Endé, le Yab se cache dans les détails

Faire une interview avec Endé, c’est toujours un petit défi. Féru de rap depuis l’adolescence, celui qui affiche désormais une trentaine bien tassée connaît le genre musical sur le bout des doigts. Alors, quand on commence à parler de tel ou tel artiste, on a parfois peur de paraître pour un ignorant. Et pourtant : humble et bienveillant, le membre de La Prune ne nous prend jamais de haut. Mais alors qu’il peut se montrer tolérant sur nos manques de connaissances, concernant sa musique, il est intransigeant. Et il le prouve une nouvelle fois avec La Neuvaine du Yab, son premier EP solo depuis qu’il a créé son groupe La Prune avec L’Epicier et Krab en 2016 : par respect et amour pour le rap, que ce soit en solo ou en groupe, il cherchera toujours à amener le rap plus loin, à sans cesse expérimenter, défricher de nouveaux horizons, sans pour autant faire le clown, de la zumba, ou « mettre une robe pour faire dix likes » comme il le dit au cours de l’interview. « Bon client » comme on dit dans le milieu, comme vous venez de le lire, faire une interview avec Endé, c’est aussi l’assurance d’avoir des réponses croustillantes, et ce n’est pas nous qui allons nous plaindre. Sa collaboration avec Gizzle, la singularité dans le rap, son avis sur le rap actuel… Entretien avec un passionné de rap. 

Le Type : En 2020, avec La Prune, vous avez sorti 3 EPs. (ndlr : dont un, Délicieux tonneliers, fait partie de notre top 50 des albums de 2020)

Endé : Ouais, 2020, grosse année pour nous. On a commencé avec Pruine (Préquel), dans lequel il y a plusieurs tracks qui avaient bien marché sur Soundcloud, et on y a ajouté « Winona » en nouveauté, que l’on a clippé. Ensuite, on a lancé un peu de merchandising. À la rentrée, on a balancé le projet avec Yuri J et Gizzle, qui est complètement à la réalisation de tout ça. Et en décembre, on a sorti l’EP Délicieux tonneliers. Donc au final, grosse année. Quand t’es enfermé 24h/24, avoir le studio à la maison, c’est un avantage… Et vive les internets aussi. C’est comme ça qu’on fait cette interview, c’est un peu comme ça que s’est pliée cette année 2020 musicalement. On dansera un peu plus tard… Mais en attendant, on fait avec, et on continue d’avancer. 

Sur les 3 EPs sortis l’année dernières, deux ont été produits par Gizzle Beatz, un beatmaker bordelais. Pourquoi ce choix ? Krab, votre beatmaker qui vous suivez depuis vos débuts, ne fait plus de prods ? 

Pruine (préquel) marque un peu une rupture musicale avec ce qu’on faisait avant. Krab est parti vers de nouvelles aventures… Au bout d’un moment, la cohésion n’était plus totale. On voulait des choses un peu différentes pour nous-mêmes et pour le groupe. Donc tout naturellement, de la manière la plus humaine possible, Krab a quitté le groupe de lui-même, même si on le capte encore. C’est comme avant, sauf qu’il est moins présent sur les sorties. Du coup, sur Pruine, il y a des prods de L’Epicier et de Krab, et une en collab avec Gizzle sur « Winona ». 

Comment expliques-tu ce rapprochement avec Gizzle ?

Ça s’est fait naturellement. On se captait de plus en plus, donc il nous envoyait plus de packs de prods. Ça fait déjà dix ans qu’il m’en envoie. C’est juste qu’avant, j’arrivais pas à poser dessus (rires). C’est marrant d’ailleurs de constater qu’il y a dix ans, quand je les écoutais, je les trouvais super bien, mais je me sentais incapable de poser dessus. Alors que dix ans plus tard, il n’y a rien que j’aime plus que ça… La boucle s’est bouclée. 

Le 21 février, tu as sorti La neuvaine du Yab en solo, mais sous le nom de La Prune. Pourquoi ce choix ? 

