ORCA de Nicolas Daubanes : élan de survivance aux Glacières

Baptisée en référence au navire des Dents de la mer (tirant lui-même son nom du film éponyme de Michael Anderson), l’exposition ORCA investit l’espace des Glacières à Caudéran jusqu’au 4 décembre. Cette œuvre in situ, que l’on doit à l’artiste Nicolas Daubanes, questionne le dépassement des privations de liberté que le hasard place dans un contexte concomitant. Le commissariat d’exposition est assuré par l’association Föhn, dont Elise Girardot se fait ici la représentante. Malgré les conditions sanitaires, il est toujours possible de visiter l’espace sur rendez-vous, ou de s’y rendre librement du 30 novembre au 4 décembre.

Crédit photos : Emma Blanchard

Anecdote de « survivance »

Dans un amas d’histoires dont l’origine inconnue les élève au rang de fantasme, il y a parfois de quoi trouver l’inspiration. C’est l’une d’entre elles que Nicolas Daubanes s’était noté dans un coin de la tête, sûr d’un jour en traiter le propos. Il aura fallu attendre la proposition d’Élise Girardot, commissaire d’exposition indépendante, pour voir l’essence de cette histoire se matérialiser dans une œuvre de l’artiste. L’anecdote en question, c’est celle de l’évasion d’un prisonnier, profitant de ce que le vent avait émoussé les contours acérés du barbelé pour passer à travers. L’effort du prisonnier, guidé par un insatiable besoin de liberté jusqu’alors suspendue, fait preuve de ce que Nicolas Daubanes appelle « la survivance ». Comment réagissons-nous face à l’enfermement, la privation de liberté ou sa contrainte ? Tel est le questionnement de l’artiste, déployé depuis septembre dans l’espace peu conventionnel des Glacières, à Bordeaux Caudéran.

Chemin de ronde allégorique

Peu conventionnel pour les habitués des formes muséales, mais en adéquation certaine avec le travail de Nicolas Daubanes. L’ancien entrepôt jouit en effet d’une particularité architecturale puisqu’il abrite une serre en son sein, investie par un cabinet d’architectes, créant le même principe d’imbrication que dans la structure des prisons. L’espace restant autour de la serre, pour persévérer dans la comparaison carcérale, rappelle ainsi les chemins de ronde empruntés par les gardiens.

C’est précisément ce qui permet à l’artiste d’exploiter cette surface sans appréhension – une exploitation soutenue par une dimension collaborative aux divers aspects. Il y a, bien sûr, l’association de la commissaire et de l’artiste, mais aussi un dialogue avec deux des architectes travaillant dans la serre, ainsi qu’une intervention d’étudiant.es en médiation, régie et communication. Cet esprit collaboratif a peaufiné un travail de l’espace hors du commun, valorisant la recherche artistique de Nicolas Daubanes et permettant une prise de liberté propice à l’expérimentation.

Exposition laboratoire

Si la limaille de fer est un matériau indissociable du travail de Nicolas Daubanes, le concertina (autre nom du barbelé) n’y avait encore jamais trouvé sa place. Rares sont les objets qui croulent autant sous la lourdeur de leur connotation pénitentiaire, conférant à son emploi par l’artiste une évidence presque trop limpide. C’est sans nul doute la raison pour laquelle Nicolas Daubanes ne l’exploite qu’aujourd’hui, après des années de recherches autour des formes d’enfermement. Aux Glacières, dans cet espace particulier et en référence à la source d’inspiration, le concertina a une place légitime, réfléchie et expérimentale. Tourné à la verticale et soumis à l’effet d’un ventilateur, le matériau pourrait connaître le même sort que celui qui a permis au prisonnier de s’échapper. Une attirance paradoxale envahit alors le visiteur, le poussant à s’en approcher malgré une apparente dangerosité.

Cette exposition a généré le désir de pousser plus loin les curseurs activés ici.

Poudre produite à partir de barreaux de fer limés, la limaille qui en résulte entretient avec l’univers carcéral un lien étroit. La technique de dessin à partir de ce matériau, tantôt sur papier, tantôt incrustée dans le verre, est propre à Nicolas Daubanes, pionnier en la matière. Exposés aux Glacières pour illustrer le travail de l’artiste dans son entièreté, ses dessins font également l’objet d’une expérimentation. Pour la première fois disposés en extérieur, dans le patio du bâtiment, les dessins voient leurs couleurs muter peu à peu vers le rouge et le marron, modelées par les intempéries. Ces nouveautés dans le travail de l’artiste traduisent une certaine liberté d’expérimentation, attribuant à l’exposition une atmosphère d’atelier. Selon l’artiste, l’expérience d’atelier semble concluante puisque « cette exposition a généré le désir de pousser plus loin les curseurs activés ici ».

Le développement de nouvelles recherches se plaçant au centre des préoccupations des acteurs de l’art, l’œuvre de Nicolas Daubanes apporte avec succès son lot de questionnements, tant pour l’artiste que pour le visiteur. Face à la violence de l’enfermement, dont chacun peut désormais témoigner, il n’est pas question de trouver une méthode ou un comportement unique à adopter. Il s’agit d’abord de poser un regard sur ce qui est, dans ses formes les plus diverses. Un regard qu’applique avec acuité Nicolas Daubanes, le long de sa quête artistique autour des privations de liberté et de son dépassement.
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  • Les Glacières : 121 Avenue Alsace Lorraine 33200 Bordeaux
  • Prendre rendez-vous
  • Visites libres du 30 novembre au 4 décembre
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