Odezenne : 1200 mètres en tout, liberté de haut vol

De retour avec 1200 mètres en tout, Odezenne vient de sortir son album le plus abouti. Entretien entre deux dates de tournée. 

« Désolé, ça ne capte pas bien » lâche Jaco au téléphone. Sur la route direction Lyon après un concert à Lille, le parolier d’Odezenne tente de répondre à nos questions malgré les bruits de la route et le brouhaha de l’équipe du Odezenne tour, dont la tournée a déjà débuté. On vous avouera que ce ne sont pas les meilleures conditions pour faire une interview. Mais même si on est un peu frustrés de ne pas pouvoir poser nos questions comme on voudrait, on se dit qu’il faut savoir s’adapter à la situation, prendre du recul, et qu’on est quand même content d’avoir pu discuter un peu avec eux.

C’est d’ailleurs une des petites leçons de vie à tirer du dernier album d’Odezenne, 1200 mètres en tout : savoir prendre de la hauteur, se rendre compte que parfois « on se bat avec des mouches » comme le dit Jaco dans le morceau « Pablo », et savoir apprécier les petits plaisirs de la vie, comme ceux décrits dans « Mamour ». Un morceau chanté sous autotune par ailleurs, une première pour le groupe, qui montre bien l’idée que le trio est allé plus loin et s’est senti plus libre que jamais dans la création de l’album. 

Liberté totale

Une liberté illustrée par le mélange des genres musicaux que l’on peut trouver sur 1200 mètres en tout  : on y entend des titres électro (l’entraînant « Bitch »), des morceaux trap (le rafraîchissant « Regarde si c’est loin »), ou encore de la chanson française (le très gainsbourien « San Pellegrino »). Le tout est parfaitement orchestré par les claviers du compositeur Mattia, et mis en valeur par le mixage de Bertrand Fessel (qui a l’habitude de travailler avec Philippe Katerine ou encore Feu! Chatterton), et le mastering d’Antoine Chabert (notamment connu pour son travail avec les Daft Punk). Résultat ? Sans doute le meilleur album d’Odezenne, ou en tout cas celui où le trio pense avoir enfin trouvé sa formule musicale définitive (« c’est l’album où on n’a eu le moins de doute et le moins de regrets » dixit Jaco). 

Cette liberté, on la retrouve rien que dans le tracklisting : en effet, l’album commence par « Mr Fétis », un morceau de 6 minutes 46, au rythme lancinant, avec notamment un long solo de synthé de Mattia de plus de deux minutes en fin de morceau. Un titre que n’importe quel D.A de label aurait conseillé de jeter, ou au pire de mettre en outro, mais que le trio a préféré mettre en intro, comme la preuve ultime qu’ils en ont peu rien à faire des codes de l’industrie musicale, à l’heure des morceaux de moins de 2 minutes 30 aux refrain catchy, formatés pour être sûrs d’être playlistés sur les plateformes de streaming ou de passer en radio. 

Hommage et intimité

Cette liberté, on la trouve également dans les thèmes abordés. Car prendre de la hauteur jusqu’à 1200 mètres en tout, c’est aussi accepter les variations d’altitude, qui peuvent parfois amener au degré zéro. Comme quand un proche part, à l’image de la sœur d’Alix, Priska, décédée d’un cancer pendant la conception de l’album, à qui ils rendent un vibrant hommage dans les morceaux « Caprices » et « Vu d’ici », dont le clip met en scène la jeune femme, ancienne danseuse professionnelle, en train de danser et célébrer la vie, alors qu’elle est en rémission.

Un sujet intime abordé frontalement, ce qui est assez inédit pour le groupe, mais qui est accueilli avec bienveillance par le public (« on le prend comme un bel hommage. Ça nous permet d’être avec elle »). Autre illustration de la liberté prônée par Odezenne, Jaco nous confie que le duo de paroliers s’est également affranchi de quelques contraintes dans leur processus d’écriture : alors qu’ils s’étaient astreint à écrire leurs textes à deux sur un Google Doc commun sur leur précédent album Au Baccara, cette fois-ci, ils ont décidé de ne pas se l’imposer à nouveau, mais plutôt de laisser cours à leurs envies, parfois en solo, parfois en duo. Au final ? Des textes abstraits, qui virent parfois à l’absurde, mais qui restent pleins de poésie, toujours.

Indépendance et transmission

Être libre, enfin, c’est pouvoir s’autoproduire : alors que cette nouvelle galette a été réalisée comme d’habitude dans le sous-sol de l’appart’ de Jaco situé rue de la Concorde à Bordeaux, le trio a décidé d’investir pour créer un studio dans le quartier des Capucins. « On y trouvera un studio, une cuisine, une salle à manger, des chambres, un dortoir, des salles de bain. Il reste plus que la partie résidence à finir » détaille Jaco. « On va pouvoir faire du son h24. Et le louer à des gens qui veulent en faire ».

Pour des artistes signés sur leur label Universeul par exemple ? « On aimerait signer quelqu’un en 2023. Mais pour l’instant, on garde ça secret… La chance qu’on n’a pas eu, on veut la donner aux autres ». En attendant, direction Lyon pour l’équipe du Odezenne tour, en espérant pour eux qu’ils ne rencontrent aucun problème sur la route. Dans tous les cas, ils sauront quoi faire : prendre de la hauteur. 

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