Déjà, en solo, c’est un grand mot… Le projet est sorti sous le nom de La Prune, et pas Endé de La Prune. Et c’est juste une question d’opportunité, et d’idée. Il y a encore six mois, je disais que je ne savais plus trop quoi dire dans mes textes. Et puis juste après, j’ai eu une sorte de déclic, et l’envie de faire ce concept-là d’un seul coup. J’ai commencé par faire le premier morceau, et un peu comme par magie, ça a fini par prendre la forme d’un EP. 

Mais on est bien d’accord sur un truc : il n’y a pas d’embrouille entre toi et L’Epicier.

Dans ce projet, il y a plus La Prune qu’Endé… Non, il n’y a aucun problème par rapport à tout ça. Les gens se sont posé des questions… Alors qu’en vrai, on est tellement en accord sur ce que l’on veut faire, que l’on peut même se permettre de sortir des solo, ça ne changera rien. Je remercie tous les jours L’Épicier de m’avoir offert cette opportunité. Ce projet, j’en étais fier avant que ça sorte : peu importe ce qui se passe avec, j’en suis déjà extrêmement content. 

Lui aussi va faire un solo ? 

Ouais, on aimerait beaucoup. Je sais que de son côté il fait des choses. Après, faut voir s’il va jusqu’au bout… Il ne fera pas un projet, juste pour faire un projet. Il va vouloir proposer quelque chose. Et il fera sans doute un peu comme moi, un solo à la sauce La Prune. J’ai déjà entendu quelques secondes de morceaux… Si ça en est, j’en serais le premier content. 

C’est un projet sur l’évolution des croyances que l’on peut avoir, dans n’importe quel domaine

Endé

L’EP est entièrement produit par Gizzle. Toi qui habite désormais à Paris (ndlr : Endé y est parti depuis 2017) et lui à Bordeaux, vous l’avez bossé à distance ? 

Oui. D’ailleurs, c’est parti d’un petit malentendu… L’Épicier recevait des packs d’instrus de la part de Gizzle. Et les prods qu’il n’utilisait pas, il me les a envoyées. Du jour au lendemain, j’écris et j’enregistre le titre « La Neuvaine ». Et quand je lui ai envoyé le projet, il m’a répondu : « je ne me souviens pas t’avoir envoyé ces prods ! » Mais il a dit ok, il a écouté le projet, et au final, il s’est chauffé pour le mixer. Et je sais pas si c’est parce qu’il me comprend, ou qu’il est bien trop fort, mais une fois que j’ai reçu la première version, la seule chose que j’ai à dire, c’est merci. Par ailleurs, par cette interview, je me permets de dire à Gizzle que s’il veut m’envoyer un pack, je suis chaud (rires). Mais je pense qu’il m’envoie ça pas trop vite, parce qu’on doit commencer à le fatiguer. 

L’EP s’appelle La neuvaine du Yab. Qu’est-ce que ça veut dire ? Neuvaine, ça veut dire prière, c’est bien ça ? 

Ouais. Après, moi je l’ai amené dans le sens de la croyance. Une neuvaine, c’est une bougie de prière qui dure neuf jours. Cette prière, elle est associée à un Saint, qui est gravé sur la bougie. Mais moi, dans ma version à moi, elles sont complètement vierges. J’en ai d’ailleurs commandé pour l’Epicerie Gang. Tu l’allumes, et tu espères quelque chose. Et au bout de neuf jours, selon ton attachement à la chose ou pas, tu kiffes le truc. Par exemple Yuri J, il l’a éteinte dans un cimetière. Il y en a d’autres qui m’ont appelé au bout de neuf jours, en me disant qu’il y avait un truc avec mon concept… Chacun son lifestyle. Mais au sens purement brut de la chose, c’est un projet sur l’évolution des croyances que l’on peut avoir, dans n’importe quel domaine. 

Et Yab, ça veut dire quoi ? 

