Entretien : la skate culture vue par Benjamin Garcia

Longtemps, les relations entre les pouvoirs publics et les skateurs bordelais ont pu être tumultueuses. Depuis quelques années, grâce à un travail de médiation important mené par quelques acteurs de la scène skate locale, comme Léo Valls ou Benjamin Garcia, ces liens se sont apaisés. Pour en discuter et aborder d’autres sujets sur la culture, nous avons interrogé ce dernier. L’occasion de parler des Vibrations Urbaines, de la féminisation de cette pratique ou encore de l’arrivée du skate aux Jeux Olympiques de Tokyo cette année !

Crédit photo: Teddy Morellec et Jaakko Ojanen

Le Type : Salut Benjamin, merci d’avoir accepté cet entretien pour Le Type ! Bien que tu sois très reconnu dans le milieu du skate, peux-tu commencer par te présenter, pour ceux qui ne connaissent pas cette pratique ? Nous dire pourquoi tu as commencé le skate et ce que tu fais actuellement dans ce domaine ?

Benjamin Garcia : Je m’appelle Benjamin Garcia,  le skate est une passion avant tout et j’ai la chance d’avoir des sponsors qui me font vivre très bien de cette passion. En fait il y a plus ou moins deux types de skateurs, y a les bowl riders et les streeters. Les streeters c’est plus ceux qui vont aller dans la rue et qui vont skater la ville, ils vont aller chercher des spots et tout un milieu créatif dans la ville et après y a les bowls riders qui vont plus utiliser des courbes pour s’envoler, faire des figures. Je suis un streeter c’est à dire que je vais tout le temps dans la rue faire des vidéos, des photos… C’est plus mon approche du skate.

Je suis un streeter c’est à dire que je vais tout le temps dans la rue faire des vidéos, des photos… C’est plus mon approche du skate.

Après, la plupart des skateurs font de tout. Là, par exemple j’enseigne le skate à des enfants et ils ont des préférences, il y en a qui vont être plus streeter, d’autres vont être plus bowls rider. Actuellement je fais ce qu’on appelle des skate camp, c’est à dire qu’on va accueillir des jeunes sur cinq jours et on va leur faire découvrir de nouveaux skateparks. Je le fais sur Paris mais ça se fait aussi à Bordeaux.

Concernant la pratique du skate à Bordeaux, il y a récemment eu une médiation entre la Mairie et des skateurs (dont tu as fais partie), afin de réglementer la pratique du skate. Peux-tu nous expliquer le « pourquoi » et le « comment » de cette médiation ? 

C’est une médiation qu’il y a eu entre les skateurs et la Mairie de Bordeaux, avec Alain Juppé (l’ancien Maire de Bordeaux, ndlr). L’initiateur de ce rapprochement est Léo Valls, qui est un streeter. La médiation était en lien avec une association qui s’appelle Board-o. On a cherché à montrer qu’il y a quand même des bons riders sur Bordeaux et on a voulu donner de la crédibilité à ce sport. Et faire en sorte que la ville accepte un peu le skate dans le milieu urbain.

Léo Valls a été choisi car c’est un pur streeter, il ne fait pas de compétition. Il est vraiment dans l’image, il va chercher à obtenir des vidéos, des photos de ses voyages, bien propres à lui, c’est ce qui fait son skate et sa notoriété. Moi j’en fait aussi,  mais à côté je fais des compétitions, j’ai obtenu un titre de champion d’Europe l’année dernière, un titre de champion du monde il y a deux ans et je prépare les JO de 2020. Cette médiation a été positive, mais il a fallu de l’acharnement.

crédit photo: Jaakko ojanen

Alain Juppé avait même dit «vive le skate »

Combien de temps cela a -t-il pris ?

Un an ou deux, ça a été des rendez-vous pris à la Mairie, des réunions, des conférences… À la fin d’une conférence, Alain Juppé avait même dit «vive le skate », incroyable. 

Il y a encore des débats la dessus ? La pratique du skate est encore interdite dans certains endroits, est ce que vous comptez changer cela ?

En fait, c’est simple. Nous avons des horaires pour skater les trois places centrales de Bordeaux, qui étaient formellement interdites dans le passé. Ces places maintenant autorisées sont la place des Commandos de France, la place Pey-Berland et la place Rohan. Les horaires autorisés sont le mercredi et le samedi de 11h à 20h. 

Mais ça fait 50 ans que le skate existe, et on continuera toujours à aller dans la ville et dans ces endroits. Déjà parce qu’on aime notre ville, et c’est avec cet argument que la médiation a fonctionné aussi. La Mairie a vraiment compris qu’on ne faisait pas ça parce qu’on voulait dégrader ou faire du bruit : ils ont vraiment compris qu’on faisait ça parce qu’on aimait Bordeaux, et c’est pour ça qu’on voulait avoir des vidéos et des photos qui passent dans des magazines, sur des médias internationaux. Il se sont dit qu’il y avait vraiment un truc à faire avec le skate.

Au final, on a gagné quelque chose ; c’est qu’aujourd’hui les forces de l’ordre ne mettent plus d’amendes. Maintenant ils peuvent seulement nous faire partir d’un endroit, mais sans amendes, et ça c’est une grosse victoire. Avant ça il pouvait y avoirt des enfants de 14 ans qui rentraient chez leurs parents le soir et qui disaient à leur parents qu’ils avaient eu une amende de 80 euros.

Les filles commencent vraiment à s’immiscer dans la culture du skate.

 Il y a un groupe de skateuses qui s’est formé récemment à Bordeaux, qu’est-ce que tu peux nous dire sur la féminisation de ce sport ?

Je crois que c’est à l’initiative de Marion Etcheparre, qui a commencé le skate il y a un an et qui, via les réseaux sociaux, a réussi à créer une communauté à Bordeaux et même aux alentours. Cela a attiré des jeunes qui viennent de Lacanau, Mios ou Arcachon. Elle fait des grosses sessions le mercredi, après les cours. Il y a même un événement qui a eu lieu en novembre à Darwin, à l’initiative des filles, et c’est super cool. Les filles commencent vraiment à s’immiscer dans la culture du skate.

 

 

Qu’est ce que tu peux nous dire à propos des crew dans le milieu du skate? 

Les crew se forment souvent par affinité et par générations. Ils se mélangent et c’est ça la beauté du skate, ce n’est pas vraiment possible dans tout les sports de mélanger les âges. Je peux très bien passer une journée avec une personne de 60, 40 ou dix ans. La force de ce morceau de bois à 4 roues c’est sa capacité de créer une communion entre plusieurs générations.

Est ce que tu peux nous parler de contests à Bordeaux? 

A Bordeaux à ma connaissance, il y en a pas d’autres que les Vibrations Urbaines , mais le plus gros qu’il y a en France c’est le Far’n’nhigh, c’est la plus grosse compétition française pour le street. Les Vibrations Urbaines c’est un petit contest maintenant. Avant c’était un très gros contest mais aujourd’hui en skate ça s’est un peu tassé, ça a laissé place à d’autres compétitions dans le reste de la France. Les Vibrations Urbaines ont beaucoup évolué au niveau du Breakdance et les concerts marchent vraiment bien. 

Tu as récemment participé aux Vibrations Urbaines justement ; est-ce que tu pourrais nous partager ton expérience sur ce festival qui s’est tenu du 29 octobre au 1er novembre ?

La première fois que j’ai fait les vibrations urbaines, c’était il y a dix ans. C’était ma première grosse compétition. J’avais gagné en moins de 16 ans à l’époque, et c’est à partir de là que ma carrière a commencé. Je suis rentré chez DC Shoes, chez Jart skateboard aussi. C’est vraiment à partir de là que tout a commencé pour moi. Après j’y suis allé quasiment tout les ans, je crois que je n’en ai pas manqué une et je suis directement allé en plus de 16 ans. Je suis allé dans la catégorie pro où j’ai gagné trois ou quatre fois. 

Qu’est ce que le festival t’as apporté (visibilité, expérience…) ? 

Ça m’a apporté en gros une première visibilité et une première entrée dans le skate, quand j’avais 15 ans. Vu que c’est une compétition et qu’il y a des gens qui regardent, il y a des skateurs plus âgés qui repèrent les bons skateurs en devenir et c’est comme ça que je me suis fait repéré.

Il y aura des épreuves de skate aux Jeux Olympiques, quel est ton avis là dessus ?

Si aujourd’hui le skate est dans les Jeux Olympiques, c’est pour gagner de l’audience qu’on avait perdu au niveau des jeunes. Nous à notre âge, on ne regarde plus les Jeux Olympiques, c’est has been ; c’est pour ça qu’ils ont fait rentrer des sports comme le surf et le skate. Nous les skaters, on a pas besoin des Jeux Olympiques, ce sont eux qui ont besoin de nous. On a réussi à trouver un terrain d’entente.

Les épreuves se déroulent très simplement, il y a des étapes qualificatives un peu partout dans le monde, avec un classement, et les premiers de ces classements vont aux Jeux de Tokyo 2020. Moi je suis sur les bases qualificatives, je ne sais pas encore ce que ça va donner. On commence la deuxième session, je vais essayer de me qualifier. Les pays phares sont les États-Unis, le Brésil, le Canada, le Japon, et la France. Dans tout les cas, il n’y en a que trois par pays qui peuvent y accéder donc au final ça ne change pas grand chose.

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