Entretien : Tustance, la fête face à la mer

Depuis 2016, le collectif Tustance s’active du côté de Royan en Charente-Maritime pour proposer sa vision de la fête. Réunissant plusieurs artistes, le projet devenu label en 2018 se développe et réunit un noyau dur d’artistes impliqué·es pour faire bouger les lignes sur leur territoire. À l’occasion de la sortie de sa dernière compilation, La Grande Côte, on a posé quelques questions à la tête pensante du projet, Matthieu.

Le Type : Vous venez de publier avec Tustance votre quatrième compilation, La Grande Côte « sûrement la plus dansante et festive jusqu’à présent » selon sa description Bandcamp. Qu’est-ce que cela raconte sur l’évolution du projet ?

Matthieu (Tustance) : Le label et le collectif évoluent de manière organique depuis leur lancement en 2018. On souhaitait commencer à sortir de la musique plus club car c’est ce qu’on joue principalement depuis 2-3 ans.

C’était un rêve d’enfant pour nous de pouvoir faire la fête face à la mer avec la musique et les valeurs qu’on souhaite défendre.

Matthieu (Tustance)

Tu indiques dans la description de la compilation qu’elle « a été compilée de façon à proposer une expérience musicale similaire à nos fêtes estivales en bord de mer ». Peux-tu nous en dire davantage sur ces fêtes estivales en bord de mer ?

Depuis 2021, on organise des fêtes libres et en nature avec notre soundsystem. Vu le manque de lieux et de soutien de la part des institutions locales, on a été obligé de se tourner vers cette solution. C’était aussi un rêve d’enfant pour nous de pouvoir faire la fête face à la mer avec la musique et les valeurs qu’on souhaite défendre.

La compilation s’ouvre sur un morceau ambient puis breaks puis tribe : cela représente bien notre vision plurielle de la fête ! On souhaitait surtout avoir un souvenir de ces teufs en invitant des artistes qu’on a beaucoup joué et écouté.

On préfère toucher 50 personnes respectueuses que 500 qui ne le sont pas.

Matthieu (Tustance)

On voit souvent passer de belles affiches et visuels liés à ces événements. À qui s’adressent ces événements ? S’agit-il de personnes locales ou aussi d’un public bordelais ?

Tout le mérite revient à Nicolas Guillerminet qui réalise tous nos visuels. C’est un graphiste basé à Marseille, il est notamment membre du collectif Métaphore et il nous régale à chaque affiche ! Les événements s’adressent à un public local et régional, l’idée c’est de pouvoir toucher des passionné·es comme des néophytes, toujours avec une bonne vibe et des valeurs communes.

On préfère toucher 50 personnes respectueuses que 500 qui ne le sont pas. Au fil des années, notre public commence à se former et on a hâte qu’il continue de se développer ! On aimerait développer une vraie offre culturelle en pays royannais afin d’attirer plus de bordelais·es, de nantais·es, etc…. Cela va prendre du temps !

Peux-tu nous parler des artistes qui gravitent autour de Tustance et qui évoluent dans le périmètre de Royan ?

Oui, dans Tustance on compte trois producteurs de musique: Sevenbeatz, Mattdemon et Karmal, trois DJs : Béton Cramé, Lor’Digital et Baptack ; et notre ingénieur du son Armand Lebec du Studio Bagar (il est aussi artiste mais chut…). On essaye de tous se soutenir afin d’améliorer nos pratiques de productions ou de mix. On a la chance d’être complémentaires entre nous.

Armand réalise tous les masterings du label, il nous conseille aussi dans nos mixes et nous aide sur la partie sonorisation lors de nos événements. Sevenbeatz a son propre label Le Ciel Records donc cela nous permet d’échanger aussi ! On est aussi proche du collectif Lagrappe et du rappeur Mendilabaz qui va sortir de belles choses cette année. L’avantage c’est qu’on est tous originaires de Royan et ses alentours, ce qui nous permet de nous comprendre plus facilement sur tout un tas de sujets.

