Coronavirus: que faire pour continuer de soutenir la vie culturelle

La crise épidémique liée au coronavirus que connaît actuellement le monde entier a un fort impact sur tout le secteur culturel. Salles et clubs fermés, festivals et événements annulés ou reportés, artistes et agences de booking privés de tournées, médias à l’arrêt… L’ensemble des acteurs du milieu subissent de plein fouet les mesures de confinement et l’arrêt total de toute activité. Bien sûr, la vie culturelle n’est pas la seule touchée. Tous les secteurs économiques sont impactés et, à l’heure où des vies sont en jeu, où nos hôpitaux sont surmenés, il serait indécent de vouloir prioriser ou de placer les intérêts du monde artistique et culturel au-dessus de cette mêlée. En tant que média culturel, nous souhaitons malgré tout afficher notre plein soutien à tout le secteur. Dans un esprit positif et optimiste, nous sommes allés demander à certain acteurs de notre « scène » comment chacun de nous peut continuer à aider des acteurs (artistes, disquaires, festivals, lieux de diffusion, agences de booking, libraires, médias, tourneurs, promoteurs…) qui craignent légitimement pour le maintien de leurs emplois ou même leur survie. Pour qu’elles et ils puissent continuer d’exister une fois la crise passée, et dans un esprit de solidarité, nous avons donc listés quelques pistes pour agir depuis son canapé pour soutenir la vie culturelle. Si les exemples choisis partent de l’échelon local, chacune des propositions peuvent être appliquées partout en France, et au-delà.

Crédit photo : William Millaud

Prépayer des disques & des livres

Comme pour la plupart des commerces hors-alimentaire, les disquaires et les libraires sont lourdement impactés par la situation. Les privant de leur seule source de revenu, la fermeture fait peser sur ces acteurs déjà fragiles une lourde menace. Non-résignés, ils et elles proposent plusieurs solutions pour pouvoir les aider à surmonter l’épreuve. Martial, l’un des deux gérants du disquaire Total Heaven à la Victoire, propose par exemple à ces clients et autres adeptes de la galette de prépayer des disques, à récupérer plus tard ; « comme un crowdfunding, mais avec des vinyles à la fin ».

Dans le même esprit, certains libraires s’organisent, à l’image de La Zone du Dehors qui met en place depuis le 17 mars une « Pandémie Box ». La librairie située Cours Victor Hugo propose d’abord à chacun de réfléchir à la part de son budget qu’il ou elle alloue aux livres. Un questionnaire est par ailleurs mis à disposition pour recevoir des suggestions de livres. Enfin, un crédit livre/café/jeux peut être acheté via ce lien. Ce crédit est ensuite alloué au compte client de l’acheteur et pourra être utilisé une fois le confinement terminé !

Surtout, dans ce mouvement de soutien à la vie culturelle, on ne saurait que trop conseiller de ne pas se tourner vers des géants de la grande distribution et du commerce en ligne. Si certains annoncent des embauches massives, ils restent malgré tout parmi les principaux fossoyeurs du tissu commercial indépendant local. Dans ce contexte, comme l’explique le boss du label bordelais Talitres, Sean Bouchard : « gageons que certains prendrons de nouvelles habitudes de consommation : les productions locales, les offres choisies et non pas le gavage coûte que coûte, les entreprises à taille humaine et bien d’autres alternatives encore. Aiguisez votre curiosité, celle-ci vous le rendra au centuple. »

Continuer d’écouter & acheter de la musique en ligne

Avec la totalité des concerts et tournées annulées, les artistes indépendants se retrouvent avec un manque à gagner certain. Trouver des moyens de les soutenir dans les jours à venir apparaît dès lors comme une urgence. Certaines plateformes d’écoute ont décidé de contribuer à cette dynamique, à l’instar de Bandcamp qui va renonce à percevoir le moindre centime sur les ventes de morceaux effectuées sur son site.

Au-delà, continuer d’écouter sur les plateformes de streaming plus classiques les artistes indépendants contribuera à leur apporter des revenus supplémentaires. Action primordiale dès lors que cet argent peut parfois faire la différence pour certains pour payer loyers ou biens de première nécessités. Soutenir artistes et labels peut également se faire à travers l’achat de produits dérivés aka le merchandising (t-shirt, sweat, totebag…) comme le souligne Mathias de Sauce Prod, promoteur de concerts rap à Bordeaux.

Signer des pétitions

Mises en place au lendemain de la décision d’interdire les regroupements et événements de plus de 100 personnes, plusieurs pétitions circulent actuellement sur les internets. Visant notamment à soutenir les intermittents du spectacle qui vont eux aussi être lourdement affectés, elles sont importantes pour mobiliser le public à leur côté. Comme l’indique Christophe Bosq de 3C tour (agence bordelaise de spectacle et tournées), il est important « d’insister sur ces pétitions pour les intermittents et faire comprendre aux gens que les intermittents ne sont pas des nuisibles et ne plombent pas le comptes de Pole Emploi. L’ensemble de la filière musique est économiquement et socialement énorme.

