Rencontre avec Ta Mère La Mieux, collectif ayant la volonté de faire évoluer les représentations autour des compétitions de rap, en proposant des soirées où les codes du battle clash sont inversés. Dans le cadre de ses événements, l’affrontement verbal entre deux adversaires se fait à base de compliments.
« En 2019, on s’est dit qu’on allait inverser les codes. Aujourd’hui, le collectif crée de nouveaux codes. » L’ambition première du collectif Ta Mère La Mieux est de s’appuyer sur les arts oratoires et sur la bienveillance, pour construire de nouvelles propositions culturelles où chacun·e puisse se sentir à sa place. Entre spectacles produits, actions de médiations culturelles, formations : le collectif dynamique entend avoir, grâce à la puissance du langage, un réel impact social dans sa région d’origine, en France, et au-delà.
Des soirées 100% battles de compliments
Le collectif Ta Mère La Mieux est née de l’idée d’organiser des soirées 100% « battles de compliments ». Par amour de l’exercice d’éloquence et de rhétorique du battle clash. En choisissant ce nom, le collectif souhaite mettre à l’honneur les mères, souvent prises pour cible des offenses les plus violentes. Ayant conscience que ce milieu peinait à toucher un large public, notamment féminin, le collectif a eu le souhait d’inviter davantage de femmes, sur scène, et de représenter toutes les disciplines des arts oratoires et de l’éloquence durant ces soirées.
On a très vite pris conscience du potentiel de cohésion et de lien social de ce format.
Marie Younes (Ta Mère La Mieux)
Issu·es du rap, du cinéma, du slam, du stand-up ou de la poésie, les artistes s’affrontent sous forme de joutes verbales pour faire l’éloge de leur adversaire. C’est en 2019 que le public répond au rendez-vous de la première soirée prometteuse Ta Mère La Mieux dans un ancien café culturel de Bordeaux. Marie Younes, attachée de production, revient sur cet événement : « Tout d’abord, on a été surpris de faire un complet puis on a remarqué la mixité de notre public. Il y avait autant de femmes que d’hommes, mais aussi un public intergénérationnel, avec des personnes complètement néophytes dans le milieu du battle, mélangées à des fans hardcore de cette pratique. On a donc très vite pris conscience du potentiel de cohésion et de lien social de ce format »
Aussi, dans un désir de conserver une trace des performances uniques des artistes et de répandre positivité et bienveillance à plus grande échelle, le collectif s’inscrit dans la tradition des battles clash en filmant leurs soirées puis en les diffusant sur leur propre chaîne YouTube.

Le cœur d’action : l’impact social
Assez vite, le collectif a diversifié ses actions en proposant des ateliers de pratiques artistiques autour des arts oratoires, essentiellement à destination des structures de jeunesse, mais aussi auprès de tous les publics pouvant être éloignés de l’offre culturelle, notamment les personnes accompagnées par des structures médico-sociales ou par les services pénitentiaire d’insertion et de probation.
Ainsi, le cœur d’action de « TMLM » repose clairement aujourd’hui sur l’impact social de multiples initiatives prenant la forme de spectacles, d’actions de médiations culturelles ou d’événements, visant à favoriser l’accès à la culture. Toujours dans une approche basée sur la bienveillance, le collectif entend lutter contre l’exclusion sociale et développer la confiance en soi de chacun·e. Leur recette : la rencontre dans un espace enclin à la liberté d’expression, agrémentée de moments de joie partagés, contribuant à l’épanouissement personnel.
Une équipe experte dans l’art de la parole
Au cœur du collectif, un noyau solide impulse l’énergie et la vision du projet. On y retrouve les membres du conseil d’administration : Maëlle, présidente de l’association, à la fois slameuse et doctorante en sciences de l’éducation, Léa, ingénieure d’étude en éducation, ainsi que Nina et Maëlys, expertes en communication. À leurs côtés, Marie, attachée de production, et Ambre, volontaire en service civique, contribuent activement au développement et à la coordination des projets.
Autour de cette équipe gravite un réseau d’artistes talentueux : Maras, plusieurs fois récompensé dans les compétitions Rap Contenders ou encore Red Bull Dernier Mot, Alexinho, champion du monde de beatbox 2018, Esope, champion de France de slam junior 2014, et Lexie-T, double championne de France de beatbox. Tous participent à l’enrichissement de l’univers artistique du collectif, affirmant un ancrage sur la scène contemporaine. Le collectif s’appuie aussi sur une grande diversité d’intervenants et d’artistes en France, selon les actions culturelles, ainsi que des bénévoles mobilisé·es durant les événements.
TMLM fait dans le sur-mesure de l’action de médiation…
En 2021, le collectif lance une nouvelle proposition nommée « La Voix dans l’Œuvre » qui invite un public à la découverte de lieux culturels. Grâce à la diversité des disciplines des artistes, le collectif construit, à la demande, des parcours de visites uniques dans les villes et ses lieux culturels. Construit sur mesure pour un public et propre à chaque lieu, le spectacle est utilisé comme outil de médiation.
Marie nous rapporte un moment marquant d’un parcours de visite organisé au Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux, le MADD, avec un rappeur et un beatboxer, pour des élèves en bac pro du lycée Jacques Brel de Lormont: « Les élèves ont levé la main comme lors d’un concert d’un rap et ce qui nous touche, c’est de voir qu’ils se sentent à leur place dans ce type de musée. »
… à la formation
Le collectif est identifié comme association faisant de la diffusion artistique et de la médiation culturelle dans le domaine des arts oratoires ayant aussi pour vocation d’apporter une réponse culturelle à une problématique sociale. Les questions d’éloquence et de pédagogie sont ainsi constamment mises en réflexion. Marie nous explique : « On réunit des artistes qui ont des choses à dire et à expérimenter avec les publics, mais c’est aussi important de soulever la question des publics. ».
Ainsi, à partir de constats relevés par les professionnels, en lien avec les divers publics, et éclairés par les apports scientifiques de chercheur·euses en éducation, le collectif propose des formations adaptées aux besoins spécifiques pour répondre aux problématiques sociales repérées. Les regards conjugués entre chaque acteur·ice engendrent ainsi des créations et des propositions artistiques d’une acuité singulière.
Un idéal d’aboutissement : la coopération internationale
Récemment, un projet de coopération s’est construit avec le Québec dans le désir d’exporter le savoir-faire TMLM et d’échanger sur les pratiques artistiques et de médiation de chacun. « Aujourd’hui, on est une association qui fait des battles de compliments et on a envie que TMLM vive ailleurs que chez nous donc l’idée était de créer un échange culturel autour des spécificités de nos pratiques… C’est l’aboutissement de ce que l’on souhaite mettre en œuvre. » commente Marie.
Mais ce n’est pas tout ! Ta Mère La Mieux étend aussi ses actions au-delà des frontières francophones : République Tchèque, Allemagne, Luxembourg avec « La Rue des Éloges », format de scène ouverte où les artistes déclament des textes avec la thématique de l’éloge.
Une soirée qui rayonne dans de nouveaux espaces
Le succès des soirées Ta Mère La Mieux est devenu la marque de fabrique du collectif qui adapte aujourd’hui cet événement dans de nouveaux cadres tels que les salons littéraires, les manifestations sportives, les cours de français, les fêtes d’entreprises…
Le 12 mars dernier avait lieu une battle de compliments à la bibliothèque Mériadeck dans le cadre du Printemps des poètes : un format sur le thème de la poésie volcanique. Puis, le 5 et 6 avril, ce sera à l’Escale du Livre, où les artistes incarneront cette fois-ci des livres de la programmation et leurs auteur·ices. L’occasion de susciter l’envie de lire chez des publics éloignés.