Shinigekko : oxymorique, graphique et poétique

Il a 20 ans, un bac pro « communication visuelle plurimédia » en poche et est en formation en école d’arts appliqués à Bordeaux, il a d’ailleurs assez rapidement été autodidacte, ce qui lui a procuré une petite avance avant de commencer ses études. D’aussi loin qu’il se souvienne, Shinigekko, de son prénom Romain, a toujours été un grand amoureux de l’art, sous toutes ses formes. Et le secret de cette idylle qui dure n’est autre que la passion couplée au travail. Pour être en osmose avec son œuvre, l’artiste écoute ses envies profondes et flirte avec ses songes. Son exutoire : retranscrire ses pensées et sa vision des choses à travers le dessin.

Inspirations et « les choses de la vie »

À l’image de ses intérêts, les inspirations de Shinigekko sont variées, parmi les plus influentes pour lui on retrouve l’acteur Jim Carrey, les mangaka Tōru Fujisawa et Katsuhiro Ōtomo (respectivement à l’origine de Great Teacher Onizuka et de Akira, entre autres), le designer Ben Dorado, les réalisateurs Michel Gondry et Tim Burton et les rappeurs Vald, Disiz la Peste et Orelsan. Le plus grand-chef d’œuvre cinématographique à ses yeux est Eternal Sunshine of the Spotless Mind, et pour rester dans l’onirique : il aimerait beaucoup pouvoir un jour échanger avec le réalisateur Michel Gondry. « Sa vision du souvenir me rend triste et si heureux à la fois, c’est juste incroyable. »

Outre ses « modèles », Shinigekko est largement inspiré dans ses créations personnelles par l’amour qu’il porte à ses proches : « Ce n’est jamais le même et parfois la tristesse et la violence passent dessus, c’est très intéressant de s’étudier de cette manière et de le retranscrire ». Résultat : des dessins forts en émotions, influencés par « les choses de la vie » et la pop culture, tout cela réalisé conformément à sa vision personnelle sur le monde et les personnes qui l’entourent.

Le couplage du manga et du rap

Dans ses œuvres, Shinigekko mélange souvent et savamment le monde du rap et le manga. Selon lui, le rap est un monde rempli de personnages divers et variés avec leurs propres univers et où « chacun propose bien plus que de la musique : une réelle fibre artistique ». Il a très rapidement fait le rapprochement avec les personnages de manga et s’est dit que ça collerait parfaitement de créer les avatars en version manga de certains rappeurs. « C’était presque une évidence pour moi, et une manière de les remercier pour ce qu’ils font ». Il confie que cette génération l’inspire et le satisfait au plus haut point, que ce soit musicalement parlant ou dans bien d’autres domaines.

Romain a d’ailleurs revisité les primes de One Piece à travers une série de dessins, des rappeurs remplaçant les fameux hors-la-loi du manga de Eiichirō Oda. S’il prend un plaisir certain à créer ces affiches et que c’est pour lui un moyen de détente absolue, leur réalisation ne lui demande néanmoins pas énormément de temps et celles-ci ne font pas vraiment partie de ses travaux qu’il estime le plus : « Ça fait plaisir à ma “communauté” mais je ne les posterai jamais sur ma galerie principale car cela n’a rien à voir avec ma vision des choses dans l’art. C’est facile d’associer les rappeurs à One Piece pour gagner du like et du follow mais je préfère que les gens s’abonnent à ce que je suis réellement (j’ai rien contre les gens qui dessinent des rappeurs en One Piece, chacun est libre de faire ce qu’il veut !). »

Aussi, l’artiste a réalisé pas mal de fan-art sur Freeze Corleone, ce qui lui a permis par la suite de s’entretenir avec lui et avec d’autres personnes de son collectif à plusieurs reprises. « Freeze est un rappeur que j’estime à fond, j’ai eu ma période où je l’écoutais en boucle (normal, beaucoup trop fort le mec). ». Ils ont par ailleurs eu l’occasion de sortir ensemble un visuel de t-shirt pour le projet de Freeze, « La Menace Fantôme » aka « LMF ». Shinigekko a également eu la chance de se voir confier la réalisation de la cover de son featuring avec le rappeur Gazo.