C’est ce que je suis. Un Yab, c’est un vrai Réunionnais, qui est sur l’île de la Réunion depuis le début. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, et dans l’idée, ils fuyaient quelque chose de grave qu’ils avaient fait en métropole… Et assez rapidement après qu’ils soient arrivés, il y a eu une deuxième migration, avec des gens un peu plus riches, qui ont poussé les premières familles vers les hauteurs de l’île. Donc finalement, un Yab, c’est un Réunionnais des hautes îles. Le genre qui vit dans des cases en tôles, qui ont deux poules… Le hood version réunionnaise quoi.

Tu habitais là-bas au départ ? 

Oui. Je suis arrivé en métropole à 15 ans. On était venus une première fois pour voir mon père qui faisait son service militaire. Puis on est retournés à La Réunion, pour vivre dans une petite maison, après en HLM… Quand je parle aux gens de La Réunion, ils ont parfois du mal à croire qu’il n’y a pas que des villas là-bas. Ils s’en doutent, mais ils ont souvent tendance à l’oublier. 

En ce moment, on est en train d’entendre que des petits Pop Smoke

Endé

Dans « Allumage », tu dis « Ton rap paie, ils aiment les photocopies, rien d’original ». Pour le coup, toi, ton rap est super original par rapport à ce qui sort tous les vendredis… 

C’est marrant parce que, pour le coup, j’ai l’impression d’être beaucoup moins original qu’avec La Prune. J’ai essayé de lisser ma musique. Mais au final, en parlant avec ceux qui ont écouté le projet, ils me donnent l’impression d’avoir été au contraire plus loin que d’habitude. Avec le concept, l’enchaînement des morceaux… Mais pour moi, ça, c’est faire un vrai projet, c’est pas être différent. Pour en revenir à la phrase que t’as relevée, j’ai l’impression qu’on est tout le temps en train de crier qu’il faut être original pour proposer quelque chose de différent. Sauf que pendant dix ans, on écoute toujours la même merde avant d’enfin changer un peu. Par exemple, en ce moment, on est en train d’entendre que des petits Pop Smoke… Je trouve ça un peu contradictoire. Va falloir se mettre d’accord à un moment donné.

Alors que toi, pour le coup, rien que dans le morceau « Allumage », que ce soit dans le flow ou l’intonation de ta voix, on a affaire à quelque chose d’assez unique. 

Et pourtant, j’ai fait la même chose que beaucoup de gens… J’ai plein de potes qui aiment le screw (ndlr : effet ralenti popularisé dans les années 90 notamment par DJ Screw), et je l’ai fait en screw. Mais à ma manière. Je voulais pas que les gens qui écoutent l’EP se disent « ouais c’est bien, il a fait du Freeze Corleone ». Non merci, ce n’est pas mon héritage… Il est fort, respect à lui. Ses histoires, je ne suis pas là pour juger. Mais ce n’est pas mon héritage. 

Tu dirais que c’est quoi ton héritage alors ? 

Le rap du sud des USA en général. Comme je l’ai déjà dit autre part, le premier album physique que j’achète, c’est Word Of Mouf de Ludacris. C’est con, mais c’est comme ça que c’est arrivé. A l’époque, quand t’achetais un CD, tu le saignais. C’est ce que j’ai fait. Et après, j’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui avait autour : Atlanta, Memphis, Houston… Et la matrice était lancée. 

C’est comme une nouvelle : c’est comme faire un film de deux heures, mais faut tout mettre dans 23 minutes

Endé

Au final, avec La Prune, vous êtes un des seuls groupes en France à pratiquer ce type de rap. 

On fait surtout partie des rares à le faire à notre sauce… Comme pour ceux qui font de la trap : ils vont le reprendre, sans essayer de le faire avec leur personnalité, et en espérant que personne n’a cramé que c’était juste une copie. Après, évidement que c’est un constat général, et qu’ils ne font pas tous exactement la même chose. Par exemple, je me suis pris un Zuukou Mazie tout à l’heure, j’ai pas fait le malin… Beaucoup d’amour pour ce genre d’explorateur. 

Est-ce que t’as pas peur que ça vous ferme des portes de proposer un rap aussi peu commun dans le rap français ? 

Le fait que toi et moi on parle du projet, ça prouve déjà le contraire. Comme je te disais tout à l’heure, j’étais déjà satisfait avant que le projet sorte. S’il se passe quelque chose de bien, je me dirais que c’est cool. Et s’il ne se passe rien… bah il ne se passera rien, et puis c’est tout. Je ne vais pas me mettre à porter une jupe pour faire dix likes…

En interview, L’épicier disait que tu écrivais en à peine une demi-heure, et que c’était de l’impro. Ça a été pareil pour cet EP solo ? 

J’ai beaucoup travaillé le studio, on a passé pas mal de temps sur la réalisation. L’écriture, ça s’est fait assez vite. D’ailleurs, ça va encore plus vite quand t’as un thème que tu veux garder du début à la fin. Et ça a été bénéfique : ça se serait passé moins vite, me connaissant, j’aurais commencé à douter, je me serais dit que je n’étais pas prêt pour ce sujet-là, que j’avais pas assimilé assez de connaissances. J’avais le thème qui traînait dans ma tête, j’ai écouté la première prod, et ça s’est décanté comme ça. Je vais passer pour un mec qui se prend pour un romancier, mais ce format court, il est volontaire. C’est comme une nouvelle : c’est comme faire un film de deux heures, mais faut tout mettre dans 23 minutes. 

J’adore ça dans le rap, quand il y a une infinité de sens, comme une sorte de tableau sans titre

Endé

Et alors, cette nouvelle, c’est quoi son message ? 

Chacun a sa magie qui s’installe par rapport à la musique. Je ne suis pas un prof de français, j’ai pas envie que les gens l’écoutent avec une seule lecture. Mais pour moi, c’est commencer à croire en quelque chose, et son évolution qui est super rapide. C’est comme dans le deuil, il y a plusieurs étapes. «Allumage», t’as ce boucan qui commence dans ta tête. « Neuvaine », tu te rattaches à quelque chose pour encore plus y croire. « Mauvaise nouvelle », première barrière, tu te dis que ça ne marche pas. Et « Extinction », fin du rêve, le truc est brisé. Mais le projet se termine par la phrase « débranche pas le mauvais câble ». Tout peut repartir, que ce soit en positif ou en négatif. 

Tout le monde peut se l’approprier. 

Exactement. J’adore ça dans le rap, quand il y a une infinité de sens, comme une sorte de tableau sans titre. Avec mon pote Saïd de l’arbre, quand on décante nos morceaux, il me dit ce qu’il s’est passé pour lui. Et parfois, lui pense le contraire de ce que j’ai voulu dire. Par exemple, l’EP Reine Claude, pour lui, c’est une rupture. Pour moi, c’est la naissance de l’amour. 

Sur le titre « Allumage », tu as un flow et une voix très particulière. Comment t’es venue l’idée ? 

La méthodologie a été un peu particulière. Je suis amoureux de mon micro. J’ai trouvé un micro, quand je parle dedans, ça fait exactement ce que je veux entendre. Selon les micros, il ne va pas se passer la même chose… Ensuite, je l’ai posé en me disant que j’allais demander à Gizzle de ralentir la voix pour donner du coffre. Comme j’ai une voix grave, je voulais pousser le truc au max. Et j’ai allongé les fins de phrase, quitte à ce que les derniers mots ne se terminent pas. Avec l’effet ralenti, ça a donné ça. D’ailleurs, quand j’ai envoyé le morceau à Gizzle, il n’y avait pas le screw, pas de filtre. Il m’a dit : « le projet est cool. Par contre, l’intro, j’ai pas trop compris. Mais je vais essayer de faire quelque chose. » Au final, je lui ai même pas demandé de ralentir, c’est lui qui l’a fait. Et quand il m’a renvoyé le projet, il m’a dit : « finalement, la première, c’est ma préférée ». 