#jecèdemaplace : Ne pas demander le remboursement de places/préventes achetées

Pour de nombreux promoteurs, festivals et lieux de diffusion, cette « simple » décision personnelle peut changer la donne. Ressource majeure pour la plupart de ces acteurs, la billetterie est l’une des conditions de leur survie … Chaque structure travaille en ce moment d’arrache-pied pour reporter leurs événements respectifs et proposeront pour leur grande majorité que les tickets initialement achetés soient valables à ces nouvelles dates.

Comme l’explique l’IBOAT, « en renonçant au remboursement, vous avez l’opportunité aussi de nous soutenir en nous aidant à nous relever ». Alors, pour celles et ceux qui le peuvent, faire ce choix peut contribuer à soutenir le secteur et afficher sa solidarité avec ce dernier. Dans la mesure du possible, continuer d’acheter des places de concerts et/ou de festivals pour les événements à venir peut aussi être un signal fort envoyé aux acteurs concernés.

Alimenter les médias

Également impactés par ce lockdown généralisé, les médias culturels se trouvent aujourd’hui privés de ce qui constitue pour la plupart le cœur de leur ligne éditoriale : l’actualité événementielle. Pour contrer cet assèchement de contenus, certaines plateformes, médias, webradio ou webzine font appel à leurs lecteurs ou auditeurs. A l’échelle nationale, le magazine de référence des musiques électroniques Trax Magazine met par exemple en place une rubrique spéciale sur son site, « Trax For Culture », un espace d’expression « dédié aux acteurs culturels touchés, au travers de tribunes, textes et contenus multimédias ».

Localement, on a pu voir la webradio Ola Radio lancer un appel à « contribuer à sa grille des programmes ». Qu’il s’agisse d’enregistrer sa voix, des sets, des lives ou tout autre type de contenus, l’équipe de la radio bordelaise se propose de les récolter en vue de les diffuser. Si certain.e.s ne se sentent pas à l’aise ou manquent de matériel, Alice, la co-fondatrice d’Ola pourra aussi lire en direct textes ou chroniques qui lui seront soumises. A noter que d’autres structures locales jouent cette carte « participative », à l’image du BT qui lance « A vos machines ». Le concept est simple : envoyer au club des démos, mix, morceaux, EP que vous souhaitez voir diffuser sur les réseaux sociaux du lieu.

On notera le rôle important que vont jouer tous ces médias à l’heure où chacune et chacun est plus que jamais en demande de contenus originaux, pertinents et ludiques pour s’informer de manière qualitative ou pour se divertir.

Faire circuler la musique

Interrogée sur ce sujet, Pauline Gobbini de la structure girondine Kiéki Musique (accompagnement et diffusion d’artistes) considère que « l’essentiel pour nous serait de garder nos artistes visibles sur la toile et que la musique continue de circuler ». Et de proposer de trouver enfin une « utilité aux chaînes ». L’idée ? « Que chacun relaie une vidéo de groupe régional ou découverte qu’il aime ». La période pourrait par ailleurs être propice au lancement de plateformes de musique libre et collaborative qui irait dans ce sens.

Dans ce même esprit, cette idée de circulation va dans le sens d’une mobilisation des artistes, pour qu’ils continuent de faire de la musique, de solliciter des collaborations à distance, créer des œuvre, « écrire et les proposer sur les réseaux sociaux » comme l’indique Christophe de 3C. « Ce sont nos rayons de soleil et ils doivent briller de tous feux pendant ces 15 jours minimum de confinement. »

Booker des artistes chez soi pour des concerts privés après le confinement

Glissée par Madeline Rey du Réseau des Indépendants de la Musique Nouvelle-Aquitaine (RIM), cette idée nous est apparue particulièrement réjouissante. Elle propose d’organiser des cagnottes entre potes et de « réinvestir l’ensemble dans des concerts privés d’artistes locaux salariés au GUSO (accessible aux particuliers) ». Cela pouvant notamment être mis en place dans nos salons ou nos jardins dès que les beaux jours succéderont aux jours de confinement. Une manière pour le moins enthousiaste de soutenir des artistes et de contrer la grisaille actuelle.

Se serrer les coudes

La période qui vient d’être enclenchée a été particulièrement angoissante et stressante pour tout le monde, y compris pour les acteurs de la filière qui ont dû, le cœur lourd, annuler événements, concerts, festivals et autres manifestations culturelles qui étaient programmées pour les semaines à venir… Dans un esprit de solidarité, d’entraide et de bienveillance, il est donc plus que bienvenu de ne pas céder à l’individualisme, à l’égoïsme et au manque de civisme en allant incendier sur Messenger ou par mail tout ces organisateurs en demandant de manière hostile des remboursements de places ou des informations très précises sur des reports. Comme mentionné plus haut, ils et elles travaillent tous sur ces alternatives, il ne sert à rien de leur mettre la pression.

Au contraire, en ces temps troubles, il est plus que jamais nécessaire d’afficher son attachement à ces acteurs, de leur faire parvenir des messages de soutien moral (liste ci-dessous), pour témoigner de notre intérêt pour leur travail et leur dévouement pour proposer tout au long de l’année une activité artistique et culturelle digne de ce nom. Pensons à la suite, au post-confinement qui sera la plus belle façon de manifester tout son intérêt et amour pour l’ensemble de celles et ceux qui s’active pour le rendre plus joyeux.

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    Merci à Lorette Lary pour la liste !
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