S’il a déjà collaboré plusieurs fois avec des rappeurs, ce qui a certainement marqué Romain à vie est la réalisation de la fresque de dix mètres en décor de scène de Disiz la Peste pour la tournée en France de son album Disizilla. C’est également le projet sur lequel il a le plus aimé travailler, d’autant plus que la demande correspondait totalement à son style graphique et qu’il adore l’artiste. Il était à cette occasion en compagnie de son collège de toujours, Stan, ou Shizzo sur les réseaux : « C’est incroyable de partager ce plaisir avec des gens qu’on aime ! ».

La fresque de Disizilla par Shinigekko

Dans un autre registre, il a réalisé pendant le confinement un dessin très éloquent qu’il a intitulé « Confined Heart » et celui-ci a eu un écho particulier en lui : « J’ai jamais eu une aussi grosse sensation qu’en le réalisant et en le postant sur ma galerie, en tout cas c’est ce qui fait de celui-ci ma plus grande fierté personnelle, c’est certain que ce dessin m’a permis d’avoir de nouvelles idées par la suite. »

Concernant la diffusion des œuvres de Shinigekko, elle se fait uniquement sur les réseaux sociaux, et sur Instagram avant tout, qui est selon lui l’un des meilleurs réseaux pour se lancer dans l’art. Il utilise également Twitter car « mine de rien tu peux percer avec un seul dessin bien placé », bien que notre ami ne recherche pas forcément à faire le « buzz ». Il considère que la communauté des graphistes et dessinateurs sur ces réseaux est incroyablement soudée et que ces canaux de diffusion sont nécessaires : « n’espère pas te lancer dans un projet sans utiliser les réseaux sociaux aujourd’hui, c’est un outil bien trop miraculeux (je n’apprends rien à personne) ». En effet, cela lui permet non seulement de partager son travail et le faire connaître, mais aussi de communiquer avec des artistes extérieurs et de recevoir différents avis. « Pour les magazines et les expositions, je pense que c’est quelque chose qui va attirer le public le plus proche de ton art ou ceux qui vont le découvrir en passant par-là, les deux sont de très bons moyens pour donner une forme à ce que l’on fait en tout cas. »

Un avenir tracé au stylet fin

Trois gros projets se partagent actuellement le temps et le talent de Shinigekko. Premièrement, une marque de textile : « Osiris », qu’il va mettre en place avec deux amis à lui et dont ils sont plutôt fiers. A suivre de très près : sortie imminente…  Ensuite, il va également sortir un livre d’illustrations « qui va regrouper tous les dessins qui [le] définissent et qui représentent bien [son] univers ». A ce propos il explique : « je vends ça très mal mais je suis convaincu de ce que je vais créer ». 

Enfin, dernier projet et pas des moindres : la réalisation d’un manga ! Il ne devrait pas voir le jour avant les cinq prochaines années car Romain travaille pour l’instant uniquement le scénario et il s’acharne méticuleusement sur chaque petit détail : « Je tiens absolument à faire ça seul, c’est un objectif de vie ! ». Il va donc falloir être patients…

Concernant ce qu’il aimerait développer par la suite, Romain n’a pas encore d’idées précises mais il se confie : « J’aimerais juste que tous les insomniaques qui s’égarent dans la 25e heure chaque soir se retrouvent dans mes dessins. Créer un nouveau style créatif émotionnel serait la meilleure chose qui puisse m’arriver et je pense avoir déjà une petite piste pour y arriver. ». Lorsqu’on lui demande dans quelle situation il se verrait idéalement dans l’avenir, sa réponse est simple : un artiste reconnu pour ce qu’il fait/a fait, tout en restant un minimum anonyme, « Je ne souhaite pas devenir le nouveau Banksy et je ne souhaite pas non plus le succès absolu ». Continuer de créer sans limites dans un chalet en Laponie sous les aurores boréales et pouvoir voyager souvent « sans avoir tous ces foutus papiers à remplir sans arrêt » représente pour lui la meilleure des situations. En guise de mot de la fin, il se livre : « Je souhaite à tous ceux qui ont des projets de les mener à bien jusqu’à leur destination finale, je ne suis absolument personne pour donner des conseils à qui que ce soit mais l’auto-conviction et la confiance en soi sont nécessaires pour aller jusqu’au bout, donner du sens et de la vie à son projet, rien de meilleur pour le mental ! ».

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