« Ils voudraient faire de nous des caniches sous camisole », « On se dépense, pour mieux dépenser nos points de vie dans la picole », « Le coq, à part sur le tricot, RAF », « Ils nous envoient au charbon pour ne rien vivre », « On nettoie pas les flaques de sang avec des flatteries ». Tu te lâches pas mal sur cet EP… La Prune serait-elle devenue engagée politiquement ? 

La Prune n’est pas engagée. Elle est juste pas contente. Je vais passer pour un soixante-huitard, mais l’engagement, c’est déjà trop politique pour moi. On a déjà du mal à se débrouiller avec notre propre broutille. Donc s’il faut se rallier à des gens pour avoir des convictions et un esprit de groupe, ça se fait naturellement. Pas besoin de mettre des gens au-dessus de nous pour nous dire ses consignes. La politique… Comme je dis dans l’EP : à l’ouest, rien de nouveau. Ça fait des années que j’ai l’impression d’entendre les mêmes informations en boucle. Et avec le Covid, il se passe la même chose. La différence, c’est que l’on nous a privé de beaucoup de choses. J’essaye de respecter le couvre-feu le plus possible, mais en contrepartie, je remarque bien tous les sacrifices que l’on est en train de faire dans nos vies… Pour les jeunes, c’est l’horreur ! Ils vont à l’école, ils rentrent chez eux. Et les étudiants, ils ont même plus assez d’argent pour se payer à manger… C’est Disneyland. Donc au bout d’un moment, ça monte au nez toute cette moutarde. C’était un projet sur lequel j’avais envie de parler clairement de certaines choses. Donc j’ai glissé deux ou trois phrases pour dire que c’est bien de faire les moutons, mais oubliez pas de réfléchir un petit peu. Mais on le faisait déjà dans La Prune. Peut-être qu’on l’entend plus ici… sans doute une question de BPM. 

Sur Twitter, LK de L’hôtel Moscou a dit que cet EP était une bonne leçon de flow pour les MC rigides. T’es d’accord avec ça ? 

J’ai adoré cette phrase, elle m’a fait rire. Mais ça, je suis incapable d’expliquer. Je rappe comme je rappe, point. Ça fait longtemps que j’ai arrêté de faire des mathématiques avec la musique. Je suis un peu un connard du rap là-dessus, mais selon moi, si tu sais rapper, t’as pas besoin de travailler ton flow avant de passer devant un micro. Quand t’as fini de faire ça, tu deviens un rappeur. Mais ce n’est que mon avis, et j’en ai pas vu beaucoup le faire. Mais quand j’en vois faire ça, je me dis qu’ils puent le rap. C’est que le rap a pris le dessus sur le rappeur. Dans le dernier morceau, je dis « le fun n’est pas dans la straight line ». Arrêtons de dire qu’il y a trois flows dans le rap. On peut encore faire des milliers de choses différentes, et on sera toujours là pour essayer de le prouver. Si tu fais 28 fois le même flow, je saurais que ton but, ce n’est pas de progresser, mais que t’attends quelque chose du rap, en rappant toujours de la même manière, parce qu’un jour, deux zigotos t’ont dit que tu rappais bien…

Toi, ton but, et plus largement avec La Prune, c’est de toujours expérimenter, te challenger. 

Au bout d’un moment, on a fait le tour aussi. C’est pas comme si on avait enlevé les petites roues du vélo il y a deux jours… Ça fait des années qu’on est sur le vélo, il n’y a plus de petites roues. Et maintenant qu’on est un peu cons, on essaye de cabrer. Avoir toujours le même flow, c’est faire de l’industriel… On n’est pas des Doo-wap. 

J’ai une maladie : je suis tout le temps en train de rapper dans ma tête

Endé

Peut-être que ceux qui sont signés en maison de disque, où il y a de gros enjeux financiers derrière, préfèrent jouer la sécurité… 

Exactement. Et il y en a déjà suffisamment pour faire ce travail. Moi, je suis écouté par cent mecs, j’ai envie de leur apporter quelque chose quand ils m’écoutent. J’ai envie de les mettre dans une nouvelle ambiance. Après, il faut réussir à être bon dans cette ambiance. 