Quels sont les défis liés à l’organisation de fêtes en dehors d’un grand pôle urbain ?

Le défi principal est économique. C’est plus compliqué d’attirer un public intéressé par notre musique dans des villes où cette culture est inexistante. C’est aussi ce qui nous a toujours motivé : proposer des événements qui nous ressemblent, car on a toujours manqué de ça à la campagne.

On a envie d’éduquer, à notre échelle, les jeunes Royannais·es (…) et donner envie de créer des choses sur ce territoire.

Matthieu (Tustance)

On aimerait aussi sensibiliser les jeunes à plusieurs sujets, notamment les violences faites aux femmes et la création musicale. Quand on avait entre 16 et 20 ans, on avait du mal à se retrouver dans la mentalité très bourgeoise de chez nous, que ce soit sur le sujet du rapport aux femmes ou celui de la musique. On a envie d’éduquer, à notre échelle, les jeunes Royannais·es à ces questions-là et leur donner envie de créer des choses sur ce territoire.

Ça peut passer par l’organisation d’ateliers sur la façon de digger, de mixer ou questionner les rapports hommes-femmes en milieu festif, et dans la vie de tous les jours. Ces questions sont souvent oubliées voire inconnues dans les petites villes de campagne. Je dis souvent que c’est le Moyen-Âge sur ces sujets-là.

Quels liens entretient Tustance avec la scène électronique bordelaise ? Comment perçois-tu cette scène et son évolution depuis 2016, année où tu as créé le label ?

Quand j’ai créé Tustance en 2016, c’était avant tout un délire de potes qui se mettaient à produire et à mixer. On sortait beaucoup au Bootleg (RIP) et au Verger ou La Serre à Bordeaux, ainsi qu’aux Introspective à La Rochelle entre 2015 et 2017. On appréciait beaucoup les programmations de ces teufs.

La scène bordelaise change chaque année j’ai l’impression, il y a beaucoup d’effervescence mais peu de projets résistent à long terme…

Matthieu (Tustance)

À partir de 2018, j’ai lancé le label avec un objectif plus précis en tête. Et en 2021, le soundsystem et la partie événementielle sont arrivés naturellement. On commence à vouloir proposer plus régulièrement des choses à Bordeaux ! La scène bordelaise change chaque année j’ai l’impression, il y a beaucoup d’effervescence mais peu de projets résistent à long terme… Il y a clairement un manque de labels, de producteur·ices et de lieux dont les collectifs pâtissent mais je trouve que la scène est moins sclérosée qu’auparavant ! On a organisé une soirée hybride entre lives rap, reggaeton et deep techno à Lorganiq début avril et on a franchement était surpris par l’affluence. Les gens se mélangent beaucoup plus qu’avant à notre sens, et ça motive à renouveler ce genre de formats !

Le projet Tustance est né en 2016, quel bilan tires-tu de ces 9 années d’activité musicale ?

Que les belles choses prennent du temps (rires). Plus sérieusement, je suis très content de l’évolution. Ce n’est pas évident, mais quand je vois le chemin parcouru, je me dis qu’on arrive petit à petit à notre objectif. On a aussi eu pas mal de galères en chemin qui ont retardé le développement du projet, c’est comme cela qu’on apprend de nos erreurs.

Quels sont les projets à venir pour Tustance ?

Cet été, on organise deux open airs gratuits vers Royan avec DJ Loïc du groupe Total Eclipse, les bordelais Jenn + Lapierrre en live, Mary B de SUPER Daronne, Sevenbeatz et nos résidents ! Ce sera le samedi 20 juillet à Meschers sur Gironde et le dimanche 18 août à St-Augustin sur Mer. On a aussi une soirée à l’IBOAT programmée pour le 2 août avec K.O.P. 32 en live et Jan Loup en DJ set. Il y aura surement d’autres releases sur le label et un nouveau soundsystem d’ici la fin de l’année.