Peaches & Witches : résidence pour musiciennes en non-mixité choisie

L’équipe de Tribal Traquenard et le label Pazapas records viennent de lancer le projet « Peaches & Witches » : une résidence d’une quinzaine d’artistes qui a eu lieu au Krakatoa pendant trois jours, en non-mixité choisie. La première édition a été clôturée le vendredi 28 août au Jardin éphémère par une rencontre professionnelle et un concert de la chanteuse pop électro Cléa Vincent, marraine de cette première édition. Un projet d’envergure qui donne tout son sens à l’entraide, la complicité et la création commune des musiciennes.

Crédit photo : @janedoe.rec

Le temps de l’action : pour une meilleure représentation des femmes dans les secteurs culturels et artistiques

Selon le rapport du HCE (Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes) Inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture – Acte II : après 10 ans de constats, le temps de l’action« en 2016, seulement 10% des scènes de musique actuelles étaient dirigées par des femmes ». Mais ce n’est pas tout, les musiciennes sont aussi en sous nombre dans la programmation des festivals : « sur une étude de 9 festivals de musique actuelle et variété, sur la période 2015 – 2016, seulement 19 % des artistes programmés en solo étaient des femmes ». Ces pourcentages témoignent d’une sous-représentation féminine dans le paysage musical, et plus globalement au sein du secteur culturel.

C’est de ce constat que sont parties les équipes de Tribal Traquenard et le label Pazapas records lorsqu’elles ont décidé de mettre en œuvre le projet Peaches & Witches. De leur point de vue, il est grand temps d’accompagner et soutenir les femmes dans leur professionnalisation musicale, elles qui ont tant été invisibilisées auparavant. De là, Peaches & Witches est né, un projet qui promeut la non-mixité choisie.

« Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression elles et eux- mêmes. C’est pourquoi la non-mixité voulue, la non-mixité politique, doit demeurer la pratique de base de toute lutte […] » affirme Christine Delphy, féministe et sociologue au CNRS.

Ces mots ont donné toutes les raisons à Peaches & Witches de défendre l’idée d’un projet en non-mixité choisie.  Il s’agit d’une pratique visant à privilégier des rassemblements réservés aux individus appartenant à un groupe social qui est discriminé, excluant alors le groupe social discriminant. Les organisatrices ont en effet eu à cœur de créer un projet exclusivement féminin. Le but était d’offrir aux femmes l’occasion de s’exprimer librement, afin qu’elles puissent créer sans se sentir censurées par les hommes, et établir les enjeux de leur place dans l’industrie de la musique : « Ça ne peut venir que d’organisations faites par des femmes, pour des femmes. On a besoin de se définir nous-même, savoir quelle place on veut prendre » indique Blondine Morisson, créatrice du label Pazapas records et membre de Tribal Traquenard.

Un réseau solidaire et bienveillant de musiciennes

Le concept de Peaches & Witches est un programme de soutien à la création dont l’objectif principal est d’accompagner les musiciennes dans leur professionnalisation et leur processus créatif. Le projet vise en premier lieu à mettre en place un réseau professionnel solidaire, un espace d’échange d’expériences et de lutte contre les discriminations sexistes. En second lieu, il s’agit de favoriser le développement d’une programmation paritaire dans les musiques actuelles de la Région Nouvelle Aquitaine.

Entre le 25 et le 27 août, ce sont ainsi une quinzaine de femmes batteuses, bassistes, chanteuses, compositrices, écrivaines, guitaristes, accordéonistes, claviéristes, comédiennes… qui se sont réunies pour créer toutes ensemble et faire entendre leur voix. Sur le compte Instagram du label, vous pouvez retrouver les portraits de celles qui ont intégré le projet. Cette résidence a donné lieu à un enregistrement et à la création de plusieurs morceaux : « En une heure et demi, elles ont pondu un morceau, à quinze ! […] Elles ont commencé à s’intégrer à leurs projets respectifs, et même en créer d’autres ensemble ! » Le pari de réunir une quinzaine de musiciennes de milieux différents et aux expériences hétéroclites était risqué, mais a abouti à des échanges très riches : beaucoup de complicité, d’entraide et d’inspiration commune.

Dans le cadre de cette première édition de Peaches & Witches, le visuel qui illustrait l’événement a été réalisé par la graphiste et illustratrice de l’équipe, Ludivine Martin, s’avère être un clin d’œil à la couverture de l’album éponyme des Raincoats, groupe de post punk féministe. Pour célébrer ce projet, la soirée du 28 août mettait à l’honneur la chanteuse pop électro Cléa Vincent qui détient le titre de marraine du première édition. Le vendredi après-midi, au Jardin éphémère, lieu autogéré à Bègles, une rencontre entre les participantes et des professionnelles de la musique était organisée afin d’échanger à propos des différents parcours et voies possibles dans le domaine musical. Ce sont deux femmes engagées qui animaient le débat, Hélène Larrouturou, créatrice du label Miaou records qui a notamment réalisé un documentaire en avril à ce propos et Pauline Gobbini du label KiéKi Musiques qui travaille avec la scène bordelaise depuis 12 ans.

A travers cette initiative ambitieuse, il s’agit de repenser l’histoire musicale et sa transmission, qui constituent un point de repère nécessaire à la l’indépendance de notre génération et à celles futures : « J’étais subjuguée, parce que c’est courageux de défendre cette cause, j’admire et j’y participe avec plaisir. […] Je suis convaincue que c’est en fédérant qu’on a les meilleures idées et qu’on est les plus forts : on n’est plus en concurrence, mais toutes ensemble. » Cléa Vincent, chanteuse et marraine du premier Peaches & Witches

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