À travers les artistes et leurs œuvres, il est possible de pressentir le reflet d’une société et de constater le spectre d’une époque. Cela vaut d’autant plus lorsque celle-ci fait face à une période de crise. C’est pourquoi Le Type a décidé de jeter l’ancre dans leur intimité, afin d’essayer de comprendre leur rapport à la société et à la vie mais aussi d’aborder leurs innombrables façons de créer. Et pour cela, quoi de mieux que La Pépinière, l’incubateur d’artistes de musiques actuelles qui se terre dans les profondeurs du Krakatoa ? Chaque année, elle réunit une fine sélection des artistes les plus prometteurs de la scène bordelaise, où ils sont accompagnés au profit du développement de leurs projets musicaux. C’est donc une série de huit interviews que nous présentons, avec aujourd’hui l’interview de Robin, chanteur et guitariste du groupe Nasty Joe ; un univers post-punk décomplexé, expression d’une dualité de retenues obsédantes entremêlées d’explosions tapageuses.
Crédit photo : Aurélien Marenda
Le Type : C’est quoi le rythme de vie d’un artiste confiné ?
Robin : Ma journée commence par de la mise en rayon à Monoprix, pas très artistique pour le coup. C’est plus dans l’après-midi que j’ai le temps de me mettre à la musique et d’écrire. Comme on est tous les 4 confinés dans des lieux différents et avec du matériel différent, ça rend complexe le « créer ensemble ». Mais on s’appelle, on prend des nouvelles et comme la plupart de nos morceaux émanent d’une idée individuelle, chacun écrit de son côté avec les moyens qu’il possède.
Cette solitude est l’occasion de prendre du recul sur le projet, de se recentrer
Quels avantages et inconvénients tirez-vous de la création sur une temporalité modifiée ? Trouvez-vous des inspirations ou des façons de créer différentes ?
C’est surtout le fait de ne pas se voir et de ne pas pouvoir échanger en direct qui complexifie la mise en commun. La création a souvent été pour nous une initiative individuelle dans un premier temps, donc il n’y a pas ou peu de changement à ce niveau. De mon côté j’écoute plus de musique ; des sons que j’avais laissés de côté et des nouveaux groupes, mais je regarde aussi pas mal de séries et de films. Ça donne l’occasion de lire, de regarder, de faire et d’écouter des choses différentes. Je pense que le fait d’avoir une passion permet d’y accorder plus de temps. Cette solitude est l’occasion de prendre du recul sur le projet, de se recentrer et d’essayer d’en avoir une vision plus globale.
Pour nous, c’est l’occasion de faire des choses autres que de l’artistique pur.
Aujourd’hui, quelles sont vos craintes et doutes sur le fait d’avoir une activité réduite ?
On est loin d’être à plaindre. Tout le secteur de la culture est paralysé et c’est surtout pour nos copains dont c’est le gagne-pain qu’on a des craintes. Pour nous, c’est l’occasion de faire des choses autres que de l’artistique pur. On essaye de prévoir la suite et d’avancer sur ce dont il est possible d’avancer, mais on ne voit pas ça comme un frein.
Est-ce que cette crise vous fait imaginer le futur différemment et donc votre carrière d’artiste post-confinement d’une autre façon ?
Pas vraiment, on ne vit pas de notre musique et on est loin d’être à plaindre. La vision qu’on a du groupe n’a pas changée durant la période. On a toujours fonctionné au feeling, sans avoir de plan complètement établit. Comme je le disais plus haut, on prend davantage de recul sur les projets qui étaient déjà amorcés, et finalement on se rend compte que c’était nécessaire.
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L’extrait du groupe
Le dernier titre de Fontaines D.C. « A Hero’s Death« , sorti le 5 mai 2020.
« Il renvoie à une certaine forme d’urgence qui sonne super actuel. Le clip oppresse autant qu’il est beau, et sa colorimétrie est fantastique. »