Chemise, art & fête : comment La Chemise Club se libère des étiquettes

À quelques jours de la venue à l’IBOAT et à La Chemise Club de Kendal, co-fondateur du label toulousain Ritmo Fatale, on s’est entretenus avec l’artiste, ainsi qu’avec Andrée Berra, créatrice du nouveau shop à chemise bordelais situé quartier Saint-Michel à Bordeaux. L’occasion d’explorer les liens entre fête, arts, chemises, et sape plus globalement.

Objet de mode intemporel, la chemise est à la fois un objet de tous les jours et un marqueur social qui a traversé les époques, (parfois) sans prendre une ride. Portée dans les films, les clips musicaux, les bals, au bureau, en festival ou sur une plage tropicale, elle est un élément vestimentaire indispensable, voire indiscutable. Analyse de ce must have du dressing.

Andrée devant la boutique La Chemise Club, 2 rue Saint François à Bordeaux. Crédit : William Millaud

Le Type : Salut Andrée ! D’où t’es venue l’idée de créer La Chemise Club ?

Andrée Berra (La Chemise Club) : J’ai lancé La Chemise Club en août 2021. J’ai toujours adoré les articles vintage et de seconde-main. Je vendais ce genre d’articles sur le web auparavant. Déjà à l’époque, la chemise était la pièce qui partait le plus facilement. J’ai constaté que ça pouvait être à la fois unisexe et inclusif, car la taille ne compte pas, ou peu. Des personnes plutôt menues vont porter des chemises immenses, comme d’autres les porteront étroites etc.. Ça permet d’avoir un article qui va presque à tout le monde.

J’ai donc décidé de ne pas prendre en compte le genre, de les trier par manches courtes ou longues et par couleur uniquement. Je laisse la liberté aux gens de décider si c’est genré ou non. La chemise est un article qui ne se démodera jamais. Elle fait partie du vestiaire depuis toujours, qu’elle soit unie ou à motifs on a toujours porté des chemises dans l’histoire. Pour ce qui est de la boutique rue Saint François, j’ai ouvert en avril 2022, avant un passage par le lieu OKOK.

Pourquoi avoir intégré la dimension de « club » dans le nom du projet ?

C’est pour renvoyer avant tout à l’idée de communauté – plutôt qu’au lieu où l’on fait la fête. À la base, le nom vient justement d’une ancienne marque française de chemises des années 1970 ou 1980, qui n’existe plus. Tout a commencé avec une simple page Instagram, avant de vite évoluer en quelque chose de physique, avec des événements que l’on organisait au Kokomo café, ou d’autres endroits. C’est ce qui à justement donné naissance à cet esprit de communauté, et donc de club.

Le club, c’est aussi les gens qui se reconnaissent à la fois dans l’objet qu’est la chemise, mais aussi dans une démarche de consommation responsable

Andrée Berra (La Chemise Club)

C’est donc ça aussi qui a permis d’aboutir à ce lieu, ainsi qu’au choix du modèle associatif. Le club, c’est aussi les gens qui se reconnaissent à la fois dans l’objet qu’est la chemise, mais aussi dans une démarche de consommation responsable, avec des chemises qui sont quasiment toutes fabriquées en Europe. L’idée c’est aussi de rendre cela « fun », montrer que ce n’est pas ennuyant d’acheter de la seconde main. J’ai eu à cœur que cela soit aussi un espace bienveillant et chaleureux, lumineux, avec une décoration colorée, des petits objets insolites ou encore une playlist dédiée.

Est-ce que pour toi le style rime avec identité et validation sociale ?

Je pense que c’est assez personnel de choisir son style, ou la façon dont on veut se représenter au monde. Après, il est clair que la chemise est un objet qui est clairement fait pour être vu. Pour autant, ça ne définit pas ton identité, ou ta façon de vivre.

Après cette période de Covid, où toute forme d’interaction sociale était limitée, je pense que certaines personnes qui viennent à La Chemise Club se sentent appartenir à un groupe, car le lieu est pensé pour créer du lien social, tout cela autour de cet article qu’est la chemise. Elle incarne le textile, tout autant que les valeurs que l’on veut défendre : unisexe, non genré, inclusif, accessible en terme de prix etc…

Au-delà de ta boutique, on retrouve La Chemise club lors de divers événements culturels à Bordeaux ; quel est ton lien avec la fête et pourquoi déplacer La Chemise Club hors les murs ?

Initialement, La Chemise Club était un projet uniquement en ligne. Il a ensuite effectivement commencé à se transposer sur des évènements festifs dans Bordeaux. D’autre part, le projet est aussi conçu pour pouvoir se connecter à l’art de manière générale, car je reste persuadée que si tu trouves un intérêt à un article vintage, c’est qu’il est chargé culturellement, que ce soit via le cinéma, les arts visuels ou la musique. Cela donne par exemple la collaboration avec l’artiste-plasticienne et performeuse Charlotte L’Harmeroult autour de chemises en soie de La Chemise Club.

Lorsqu’on va voir un film des années 1980, esthétiquement ça va peut-être donner l’envie d’aller vers ce vêtement. Je pense qu’avec la musique, c’est un peu pareil, on va s’identifier aux différents styles et artistes. Aujourd’hui, le mouvement qui je pense est particulièrement « friand » de chemises, c’est tout le mouvement italo, qui a vraiment une dimension très vintage premier degré.

