Sinéad O’Connor : parcours incandescent à voir à Musical Écran

Dimanche 19 novembre, le festival bordelais Musical Écran, porté par l’association Bordeaux Rock, proposera au théâtre Molière une projection de Nothing Compares de Kathryn Ferguson. Dédié à l’autrice-compositrice-interprète Sinéad O’Connor, le documentaire retrace l’itinérance flamboyance et engagée d’une icône de la scène musicale contemporaine. Portrait d’une figure au parcours incandescent.

Crédit photo : Wally Cassidy

Artiste musicale au talent reconnu internationalement et militante révolutionnaire, Sinéad O’Connor fut l’une des premières féministes de sa génération. Malgré une timidité et un caractère introverti, elle s’épanouissait sur scène, où elle pouvait exprimer une forme de souffrance, liée notamment aux traumatismes subis dans son enfance. C’est pourtant dans cette peine qu’elle puisera une force lui permettant de partager des messages d’espoir et d’incitation à prendre la parole, dans une Irlande où règne encore le patriarcat et l’Église.

Des berceuses aux violences familiales : une enfance douloureuse

Sinéad O’Connor entretenait des relations complexes avec ses parents. Elle eut pourtant toujours un lien fort avec son père qui, dès son plus jeune âge, lui chantait souvent des berceuses, dont « Scarlet Ribbons » de Harry Belafonte. C’est à 11 ans que son frère lui fait écouter l’album Slow Train Coming de Bob Dylan, lui donnant l’envie de devenir artiste et musicienne – plus précisément grâce au morceau « Gotta Serve Somebody ».

Sa mère, souffrant de problèmes psychologiques, physiques, spirituels et émotionnels, battait Sinéad. Ciblant ses parties génitales, elle cherchait à l’empêcher d’avoir des enfants. L’éducation de sa mère fut le fruit de plusieurs générations, comme une sorte d’héritage familial. L’un des traumatismes les plus marquants pour l’artiste fut lorsque sa mère l’enferma dans le jardin de la maison d’enfance, nuit et jour, sans la nourrir, pendant deux semaines, dans le froid. Sa mère l’observait alors en état de choc, et finit de rendre Sinéad agoraphobe. De ce drame viendra l’inspiration pour l’une de ses futures chansons.

Ma mère était un monstre que je pouvais calmer avec ma voix.

Sinéad O’Connor

Chemin religieux tortueux

Sinéad O’Connor avait un rapport ambivalent sur la question religieuse. Portant le message de l’Église dans son cœur, elle savait que cette même institution avait rendu sa mère ainsi. « Ma mère était un monstre que je pouvais calmer avec ma voix. » expliquera plus tard la musicienne. Son père, qui avait connaissance des agissements de sa femme depuis longtemps, était resté silencieux pendant plusieurs années, jusqu’au jour où il et elle divorcèrent alors que Sinéad était encore très jeune.

Adolescente turbulente, elle fut envoyée dans une maison de santé et centre de formation dirigé par des sœurs religieuses – des jeunes femmes violées pour la plupart. Malgré une expérience traumatisante à plusieurs égards au sein de ce centre, elle y fit la connaissance de Jeannette Byrne, professeure de musique, grâce à qui elle pu endurer pareil contexte. C’est via cette dernière que Sinéad O’Connor rencontre Paul Byrne (frère de Jeannette) qui lui propose d’enregistrer ce qui deviendra sa première chanson « Take My Hand », inspirée par une punition qu’une des nonnes lui avait infligée.

Parcours musical engagé

En 1984, elle s’installe en toute indépendance et commence à chercher des connexions pour s’insérer dans une scène musicale dont elle ne maîtrise pas encore les codes. Elle se fait alors repérer par deux producteurs de musique du label Ensign, Nigel Grainge et Chris Hill. C’est via ces derniers qu’elle enregistrera une première démo à Londres, ce qui lui offrira une mise en lumière auprès notamment de Fachtna O’Ceallaigh, qui travaillait avec U2. Commence alors une longue découverte de cet univers, où son militantisme se frotte aux envies mercantiles des gens qui l’entourent alors.

Après un premier album (The Lion and the Cobra) couronné de succès en 1987 malgré quelques frictions autour de sa couverture, elle quitte son Irlande natale. C’est à partir de cette époque que démarre le documentaire Nothing Compares de Kathryn Ferguson qui sera projeté dans le cadre de Musical Écran. Le film retrace par exemple son passage au Grammy Awards en 1989 lors desquels, âgé de 21 ans, elle se peint le logo « Public enemy » sur le crâne alors que la cérémonie ne considère pas le rap dans les différentes catégories qu’elle valorise.

Sinead O’Connor à l’Olympic Ballroom, 1988 (Independent Newspapers Ireland/NLI Collection. Photo: Independent News and Media/Getty Images).

Anticonformisme et polémiques

Son second album I do not want what I Haven’t Got est à l’image de son refus des normes patriarcales : elle s’affranchira de l’autorisation de son ancien patron de label pour le sortir. C’est dans celui-ci que figure l’iconique morceau « Nothing Compares 2 U », dont le clip sera tourné dans le XVIIIe arrondissement de Paris. L’album connaîtra un succès international. Sans jamais oublier ses valeurs, elle refuse de se plier à certaines injonctions, comme par exemple le fait de devoir chanter l’hymne américain avant certains de ses concerts, ou de s’exprimer librement sur le droit à l’avortement, dans une Amérique conservatrice.

Sans doute, l’acte qui incarne le mieux cet anticonformisme se déroulera sur un plateau télévisuel en octobre 1992. Invitée pour la promotion de son troisième album, elle interprète le morceau « War » de Bob Marley et déchire en direct une photo du pape. L’onde de choc dans la société américaine de l’époque sera énorme. C’est cette période, entre 1987 et 1993, marquée par les coûts d’éclats, les envolées artistiques et la tourmente de l’artiste qui rythme le documentaire de Kathryn Ferguson, Nothing Compares, projeté le dimanche 19 novembre à 19h45 au théâtre Molière.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *