Entretien avec Sevenbeatz, figure ultra-active de la scène électronique bordelaise. Son rapport à la musique, ses influences, la gestion d’un label : une conversation à retrouver en français ici et en anglais sur Ransom Note, dans le cadre d’un partenariat entre les deux médias.

La version anglaise de l’entretien avec Sevenbeatz est disponible ici sur le média anglais Ransom Note.
Crédit photos : Tristan Conchon & Madani Kacimi
Tête-pensante d’un label, producteur, DJ, membre actif de collectifs : Sevenbeatz est une figure ultra-active de la scène électronique bordelaise. Vivant sur la côte à Royan en Charente-Maritime mais régulièrement de passage à Bordeaux, Thomas compte parmi les artistes les plus dynamiques du paysage électronique local. Pour mieux comprendre son rapport à la musique, les cultures qui l’inspirent et sa vision de la gestion d’un label, on lui a posé quelques questions dans cet entretien paru simultanément en partenariat sur Le Type et le média anglais Ransom Note. Un échange proposé dans le cadre d’une série d’entretiens d’artistes de la scène bordelaise à retrouver sur les deux médias.
Merci Sevenbeatz de nous accorder de ton temps ! Tu as sorti en novembre dernier ton EP Silent. Un projet composé de quatre titres où l’on retrouve des sonorités bass music et des touches de breaks. Quelles émotions ou ambiances voulais-tu transmettre avec ce projet ?
Coucou Le Type ! Merci à vous pour l’intérêt que vous portez à mon label et à ma musique depuis quelques années maintenant. Pour Silent, mon objectif était de revenir à un projet axé sur la bass music et les breaks, à l’image de ce que j’avais fait avec mon EP sur Egregore, tout en y intégrant ces rythmes africains et latins qui m’inspirent au quotidien.

On sait que tu passes beaucoup de temps à chercher de la nouvelle musique, notamment des vinyles. Tu as d’ailleurs lancé une chaîne YouTube appelée Safe Disques, où tu partages des vinyles de ta collection. Pourrais-tu nous décrire ton rapport à la musique ?
La musique, en particulier non électronique, fait partie intégrante de mon quotidien. À la maison, il y a toujours un vinyle qui tourne en fond sonore. Lorsque j’effectue mes déplacements entre Bordeaux et Royan, j’emporte un sac plein ou pars à la recherche de nouveaux sons que je savourerai en rentrant.
J’ai débuté en mixant sur vinyles et j’aimerais vraiment y revenir lorsque je joue en club. Aujourd’hui, de plus en plus de sorties qui me correspondent sont disponibles en vinyles, ce qui est bien cool.
Chaque morceau ou projet est une opportunité d’explorer quelque chose de nouveau.
Sevenbeatz
Mon processus de création est plutôt spontané : je n’ai ni routine ni méthode fixe. Chaque morceau ou projet est une opportunité d’explorer quelque chose de nouveau. Je m’appuie souvent sur des samples tirés de mes vinyles ou de ma collection digitale, et, si besoin, j’utilise Splice quand je recherche certains éléments spécifiques.
Ta musique laisse transparaître de nombreuses influences. Quelles sont celles qui t’inspirent le plus ?
Choisir un style qui m’inspire le plus est presque impossible. J’écoute énormément de genres musicaux différents, que ce soit les vinyles africains comme le highlife, la rumba ou le soukous, les rythmes caribéens tels que le compas, la cumbia ou le zouk, ou encore les sonorités de l’océan Indien comme le séga et le maloya. Sans oublier ce que je joue en digital – jersey, baltimore, funk, dembow, tribal, batida, bass music, UK funky, dancehall – je n’arrive pas à me fixer sur un style unique. La richesse musicale est tout simplement trop captivante pour me limiter.
Je me pose régulièrement la question de l’inspiration et de la diffusion, en tant que DJ et producteur, de genres musicaux issus de cultures qui ne sont pas les miennes. Il existe de nombreux domaines où je ne me sens pas légitime et mon soutien va en priorité aux artistes qui en sont les véritables ambassadeur·ices.
Sevenbeatz
C’est aussi un sujet délicat à aborder. Ces cultures et ces musiques, que je porte profondément dans mon cœur et que j’explore au quotidien à travers des vinyles des années 1960-1970, sont marquées par des luttes, des périodes de combats politiques et sociaux, et des revendications. Elles m’inspirent, sans pour autant me donner le droit d’en faire des copier-coller. J’intègre parfois certains éléments, mais toujours en veillant à préserver une esthétique qui m’est propre. Je me pose régulièrement la question de l’inspiration et de la diffusion, en tant que DJ et producteur, de genres musicaux issus de cultures qui ne sont pas les miennes. Il existe de nombreux domaines où je ne me sens pas légitime et mon soutien va en priorité aux artistes qui en sont les véritables ambassadeur·ices.

Cela fait maintenant quatre ans que tu as lancé ton propre label, Le Ciel Record. Quels sont les défis que tu rencontres en tant qu’artiste et gérant d’un label indépendant ?
Probablement la visibilité. Aujourd’hui, il faut être constamment présent sur les réseaux sociaux. Et ce n’est pas du tout ma conception de la musique. Étant seul dans cette aventure, à l’exception d’Adrien qui m’aide depuis peu, et en finançant tout avec mes propres moyens, je dois dire qu’il y a peu, voire pas du tout, de rentabilité sur les projets qui demandent des Premieres, un visuel par un graphiste, etc.
Ce qui me réjouit, c’est qu’au fil des sorties, j’ai réalisé qu’on avait souvent l’occasion de sortir les premiers EP d’artistes comme Neida, DJ Latinchat, Nnus, Jo Capïsh… C’est un vrai plaisir d’avoir contribué à leur début, et de les voir aujourd’hui avancer dans cette scène.
Qu’est-ce que t’apporte ton implication dans des collectifs tels que Tustance ou La Sueur ? Est-ce par exemple un avantage pour organiser ou trouver des dates ?
Pas forcément des dates. Par exemple, avec Tustance, il m’arrive de jouer de la house, de la trance ou de la deep techno. Pour autant, il est assez rare que je sois sollicité pour ce type de soirées.
Concernant La Sueur, c’est un peu différent. Ce style correspond davantage à mes dates en clubs et festivals, donc il est probable que cela ait un impact. Mais La Sueur, c’est aussi un véritable show, avec les chorégraphies des danseurs et des danseuses, et je pense que les promoteurs préfèrent privilégier le collectif dans son ensemble plutôt qu’un des DJs.
L’été dernier, tu as eu l’occasion de jouer à Mayotte. Ça doit être gratifiant de voir ta musique s’exporter au-delà de l’Europe. Comment as-tu vécu cet événement ?
C’était génial ! J’ai vraiment adoré être là- bas, découvrir la culture mahoraise, j’avais deux très bons guides sur place (s/o Lucas et Zazu) ! C’était la dernière édition de leur festival Kayamba, et après l’horaire officiel, on a clôturé la soirée avec un B3B avec Mariad et Avneesh, au petit matin, quelques heures avant de repartir pour la métropole. C’était aussi ma deuxième fois dans l’océan Indien, la première étant à La Réunion pour un événement des Electropicales.
Quelles sont tes découvertes du moment ? Y-a-t-il des morceaux que tu aimerais partager à nos lecteurs et lectrices ?
Comme j’ai mentionné plein de styles différents, voici une playlist avec des morceaux incarnant ces genres. J’ai pu en digger certains en vinyle, ou juste les écouter en digital cette année. En highlife, je dirais « Yaa Amponsah » de The Ogyatanaa Show Band, « Souyassa » en rumba d’Amedee Pierre, « La Moussa De Ouaga » de Denis Loubassou en soukous, le morceau compas « Moin Pe Pa Vive San Ou » de Jean Michel Cabrimol et La Maafia, Pascal Latour et son « Mat’lo » en zouk. Niveau cumbia, Rosa Pistola avec « Colombia », « Mo Ti Ne Ganga » de Jean Sophie en séga, et pour terminer « Bwéo » de Ti Fock en maloya.
- La version anglaise de l’entretien avec Sevenbeatz est disponible ici sur le média anglais Ransom Note.