2020 vue par… les collectifs à Bordeaux

Pour revenir sur cette année particulière et ses conséquences pour la scène artistique et la vie culturelle locale, on se lance dans une série bilan, donnant la parole aux premiers et premières concerné.e.s : les artistes, acteurs et actrices du secteur culturel à Bordeaux. Interrogé.e.s, ils ou elles nous font part de la façon dont l’année s’est écoulée. Après un premier volet consacré au bilan des artistes, ce sont les collectifs bordelais qui racontent ici l’impact de la crise sanitaire sur leur activité, tout en nous parlant de leur futur projet dans les mois à venir. Merci à SUPER Daronne, Eclipse Collective, Multiverse, Maison Éclose, Cmd+O, Fugitiv’, Distill, z0ne, Medusyne, L’Orangeade et Bordeaux Open Air.

Photo : © SUPERCAMP par SUPER Daronne / © z0ne

Une progression stoppée net

Comme c’était à prévoir, la crise sanitaire a eu raison des projets initiés ou attendus par certains collectifs, tous horizons confondus. Les clubs, festivals et autres événements étant à l’arrêt pour une durée indéterminée, c’est l’ébullition d’un écosystème culturel riche qui a été stoppée nette dans son élan. Le jeune collectif Multiverse – qui rassemble des producteurs, des DJs et une artiste plastique – et ici représenté par Seb, confirme le bouleversement qu’engendre une telle situation. « Il est clair que la crise nous a mis à tous un stop net dans notre lancée qui était plutôt réussie. Nous avions planifié deux premiers événements conséquents, cela aurait pu véritablement nous lancer dans le paysage artistique. » Du côté du collectif d’architectes et d’événementiel Cmd+O, c’est le même constat. « Plus d’une quinzaine de projets stoppés ou décalés, un arrêt sur image dans la progression du collectif. »   

Si certain.e.s ont pu s’adapter tant bien que mal, comme L’Orangeade qui a proposé « des événements de journée et en petit format cet été », d’autres ont été confronté à des difficultés supplémentaires. C’est le cas du collectif queer Maison Éclose : « On a fait face à une dizaine d’annulations d’événements, dont la Pride et une récolte de fonds pour le Sidaction. Le drag étant aujourd’hui ultra mainstream sur les réseaux, on a beaucoup perdu en visibilité, comme toute la communauté. »

On s’est rendu compte que peu de politiques avaient connaissance de notre activité.

L’édition 2020 du festival Bordeaux Open Air a elle aussi été annulée, figeant 75% de l’activité de l’équipe derrière le projet, qui précise : « Nous avons dû ralentir le recrutement de nos équipes et travailler sur des projets annexes tout en restant suspendu aux annonces faites au fil de la pandémie. » Et il semble que ces annonces, bien souvent incompréhensibles par le monde culturel, aient soulevé des questionnements, notamment pour L’Orangeade : « On s’est rendu compte que peu de politiques avaient connaissance de notre activité, de ses contraintes, mais aussi de la richesse culturelle et artistique qu’elle permet. »

Le collectif Distill, fête au Parallel

Quelques un.e.s font cependant part de leurs déceptions avec une pointe de recul pour mieux encaisser le choc. « Il est vrai que le confinement et l’enchaînement des mauvaises nouvelles nous a plutôt amené à prendre du recul sur nos activités. C’était et c’est toujours d’ailleurs une période qui nous permet de penser l’avenir et d’évoluer » explique le collectif pluridisciplinaire Eclipse. Une vision plus optimiste que partage Medusyne, qui travaille à la mise en avant de la scène rap féminine. « On a perdu sur pas mal de plans : moralement mais aussi financièrement. Mais là on revient en force ! On a su rester solidaires dans l’asso et c’est ce qui a fait notre force pour traverser la crise et se réadapter. » Quant au collectif de musiques électroniques Distill, c’est un message de soutien qu’il souhaite faire passer. « Il faut rappeler que si on est frustrés par cette année compliquée, nous ne sommes pas les plus à plaindre étant donné que Distill n’est pas notre activité principale. Force et courage donc à tous ceux qui essayent de vivre de la musique électronique et de faire vivre la culture de manière générale ! ».