Quand La Chemise Club est invitée sur des évènements, ça contribue à apporter une autre dimension à la fête

Andrée Berra (La Chemise Club)

C’est d’ailleurs grâce à une rencontre sur Instagram que l’artiste italo Kendal s’est retrouvé à acheter plusieurs modèles, ainsi que Pablo Bozzi, et à les porter pendant leurs lives. Donc quand je suis invité sur des évènements, ça contribue à apporter une autre dimension à la fête, qui est plus esthétique, comme par exemple avec La Sueur où les gens peuvent s’emparer d’un élément festif, quelque chose que tu ne mettrais pas en temps normal et qui fait office de costume d’un soir en quelque sorte.

J’ai aussi très envie de développer un projet autour du cinéma à La Chemise Club, car c’est une grosse source d’inspiration dans mes choix de chemises, notamment le cinéma des années 1980 et 1990. Cela va aboutir à l’organisation d’évènements, puisque le bâtiment est segmenté en 4 étages. L’idée, c’est d’avoir des projections de films à l’étage, une sélection de chemises en lien avec l’esthétique des films, et une playlist dédiée au rez de chaussée. À terme, on va aussi créer un vidéo club avec une sélection de DVD, toujours dans l’esprit vintage. Tout cela, participe d’une envie de sensibiliser, connecter et créer quelque chose de vertueux et enrichissant culturellement. Tout le monde est la bienvenue à La Chemise Club !

Kendal de Ritmo Fatale porte un article La Chemise Club / Crédit photo : Technobeton

Entretien : Kendal (Ritmo Fatale)

Après la gérante de La Chemise Club, on a posé quelques question à Kendal, fondateur du label toulousain Ritmo Fatale, qui sera de passage à Bordeaux le jeudi 30 juin, d’abord à la boutique d’Andrée puis à l’IBOAT.

Le Type : Salut Kendal ! Quels liens tu établis entre musique et sape ?

Kendal : La musique et la mode se sont toujours nourris l’un l’autre. Aussi, on affirme sa personnalité autant à travers la musique qu’on écoute que les habits que l’on porte. De notre côté, chez Ritmo Fatale, on a toujours vu la musique comme faisant partie d’un tout qui regroupe à la fois le son, l’imagerie, le design… En gros, tout un univers qui peut se prolonger à travers la sape. Pour moi, la musique c’est visuel.

La chemise a-t-elle une place particulière dans votre univers ? Et dans l’imaginaire italo-disco ? 

Pour ceux qui ne connaissent pas, l’italo-disco est un dérivé du disco venue d’Italie, avec des synthés bien mis en avant. Un son qui t’évoque une Ferrari testarossa, un Martini, du rouge à lèvre, le summer ou l’espace. Bref, les eighties, à fond ! Que ça soit dans mes productions ou maintenant sur notre label Ritmo Fatale, il y a toujours eu un tropisme fort pour ce son et cette esthétique. 

J’étais comme un fou quand j’ai découvert La Chemise Club

Kendal (Ritmo Fatale)

Je suis attentif à la mode sans jamais vraiment la suivre, par mélange de timidité et d’esprit de différenciation. La seule flamboyance que j’assume, depuis quasi une dizaine d’années je crois, c’est de porter des chemises à motifs bien rétro que je chine en frip. J’étais comme un fou quand j’ai découvert La Chemise Club

Les années 1980 jusqu’aux années 1990 de Gianni Versace nous ont fourni tout un imaginaire rempli de chemises à motif flashy, kitsch, géométrique ou futuriste. Maintenant, porter ces chemises fait partie de ma personnalité et participe aussi au décorum de mon projet musical. Ma routine à l’hôtel avant chaque DJ set c’est de trier mes playlists sur Rekordbox et repasser l’heureuse élue (rires).

Geneviève, icône de La Chemise Club / Crédit: William Millaud

Observes-tu dans votre public un retour au style rétro ? 

Aujourd’hui, il y a un très fort revival autour de l’univers des années 1980. On le voit niveau mainstream avec la série Stranger Things ou The Weeknd. On a l’impression que ça s’est accentué depuis le Covid. Le côté à la fois nostalgique, euphorique, futuriste, voire parfois un peu kitsch et cheesy de l’italo-disco a fait beaucoup de bien durant cette période bien morose. 

Après, j’ai l’impression qu’il y a toute une génération, globalement les moins de 25 ans, qui se tourne aussi à fond vers la période 1997-2003. Si je dois schématiser en film je dirais que ça va de Matrix à Trainspotting en passant par Human Traffic : crâne rasé, cheveux colorés, basket plateforme, motif tribal et cyber, veste en sky, gros retour de la trance et des rythmes très rapides. Et, perso, ça me fait grave kiffer aussi. 

Je pense que le poncif « la mode c’est cyclique » est vrai. Et c’est pareil en musique. Ce que je trouve intéressant, c’est que chaque revival apporte une nouvelle hybridation au genre. En tout cas c’est ce que j’essaye de proposer à travers ma musique ou sur Ritmo Fatale

Pour toi, quel autre objet iconique s’inscrit dans ce monde italo-disco ? 

Ça dépend de ta team, soit t’es plus disco et c’est chaine en or, chemise ouverte et toison apparente. Soit t’es New Wave et c’est col fermé, vernis et rouge à lèvre. Quoi qu’il arrive, il faut que tu sortes tes plus belles sunglasses at night !

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