votre projet vous-même, de manière assez indépendante. Est-ce un choix ?

VAMPI : Pour être honnête, au début, ça s’est fait un peu par défaut. Mais au fur et à mesure qu’on avance, je pense qu’on tient de plus en plus à garder une énorme indépendance. C’était donc “inconsciemment volontaire”, jusqu’à maintenant. Après, on recherche quand même des partenaires et des collaborateurs, pour s’entourer, car on en a besoin pour passer les étapes. Mais on veut garder au maximum cette liberté et ce contrôle.

La musique que l’on faisait, quelque part, c’était une sorte de déclaration d’invendabilité

Cindy Bluray (Daisy Mortem)

Cindy Bluray : Oui comme tu dis, je pense qu’inconsciemment on l’a toujours voulu. Au début, on voulait avoir un label, un agent, un booker… un max de trucs. Mais la musique que l’on faisait, quelque part, c’était une sorte de déclaration d’invendabilité.  C’était tellement bizarre et singulier qu’on avait aucune chance de trouver un label. Et en fait, puisqu’on ne sait faire que ça, et qu’on ne veut faire que ça, on savait dès le début au fond de nous qu’on n’aurait pas d’autre choix que d’être indépendants.

Aujourd’hui, on arrive à se débrouiller en indé. C’est aussi simple que ça. Le truc, c’est qu’on attend personne et qu’on a jamais attendu personne. L’important c’est de faire ce qu’on a envie de faire.

L’année 2021 se termine, elle semble avoir été assez chargée pour Daisy Mortem, avec la sortie de votre album de remixes Fausses Nouvelles, la tournée dont on vient de parler, pas mal d’intérêt de la part de la presse (notamment étrangère)… Avez-vous eu le temps de préparer la suite pour 2022 ? À quoi s’attendre ?

VAMPI : Pour l’instant, on ne peut encore rien révéler car tout est en élaboration. Mais évidemment beaucoup de choses sont en cours. Des choses concrètes, que ce soit au niveau du live ou du studio. En ce moment, on est vraiment dans une période créative assez intense, et plutôt inspirante je dois dire… On a hâte d’être en 2022 !

Cindy Bluray : Dites-vous qu’il faut vous attendre à l’inattendu ! 

Vous jouez le samedi 18 décembre à La Rochelle pour un événement que l’on co-organise avec nos amis des FrancOff ; est-ce que ce sera le dernier live de l’année ? 

VAMPI : Oui ce sera surement le dernier live

Cindy Bluray : Pour ce qui est du 18, il faut venir vivre l’expérience… Soit on déteste, soit on adore !

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