Une année d’épreuves sauvée par la collaboration

« La culture est un combat, ce genre de période nous le rappelle. Un combat qu’on mène pour faire entendre notre voix mais aussi pour rester positifs ! » lance avec conviction l’association Medusyne. Et comme elle, nombre de collectifs valorise les soutiens et les collaborations fructueuses qu’a apporté cette année. Le collectif Multiverse, qui souligne son entrée récente au sein de la Fimeb, indique d’ailleurs : « Cette année a été bonne dans la solidarité artistique, même simplement au travers des réseaux. Le lien que l’on a créé avec certains autres collectifs et artistes que l’on respecte et qui ont une notoriété certaine sur Bordeaux sera constructif et solide, on l’espère, pour la reprise ». Un point de vue que L’Orangeade partage et résume en quelques mots : « Ça nous a permis de nous rendre compte à quel point on aimait ce qu’on faisait et à quel point la culture et la musique sont importantes socialement. »

Les gens se posaient sur les dunes à l’aurore, le lever du soleil donnait une couleur magnifique à cette fête éphémère : ce fut vraiment un moment magique.

Ces échanges collaboratifs et cette ambition inarrêtable ont abouti malgré tout à de multiples initiatives, permettant de ne pas tout jeter pour l’année 2020. SUPER Daronne a notamment pu organiser début septembre son micro-festival, le SUPERCAMP, qu’il décrit comme « une parenthèse enchantée et libertaire, de loin notre plus beau souvenir de 2020 ». Un souvenir partagé par Distill, qui a participé au SUPERCAMP, mais aussi organisé son premier festival : le DMF (Distill Mini Festival). Dans le même esprit, le collectif Fugitiv’, qui a fraîchement créé son label Fugitiv’ Records, raconte : « Notre coup de cœur est sans aucun doute notre fête de juillet, qu’on appellera « fête d’entre deux ». Un temps magnifique, un spot outdoor entouré de dunes de sable qui donnaient un esprit futuriste à la soirée. Les gens se posaient sur les dunes à l’aurore, le lever du soleil donnait une couleur magnifique à cette fête éphémère : ce fut vraiment un moment magique. »

Pour z0ne, collectif et structure dédiée à la culture rap, l’année a été marquée par « une signature en distribution au sein du label Jeune à Jamais ». Même Cmd+O, qui précise pourtant ne pas avoir retenu grand-chose de positif, retient l’expérience du Carnaval des deux rives. Le collectif a notamment travaillé la scénographie pour le vernissage de l’exposition. Il ajoute : « Le 8 mars, juste avant la tempête, une dernière parade urbaine, nous poussions le char réalisé avec des étudiants de l’ECV, dans le cadre du Carnaval des deux rives ! Adoubé par la foule, nous ignorions que c’était la der des ders ! ». 

Un rebondissement préparé pour 2021

Pour l’année à venir, retrouver le public pour renouer un lien physique et social s’impose comme priorité pour la plupart des collectifs. « Créer un évènement aux multiples couleurs en y impliquant les gens qui ont le même esprit, la même envie. Que les liens de solidarité créés se matérialisent dans les projets en pariant sur la scène locale et française que l’on veut consolider et faire résonner » espère Multiverse, également en pleine réflexion autour d’un label pour 2021. Même chose pour Bordeaux Open Air qui indique : « L’envie de revenir plus en forme que jamais aux côtés de tous nos bénévoles qui nous manquent énormément et surtout de surprendre notre public avec de nouveaux projets imaginés pendant cette année si particulière ». Le collectif z0ne suit également cette tendance et dit vouloir « essayer de relancer des soirées de temps en temps aussi, quand ça sera à nouveau permis ».

z0ne

Fugitiv’ préfère miser sur la prudence, sans pour autant abandonner les soirées. « On espère que le monde se relèvera de cet épisode de folie que nous vivons actuellement, il y a des choses plus importantes à régler avant de parler de soirées… Mais nous comptons tout de même fêter nos 3 ans comme il se doit. » Une prudence nécessaire dont a également conscience Eclipse Collective : « Il est encore tôt mais on aimerait bien organiser une bamboche avec des artistes qu’on affectionne particulièrement. »

Le contexte encore incertain ne freine pourtant pas les ambitions de certain.e.s, comme Medusyne, qui souhaite développer le repérage des artistes locales, notamment au-delà de l’univers musical : « On veut élargir le cercle et créer une lourde communauté de meufs ! Si vous avez des projets hésitez pas à nous partager ça ! ». En ce qui concerne SUPER Daronne, le collectif tease déjà une nouvelle très attendue : « Notre plus grande envie c’est de retrouver la fête telle qu’on l’entend ! Peut-être avec une deuxième édition du SUPERCAMP ? ». Et pour résumer l’état d’esprit combatif des acteur.ices de la culture, c’est Maison Éclose qui termine : « On est déterminées à se battre encore plus fort pour le droit d’exister et de s’exprimer. Des projets se remettent timidement en place pour le début d’année, et on ne manque pas d’idées pour la suite. »

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