Depuis Montpellier, Dylan Dylan développe un univers artistique riche, au croisement de différentes influences musicales, entre breakbeat, hip hop ou house. Déjà autrice d’un nombre important de sorties, dont un récent LP sur le très respectable label Shall Not Fade, l’artiste connait une belle ascension au sein d’une scène électronique française au sein de laquelle elle mène, aux côtés d’autres consœurs, une réflexion quant aux questions de représentations. C’est sur tous ces sujets qu’on l’a interrogé, à quelques jours de sa venue à Bordeaux à l’occasion du festival tplt vision les 16 et 17 septembre sur les bords de Garonne.
Le Type : Salut Dylan Dylan ! Tu viens de Montpellier : comment est la scène là-bas et quel type d’acteur·ices la compose ?
Il y a 15 ans, la ville regorgeait de clubs, d’afters, de soirées en tous genres. Des gens venaient de Belgique, de Suisse, juste pour passer une soirée ici, à Villa Rouge, à la Dune, au Bar live… Je suis partie à Paris quelques années, et quand je suis revenue, l’ambiance avait changé. Les clubs mythiques ont fermé, laissés à l’abandon ou revendus pour y faire des bureaux…
Depuis quelques années, on voit l’émergence de nouveaux collectifs, ou de lieux un peu plus atypiques, qui font un travail énorme pour redonner un souffle à la scène électronique de la ville. C’est le cas de Piñata Radio, qui est l’un des acteurs majeurs de la ville. Ils permettent à tous les passionnés, DJ ou non, de s’exprimer et de proposer des mixes à l’antenne. D’ailleurs, ils officient depuis la Halle Tropisme, qui est aujourd’hui pour moi le lieu culturel le plus intéressant ici. Il s’y passe toujours quelque chose.
On sent que la culture électronique qui a presque disparue le temps d’un instant à Montpellier, reprend petit à petit de la place dans la ville.
Dylan Dylan
On voit aussi des disquaires qui reviennent s’installer, comme Total Records, ou le Discopathe, qui est à la fois un shop vinyle et un bar, et qui propose toujours une bonne sélection de DJs (toutes musiques confondues). On sent que la culture électronique qui a presque disparue le temps d’un instant, reprend petit à petit de la place dans la ville.
On te voit tourner beaucoup ces derniers mois dans différents clubs, festivals… À quels moments les choses se sont-elles accélérées pour toi ? Dirais-tu que la production a été une étape importante dans ce processus ?
Oui, la production a clairement été une étape importante. Je sortais quelques tracks sur des V/A (Various Artists : compilation regroupant plusieurs artistes, ndlr) de labels, des EP par ci par là… Et, un jour, j’ai discuté avec Shall Not Fade qui ont rapidement été intéressés par un format LP (Long Play : un album, ndlr). Après plusieurs péripéties, des retards de planning, de production vinyles, la pandémie ; l’album a fini par voir le jour en janvier dernier. J’ai été très contente d’avoir de bons retours presse, ce qui m’a vraiment aidé à gagner en visibilité ; et c’est là que les demandes de dates ont augmentées. Tout s’est enchaîné assez vite ces derniers mois !
Justement, parmi toutes les expériences que tu as vécu en club, en festival, y-en-a-t-il que tu retiens spécialement ? Des clubs ou des festivals que tu as particulièrement apprécié ?
Oui, j’ai été très honorée d’être programmée sur le festival Marsatac à Marseille ! J’ai aussi d’excellents souvenirs de clubs, notamment le Bikini à Toulouse, le Sacré à Paris, et l’IBOAT. Ça faisait très longtemps que j’avais envie de venir jouer à l’IBOAT, et l’équipe du Bel Air festival m’a permis de le faire lors d’une soirée Off Bel Air.
Mon format préféré c’est l’open air (…) d’ailleurs beaucoup sont gratuits, ce qui permet à des publics de tout genre et tout âge d’assister à l’événement ; ça donne une énergie complètement différente.
Dylan Dylan
Mais mon format préféré, c’est l’open air. J’adore l’ambiance que je trouve plus légère et plus festive qu’en club, j’ai l’impression que le public est différent ; d’ailleurs pas mal d’open air dans lesquels j’ai joué étaient gratuits, ce qui permet à des publics de tout genre et tout âge d’assister à l’événement ; ça donne une énergie complètement différente.
Concernant les labels, tu as déjà eu l’occasion de sortir tes EP sur un certain nombre d’entre eux (Shall Not Fade, Diversions Music, Plaisance…). Y-a-t-il d’autres labels qui t’inspirent ?
