La création artistique en période atypique : W!zard (6/8)

À travers les artistes et leurs œuvres, il est possible de pressentir le reflet d’une société et de constater le spectre d’une époque. Cela vaut d’autant plus lorsque celle-ci fait face à une période de crise. C’est pourquoi Le Type a décidé de jeter l’ancre dans leur intimité, afin d’essayer de comprendre leur rapport à la société et à la vie mais aussi d’aborder leurs innombrables façons de créer. Et pour cela, quoi de mieux que La Pépinière, l’incubateur d’artistes de musiques actuelles qui se terre dans les profondeurs du Krakatoa ? Chaque année, elle réunit une fine sélection des artistes les plus prometteurs de la scène bordelaise, où ils sont accompagnés au profit du développement de leurs projets musicaux. C’est donc une série de huit interviews que nous présentons, avec aujourd’hui W!zard, une énergie puissante, mystérieuse et à part entière, entre post-hardcore et noise représenté par Manu, Romain et Finn.

Crédit photo : Robin Rauner

Le Type : Pour W!zard, c’est quoi le rythme de vie d’un artiste confiné ?

W!zard : Difficile de répondre à cette question… On ne sait pas ce que c’est le rythme d’un artiste confiné, comme celui de n’importe quel autre humain dans cette sinistre période. Chacun se débrouille comme il le peut. Et un artiste en confinement est avant tout un être humain en confinement, donc j’imagine que, comme tout le monde, son rythme de vie est particulier.

Ce mode de vie est bien sûr énormément impacté en fonction du lieu où on est confiné, et avec qui. Romain et Finn sont en famille en campagne (Charente et Vienne) et moi, Manu, je suis à Bordeaux. Donc déjà nos activités sont bien différentes. Là où certains peuvent sortir aisément à l’air libre et profiter des paysages, moi je me contente de mon balcon (on dirait pas mais c’est une chance sur Bordeaux centre). À côté, chacun essaye de garder un rythme typique : manger, dormir, travailler. On ne peut pas vraiment faire grand-chose d’autre. Je sais que Romain a fait quelques travaux manuels (construire des murs en parpaings haha).

On arrive à travailler à distance malgré tout, et le travail ça ne manque pas quand tu es musicien. Surtout que l’on devait sortir notre nouvel EP en mai – DEFINITELY UNFINISHED – donc on doit réfléchir à un report de cette sortie, à un report des dates, ainsi qu’en informer les partenaires. On essaye aussi de composer un maximum, échanger sur nos différentes écoutes, lectures et découvertes du moment, travailler sur des visuels ou encore retaper notre set live. Donc en plus de la vie normale et en étant plus ou moins enfermés, on essaye de continuer à bosser un max. C’est un peu notre télétravail à nous !

Avoir du temps, ça permet de pouvoir poser un peu mieux les questions de direction artistique

Quels avantages et inconvénients tirez-vous de la création sur une temporalité modifiée ? Trouvez-vous des inspirations ou des façons de créer différentes ?

Ah ça, il y en a un paquet ! Les avantages c’est que l’on peut reprendre le temps d’écouter beaucoup de musique et de travailler sereinement sur des compositions. Avoir du temps, ça permet de pouvoir poser un peu mieux les questions de direction artistique, de visuels, et d’écrire aussi. Et tout ça sans être dans la précipitation. C’est du luxe de pouvoir avoir du temps pour travailler ces différents aspects autour de notre musique. Et puis ça permet aussi de prendre tout simplement le temps de ne plus faire de musique du tout, ça reste essentiel dans un processus de création.

Après, les inconvénients sont énormes. Déjà, on ne peut plus jouer directement ensemble. Parfois ça fait du bien à tout le monde, mais sur une période aussi longue c’est très très frustrant. Les studios et les concerts sont quand même nos premières maisons, sans ça on a beaucoup de mal à prendre de la perspective. Ou peut-être que c’est bénéfique, en fait on en sait rien. On te dira après le confinement, si il se termine un jour !

Niveau inspirations, comme je l’ai dit plus haut, on s’échange nos consommations artistiques du moment, nos états d’esprits, nos rancœurs, etc. Je ne sais pas vraiment si elles sont différentes qu’avant cet enfermement généralisé. Nos méthodes de création restent les mêmes (enregistrement, MAO), même si obligatoirement tout est différent en cette période.

©W!zard. La pièce de création confinée favorite du groupe.

Pas de doute sur le fait de continuer à 100 000%

Aujourd’hui, quelles sont vos craintes et doutes sur le fait d’avoir une activité réduite ?

Déjà on ne sait concrètement pas quand est-ce que l’on pourra réellement reprendre une activité. Tout est à l’arrêt pour les musiciens, productions, salle de concerts et les lieux de diffusion culturels en général. On fonctionne au jour le jour et on navigue un peu à vue, on s’organise sur des “peut-être” et c’est franchement pas agréable.

Pas de doute sur le fait de continuer à 100 000%, mais des craintes sur la forme que ça prendra, comment le secteur des musiques actuelles va-t-il pouvoir se réorganiser ? Est-ce que leurs acteurs pourront continuer leurs activités ? Est-ce que les structures vont pouvoir réouvrir ? Cela fait pas mal de questions sans réponses et ça nous fait un peu flipper ouais, surtout que le monde de la culture n’a pas l’air d’être une priorité pour nos dirigeants politiques qui ont les cartes en mains. Les craintes et les doutes s’appliquent à toutes les activités de notre secteur en clair, donc nous on dépend aussi en partie de ça.

Il est tout à fait possible et même probable que les temps deviennent encore plus durs pour les petits artistes auto-produits

Est-ce que cette crise vous fait imaginer le futur différemment et donc votre carrière d’artiste post-confinement d’une autre façon ?

On ne peut concrètement pas répondre à cette question. Pour l’instant on ne s’imagine rien du tout, on reste la tête sur les épaules pour faire avancer notre musique comme nous l’avons toujours fait, mais tout en prenant en considération les différents scénarios pour la suite.

Pour l’instant on a prévu de continuer à faire un maximum de création et de concerts. Pour nos carrières, on verra. Il faut surtout rester attentif à l’évolution de la production, de la diffusion des musiques actuelles et de la culture en France. Il est tout à fait possible et même probable que les temps deviennent encore plus durs pour les petits artistes auto-produits que nous sommes. Le contraire nous étonnerait. Mais on s’en fou et on continuera à bosser de toute façon.
)

L’extrait du groupe

Le titre “Paul” du groupe Girl Band.

« La réal’ de la vidéo est tout simplement formidable, la musique est monstrueuse et c’est un groupe qu’on chérit pas mal en ce moment. Beaucoup d’identité et une patte musicale de dingue. Allez écouter leurs albums les enfants ! »
)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *