À l’occasion de la sortie de leur dernier EP, Lost Ghosts Vol. I, rencontre avec une partie du groupe Colision. C’est Simon (guitare / chant et membre fondateur), Romain (batteur) ainsi que Milo (guitare / chant, dernier arrivé dans le groupe) qui nous accordent de leur temps depuis le quartier Saint Michel à Bordeaux, autour d’un thé à la menthe.
Crédit photo : Louis Blaizeau
La parenthèse des possibles
Au départ, 6 titres étaient prévus pour cette sortie. Et puis, mars 2020. Le confinement, la pandémie. Beaucoup de questions pour Colision et leur projet de nouvel EP. Ccomment ? Quand ? Qui ? Pour avancer, ils préfèrent effacer ce qui était enregistré. Puis recommencer. Les nouveaux morceaux composés se transforment alors en témoignage de la vie d’avant, qui dénotent avec l’esthétique du groupe. Une direction nouvelle qu’ils se laissent la possibilité d’explorer, le temps d’un EP. Une parenthèse qu’ils aiment laisser ouverte pour d’autres compositions, des opportunités créées pour ne pas s’enfermer dans un carcan. En attendant le volume 2 ?
L’écriture de Colision est pleine de fougue. Une énergie notamment renouvelée avec l’arrivée de Milo en septembre 2019. Le nom de l’EP qu’ils viennent de sortir, Lost Ghost, est un clin d’œil à « Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts » de M83, beaucoup écouté par Simon, Romain, Milo & JC lors du premier confinement. C’est un EP dont le titre a mûri avec la crise : « Les morceaux que nous avions envie de jouer sur scène, de partager, nous hantaient parce qu’on a dû s’en détacher. Il ne serait pas possible de faire ce qu’on avait imaginé avec il y a un an et demi ». Les morceaux sont plus solaires, plus optimistes que précédemment. Ils reflètent l’état mental, émotionnel du groupe au moment de la création. Une envie d’aller de l’avant, de sortir d’une certaine condition.
Format court et DIY
Le premier EP de Colision, Healing Is Not Linear, était avant tout une carte de visite pour le groupe, avec peu de recettes générées, provoquant un manque de moyens pour cette nouvelle sortie. Plutôt qu’un LP, c’est bien un format court qui sera préféré. Enregistrer un album nécessite en effet beaucoup de temps, et l’arrivée d’un nouveau membre dans le groupe n’est pas toujours le meilleur moment pour se lancer.
Finalement, 3 morceaux seront présents sur l’EP. « On a produit ce qu’on pouvait produire, uniquement, d’où le format court ». Contrairement à Healing Is Not Linear, leur premier EP, pour lequel des cassettes avaient été sorti via le micro label rennais Ideal Crash Lost Ghosts Vol 1 sera auto-produit par le groupe, peu importe le format choisi. S’associer avec un label se fera peut-être dans le futur – pour la sortie d’un album par exemple. Pour l’instant, l’autoproduction permet au groupe d’enchaîner, de ne pas être dans l’attente d’une opportunité qui n’arrivera peut-être jamais : « C’est quelque chose qui nous tient à cœur, ne pas griller les étapes pour avancer à notre rythme. Faire ça tout seul parce que c’est important, pour nous et pour celles et ceux qui nous écoutent ».
Pour le moment sont privilégiées les collaborations avec des gens de confiance qui gravitent autour du groupe, et qui cultivent comme eux un esprit DIY. Aux côtés de Colision, on retrouve ainsi Cyrille Gachet (Year Of No Light / Fange…) pour l’enregistrement, Clara & Oyhan au montage et à l’étalonnage du clip d’« Hell Will Wait », ou encore le collectif Visible Visible pour le graphisme : « On peut faire des dédicaces à tout le monde, des potes pour un projet commun, c’est trop cool, ça donne du courage, ça fait plaisir de voir qu’il y a des gens qui donne de leur temps ».
Illustration et sentiments
La pochette de l’EP est une Illustration de Rachel, tatoueuse de Rennes, pour laquelle Simon a eu un gros coup de cœur. Il l’a d’ailleurs tatoué maintenant sur le bras. Initialement issue d’un diptyque, seule cette image sera utilisée pour la pochette – la seconde est une main de squelette avec un cœur sur la main (que le cousin de Simon a tatoué !).
Healing Is Not Linear avait une pochette avec une photographie et était le résultat d’un besoin d’extérioriser nécessaire et impossible à exprimer sous aucune autre forme. La différence avec cet EP illustré marque encore un peu plus cette parenthèse que le groupe a voulu ouvrir durant Lost Ghosts, comme ils le disent eux-même. « Les morceaux racontent le combat du quotidien, contre sa condition, avoir la volonté de se dire que ça va aller mieux, de faire des choses, essayer d’être plus ouverts aux sentiments ». Une écriture différente du premier EP de laquelle se dégage davantage d’optimisme, de lumière. Après avoir extériorisé, le quatuor prend ainsi conscience qu’il s’est beaucoup ouvert, et qu’une forme de naïveté, non intentionnelle mais assumée se dessine alors dans cet EP pour se tourner vers l’avenir.
En général, sur le plan de la création, Simon propose quelque chose au groupe, une démo, parce qu’il a souvent sa guitare avec lui et enregistre toujours plein de choses. Si les 3 autres sont conquis, la maquette est étoffée par chacun des membres jusqu’à en faire un morceau. Même si Simon est souvent le point de départ, l’émotion qu’il fait passer, ses intentions sont autant de sources d’inspirations pour Milo, Jean-Charles et Romain ; une base solide dans laquelle chacun se retrouve pour avancer de concert.
Les morceaux de l’EP décortiqués
- Hell Will Wait
« Hell Will Wait » ouvre l’EP et a aussi un clip ! Réalisé par les gars dans des lieux chaleureux qui leurs sont chers comme leur salle de répète, les quais de Bordeaux, leur ville d’enfance, lors d’un week-end chez les parents avec les réconfortantes réminiscences du passé que ça procure, la vidéo à la belle esthétique nineties a été tourné avec des caméras d’une vingtaine d’année, sur un an et demi. Des images brutes sans édit qui appuient la sincérité et l’authenticité souhaitée par les quatre musiciens. « Hell Will Wait » ne raconte pas d’histoire mais une réalité dans laquelle il y a encore plein de choses à faire maintenant avant de penser à la suite.
- Swim
Le morceau « Swim » est un combat contre le passé. Il évoque une cohabitation avec un syndrome d’imposteur. Celui qui empêche d’avancer, de se lancer, de donner le meilleur de soi-même. Cette partie de soi qui voudrait couler pendant que l’autre lutte pour continuer à nager. Au fil du morceau, on alterne constamment entre moments difficiles et moments plus calmes.
- Slave
Terminant l’EP, le titre « Slave » est un morceau qui a été rédigé en écriture automatique ; un moment où le cœur parle sans être régi par le cerveau. Écrit il y a deux ans initialement pour une fille, il a pris un tout nouveau sens à l’aune de la pandémie, puisqu’il a fallu redéfinir son quotidien, sans connexion à autrui. « Parfois c’est nécessaire de se prendre des claques pour mieux se réveiller. C’est une grosse chanson de loser, « Slave », en fait » indique le groupe.