Il y en a beaucoup oui ! Home Again, Constant Sound, Luud Discs, Haws Music, Ilian Tapes, Clan Destine Rec, Dansu Discs, Planetaria Soundsystem, Emotional Voyage Records… Et évidemment les classiques Lobster Theremin, Chiwax, Hessle Audio, Aus Music. Au passage, je sors en fin de mois un morceau sur un V/A du très bon label Le Ciel Records.
D’ailleurs, tu écoutes quoi en ce moment ? Y-a-t-il des artistes que tu recommanderais à nos lecteur·ices de suivre avec attention dans les prochains mois ?
Le LP de Dj Physical sur Lost Palms est excellent. Les EP Courreau Groove et REALIZE de Tom Manzarek sur Plaisance. Pura Pura et Kaval sont tous les deux des producteurs hyperactifs ! J’adore aussi les sets de Stella Zekri, Naomi, Dj Rubinstein, artistes que j’ai découvertes sur la chaîne HOR. Gros love aussi sur les vibes de Marina Trench et EG, excellentes sélections assurées !
Tu as fais la couv’ de Tsugi en mai dernier, aux côtés d’autres artistes de la scène électronique, en lien avec la question de la parité dans le milieu. Est-ce que tu penses que les choses évoluent assez rapidement sur ce sujet ? Au passage on a remarqué que le festival tplt vision où tu joues vendredi 16 septembre compte plus de filles que de mecs sur son line up.
(rires) Je n’avais pas compté le nombre de filles sur la programmation de tplt vision, mais contente de le savoir ! Je pense que je suis inconsciemment habituée à voir moins de femmes sur un line up. En revanche, ce qui me saute aux yeux, ce sont les line up 100% masculins ; on voit que les clans de mecs sont encore présents, même si ça devient plus rare.
Aujourd’hui, même si ce n’est pas encore parfait, on voit qu’il y a du progrès, que beaucoup de promoteurs sont sensibilisés et font de leur mieux pour essayer de proposer des line up plus variés.
Dylan Dylan
L’interview croisée avec les autres artistes pour Tsugi était très intéressante. Nos expériences sont différentes, et nous n’avons pas le même âge, ce qui a vite permis de faire ressortir que les jeunes générations ont beaucoup fait bouger les choses ; en tout cas qu’elles sont plus conscientes du sujet. Quand j’ai commencé à jouer, il n’y avait que très peu de femmes représentées dans le milieu. Aujourd’hui, même si ce n’est pas encore parfait, on voit qu’il y a du progrès, que beaucoup de promoteurs sont sensibilisés et font de leur mieux pour essayer de proposer des line up plus variés.
Je ne suis pas fan du concept de parité « imposée », ou mis en place de manière consciente ; on ne cherche pas la parité, mais simplement à ce que le genre ne définisse plus la place d’un·e artiste sur un line up. On n’y est pas encore, mais c’est en bonne voie !
Au-delà de Tsugi, d’autres médias (comme ManifestoXXI, Libé, Dure Vie, Phonograph Corp ont déjà relayé ton travail ; tu t’intéresses à la presse musicale ?
Oui, j’ai toujours lu la presse musicale. Davantage sur internet aujourd’hui, mais j’ai tout de même gardé l’habitude d’aller acheter des magazines en kiosque. J’essaie aussi de suivre les médias locaux indépendants, on y fait toujours de belles découvertes. Le travail de la presse est crucial dans un projet musical ; ce sont les médias qui choisissent ou non de relayer votre projet, qui peuvent y donner de la crédibilité et qui permettent de toucher un public plus large.
Pour finir, tu joues donc à Bordeaux le 16 septembre. Tu as déjà joué à l’IBOAT comme tu l’as indiqué (et peut-être ailleurs en ville ?) ; comment perçois-tu Bordeaux en tant que scène électronique ?
J’ai habité un an à Bordeaux il y a quelques années, je connaissais Superlate (désormais Clyde Arcalis, ndlr) et Thibault de tplt, je venais à leurs événements aux Vivres de l’Art. À cette époque j’ai aussi découvert SUPER Daronne et l’Orangeade ; j’ai rapidement vu que la musique électronique avait sa place au sein de la ville. Les collectifs se renouvellent, cherchent et investissent de nouveaux lieux, proposent des formats différents, mettent en avant la scène locale… J’ai l’impression que le format open air est très répandu et que la ville offre de multiples options de terrain de jeu. Je suis très contente que tplt m’ait invitée à jouer le 16 septembre !