Et comment on fait pour être encore inspiré après tant d’années de rap ? 

J’en ai encore plein des choses à dire, ça ne s’arrête jamais. C’est comme avoir une conversation en bas de chez toi : le jour où tu n’as plus rien à dire, inquiète toi sur ta capacité à être sociable. Et puis moi j’ai une maladie : je suis tout le temps en train de rapper dans ma tête. J’ai l’impression d’être ce fameux rappeur de soirée, sauf que j’ai appuyé sur le bouton mute. 

Au fait, pourquoi Endé ? 

Ce sont mes initiales. Nicolas Dijoux, ND. Tout simplement. 

Tu penses clipper au moins un morceau ? (Ndlr : entre temps, Endé a sorti le clip de « Extinction ») 

C’est en cours. Mais il ne faut pas s’attendre à un clip comme celui de « Coule à flow ». Je pense qu’il faut rester terre à terre. Est-ce qu’un clip comme ça, ce n’est pas un peu trop par rapport à notre statut ? A la base, c’est un clip à cinq chiffres… On le refera peut-être à un moment donné, quand ça s’y prêtera. En attendant, on va sans doute revenir à notre ancienne formule, en essayant de mieux le faire, et exposer notre réalité. Avec l’Épicerie Gang, on essaye de prendre des images à chaque fois que l’on se réunit. Et on a envie que les gens regardent nos clips comme s’ils étaient avec nous à ce moment-là. C’est une invitation, pas une démonstration. 

https://www.youtube.com/watch?v=ODczR5g7bWU

C’est quoi la suite ? 

Une suite de Endé de La Prune en solo, j’en ai envie. Mais je le ferais uniquement s’il y a vraiment une proposition à faire. Ça me démange dans un coin de ma tête de partir sur un long format. Mais il faut d’abord que je bouffe du vécu pour proposer quelque chose de précis. Si c’est juste un onze titres sur lequel je ne ferais pas une zumba, ni un morceau drill, je ne veux pas de ça. Ça sera toujours ce truc de vouloir se surpasser, et de proposer quelque chose de nouveau. L’envie est là, mais l’occasion de le faire n’est pas encore arrivée. Et il y a pas mal de trucs sur le planning. 

Un dernier mot ? 

Partagez La neuvaine du Yab ! Tu peux l’écouter, et te dire que c’est bien. Mais l’essentiel pour nous aujourd’hui, c’est de partager. On a l’Epicerie Gang et nos auditeurs. Mais on aimerait bien aller plus loin. On sait qu’il y a des méthodes douteuses pour y arriver, mais on n’a pas envie d’entrer dans ce jeu-là. La philosophie de l’Épicerie Gang, c’est de le faire humainement, en se serrant les coudes, et en se sortant les doigts un minimum. Parce qu’en vrai, cliquer sur deux liens, ça va, tu vas survivre. Ton petit égo qui va te dire qu’il faut pas partager parce qu’untel va penser ça, au bout d’un moment… On l’a vécu pendant trop d’années dans le rap bordelais. Je vois des rappeurs bordelais qui commencent à parler de faire des trucs ensemble. C’est possible. Mais arrêtons de mentir, et agissons. Assumez-vous un peu, ayez des convictions. T’aimes pas ma musique ? Dis-le, je serais content, et je t’enverrais un mail pour te demander pourquoi. Je ne dirais même pas que je ne suis pas d’accord, je répondrais « ok, merci, j’avance ». Il y a eu un débat il n’y a pas longtemps sur « est-ce que les journalistes peuvent-ils parler en mal des rappeurs ? » Mais parlez mal de moi bordel, c’est ce que je veux savoir en fait ! Voilà, c’était mon petit coup de gueule des familles. (Rires)

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