« Rêvolution » : la danse comme trait d’union

Au cœur des Chartrons, la compagnie dirigée par Anthony Egéa anime la vie de quartier sans que cela n’empiète sur le rayonnement de ses spectacles dans le reste du monde. Leur savant mélange entre culture hip-hop et danses plus académiques a fait ses preuves : pour partager cette vision pluridisciplinaire, un centre de formation professionnelle est né, accompagné d’un pôle ressource (médiation et accueil d’artistes en résidence) et de cours de danse ouverts à tous.
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Une compagnie et un lieu pour décloisonner le hip-hop

Dès que l’on pousse la porte du Performance, à quelques minutes des quais près du fleuve, l’influence urbaine saute aux yeux : le sol de ce grand bâtiment lumineux est tapissé de mots et dessins à la bombe de peinture. Des photos issues d’une exposition de MC MONIN de danseurs en pleine ville sont suspendues aux murs de pierre et un bar recouvert de miroirs complète le tableau.

C’est ici que la compagnie « Rêvolution » a élu domicile fin 2016, après de longs travaux. Mais le plus intéressant se cache derrière la vitre de « l’aquarium », à travers les rideaux noirs : dans la grande salle voisine, une dizaine de jeunes danseurs répète une chorégraphie au son rythmé des enceintes. A l’étage, Anthony Egéa nous reçoit sous les toits, dans une petite pièce à côté des bureaux :

« La compagnie Rêvolution a été créée en 1991, elle fonctionne vraiment depuis 1995. A l’origine, il s’agissait d’un collectif de danseurs hip hop, dont je faisais partie, et que j’ai par la suite pris en main. En associant « rêve » à « évolution », on entend amener le hip hop là où personne ne l’attend et proposer des choses différentes, atypiques. Confronter le hip hop aux autres esthétiques de danse, au théâtre, aux nouvelles technologies… La spécificité de la compagnie « Rêvolution » est liée à mon parcours personnel, celui d’un danseur de hip hop tombé amoureux de la danse classique et académique. Un métissage des techniques en quelque sorte, car le hip hop est très ancré dans le sol tandis que la danse classique s’élève, offre une maîtrise de l’espace aérien. L’idée était de devenir des danseurs uniques, à la fois capables de sauter dans les airs et d’évoluer au sol. C’est la rencontre du ciel et de la terre : la propreté, la précision et la rigueur de la danse classique se superposent à l’énergie du hip hop. »

« Je me suis formé dans des écoles à Cannes et à New York avec la bourse chorégraphique du ministère de la culture et la bourse Lavoisier du ministère des affaires étrangères. Quand je suis revenu en France, les chorégraphies que je cherchais à mettre en scène nécessitaient des danseurs polyvalents ; or, ils n’existaient pas à l’époque. C’est pour cela que j’ai créé le centre de formation « Rêvolution », qui recrute des danseurs hip hop de haut niveau et les sensibilise à la danse classique, jazz, contemporaine. J’essaie d’en faire des artistes, de les mettre face à des plasticiens, des comédiens ; décloisonner le hip hop pour l’ouvrir à tous les champs de la création contemporaine. »

Ensuite, Anthony Egéa puise dans cette pépinière de talents pour monter ses spectacles, en tournée aux quatre coins du globe. Il s’inscrivait dans une programmation nationale, avant d’être repéré lors de plusieurs festivals européens. Les prochaines dates sont prévues à Hong Kong, et d’autres représentations ont déjà eu lieu en Afrique ou au Canada.

Ces projets reçoivent des subventions de la part de la Mairie de Bordeaux, de la région Nouvelle Aquitaine, du Fond social européen, du Département de la Gironde, d’Aquitaine Active, et la compagnie est même conventionnée par le ministère de la culture, un signe prestigieux de reconnaissance. Selon le chorégraphe, avoir un lieu dédié permet d’élargir davantage les perspectives, il donne un cadre pour organiser de nombreux événements.

Le Performance, espace aux multiples facettes

Margot Bureau, coordinatrice de l’école des danses, prend alors le relais et rentre dans les détails du Performance, espace aux multiples facettes. Il accueille d’autres groupes, comme une compagnie de La Rochelle qui occupait un étage pendant deux semaines et se produira bientôt pour sa « sortie de résidence ». En dehors des battles de danse et masterclass d’intervenants renommés, des stages pour amateurs y sont organisés, ainsi que des ateliers avec les collèges et lycées, qui s’étendent même aux retraités. Si elle se distingue de la concurrence bordelaise par sa dimension urbaine (afro fusion, dancehall, house…), l’école de danse propose également des cours de classique à destination des enfants, de swing voire de comédie musicale.

Avant le Performance, un ancien bar dansant qu’il a fallu rénover de fond en comble, la compagnie enchaînait les résidences dans divers théâtres, et louait des studios pour les besoins du centre de formation. Depuis le déménagement, tout est beaucoup plus pratique et centralisé. Les locaux sont même parfois prêtés pour des soirées ou collaborations avec de nouveaux acteurs encore en apprentissage. Les afterwork (réunissant un DJ set et des expositions) s’adressent aussi bien aux membres de l’association qu’aux habitants du quartier.

Il est treize heures et les onze élèves du centre de formation sortent de piste pour une pause bien méritée. Hamza vient du Maroc et a découvert le projet grâce à une intervention d’Anthony dans son école. Joey, lui, s’est mis au hip-hop à la mort de Michael Jackson. Il nous égrène une journée type, de 9h à 17h : Les heures de danse classique sont suivies de jazz technique, puis d’exercices de pilates ou d’anatomie.

Les thèmes choisis (amour, féminité, sensualité) peuvent surprendre, d’autant plus que cette classe compte une seule fille parmi dix garçons. C’est cette originalité qui fait le charme de « Rêvolution », et l’on quitte le Performance à reculons, étourdi par l’intensité des gestes de ces artistes en herbe pour qui l’avenir réserve de belles promesses.
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