Zoom sur le Théâtre des Beaux-Arts de Bordeaux qui en 2022 opère un changement de taille, avec une nouvelle gestion en coopérative. Une initiative inédite dans la région.
En 2018, le Théâtre des Beaux Arts change de propriétaire et de philosophie. Les grandes comédies parisiennes laissent place à des projets locaux moins connus, mais tout aussi ambitieux et profonds. En 2022, le projet prend une autre ampleur : le théâtre se transforme en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), une première dans la région dans le secteur culturel.
2018 : le virage du Théâtre des Beaux Arts
C’est en 2018 que Loïc Rojouan fait l’acquisition du Théâtre des Beaux-Arts de Bordeaux, un établissement qui doit sa renommée à ses comédies de boulevards, avec des spectacles restants entre 6 mois et 1 an à l’affiche. Après la reprise post-pandémie, le nouveau directeur souhaite réorienter la programmation pour favoriser la création et transformer le lieu culturel en tremplin pour les compagnies locales. « Nous proposons de la comédie, du jazz, du seul en scène, de l’improvisation… Plus le temps passe, plus on se rend compte que les compagnies locales sont nombreuses et que les besoins sont grands » confie Maëla Piriou, responsable communication et administratrice de production du théâtre. C’est à ce même-moment que le lieu ferme également son café, pour ne garder qu’un bar et se concentrer sur les représentations.
On se rend compte que les compagnies locales sont nombreuses et que les besoins sont grands.
Maëla Piriou
Loïc Rojouan souhaitait très tôt trouver un moyen de pouvoir impliquer plus de personnes et notamment des bénévoles au projet. Le premier confinement fut l’occasion de se pencher un peu plus sur cette question. Un jour, lors d’une réunion en visioconférence, l’idée d’une transformation en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) est mise sur la table. L’équipe de 5 salarié·es accepte et compte profiter de ce temps de pause forcée pour mettre à bien ce nouveau projet. 3 autres personnes s’ajouteront à l’équipe de fondateurs de la SCIC. Par la suite, d’autres partenaires rejoignent le projet, dont des spectateur·ices fidèles du théâtre en plus d’entreprises privées, de compagnies de théâtre et d’associations. On compte aujourd’hui 32 associé·es à la tête de la SCIC.
La SCIC, un modèle de gestion encore méconnu
Les associé·es gèrent la SCIC de façon horizontale. Les SCIC s’inscrivant dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, le théâtre a des engagements à tenir sur ces sujets. « Nous avons un partenariat avec Clairsienne, un bailleur social, et nous menons des actions dans des quartiers de Bordeaux Sud. On aimerait développer encore plus cet aspect, avec pour ambition de recruter un médiateur culturel supplémentaire d’ici 1 an » raconte Maëla Piriou. Par exemple, des comédien·nes se sont rendu·es sur le terrain et ont pu échanger avec des habitant·es. Ils ont ensuite pu retranscrire sur scènes les témoignages qui les ont marqués.
Une des volontés de l’équipe est également d’ouvrir un maximum le théâtre à un public qui ne se sent peut-être pas légitime de s’y rendre, comme l’explique Maëla Piriou : « On veut en faire un lieu vivant et accessible ». Le théâtre souhaite ainsi pouvoir baisser ses tarifs dans un futur proche, les prix actuels constituant toujours un frein pour certaines personnes.
Le théâtre des Beaux Arts est la première SCIC culturelle de la région. Une exception qui n’étonne pas Maëla Piriou : « Je pense que c’est un modèle très peu connu. Ça complexifie les démarches. Je pense néanmoins que le milieu du spectacle vivant pourrait bénéficier à se pencher sur ce mode de gestion. Les artistes sont habitué·es à toucher un peu à tout, et c’est exactement ce que l’on fait en tant que SCIC. »
L’équipe regarde vers l’avenir. Des ateliers pour les adultes et les enfants vont être mis en place à partir de la saison prochaine. Le théâtre souhaite également pouvoir développer des résidences professionnelles pour les compagnies, en accentuant toujours son soutien pour les compagnies locales qui tentent de faire bouger les choses, comme l’indique Maëla Piriou : « On s’est rendu compte qu’il y avait une effervescence dans la région. Les compagnies sont talentueuses, elles permettent également de développer notre public. C’est quand même un challenge, car il faut réussir à attirer les spectateur·ices dans un spectacle dont ils ou elles n’ont sûrement jamais entendu parler. Mais on s’en sort bien. »