Le collectif Kongo Astronauts investit Mérignac en octobre pour une semaine de rencontres mêlant les pratiques et visant à dessiner divers futurs possibles pour le continent africain.
Crédit photos : Kongo Astronauts, courtesy Axis Gallery, New York
Du 3 au 8 octobre, l’Institut des Afriques s’associe avec Cap Sciences dans le cadre de la Semaine de l’Espace, autour d’un programme pluridisciplinaire. Axé autour du concept d’écologie décoloniale, ces rencontres mobilisent le collectif de Kinshasa Kongo Astronauts. Alertant sur les conséquences des pratiques occidentales passées et futures tout en créant des œuvres intemporelles et indestructibles, le collectif regroupe des artistes prêt·es à inventer « un avenir commun et susciter des pensées de résistance et de renouvellement. »
L’impact écologique de la colonisation
L’ère du digital ne cesse de repousser les limites de la technologie. Smartphones et gadgets numériques sont de plus en plus performants et envahissent les marchés occidentaux. Mais à quel prix ces appareils sont-ils conçus ? À travers le projet artistique de Kongo Astronauts basé à Kinshasa, Michel Ekeba et Eléonore Hellio dénoncent les impacts d’une dure réalité sur le continent africain.
Au Congo par exemple, plusieurs multinationales profitent aujourd’hui des ressources naturelles du pays (coltan, cobalt, zinc, or, etc.) et ont tendance à minimiser l’impact écologique, économique et social de ces pratiques. Pourtant, la société congolaise fait face à une réelle crise environnementale qui freine le développement durable du pays. C’est dans ce cadre que les performances du collectif Kongo Astronauts s’inscrivent, avec pour but de sensibiliser le public sur le désastre en cours, et ce depuis plusieurs décennies.
La République Démocratique du Congo et l’exploitation de ses ressources naturelles
La République Démocratique du Congo n’est malheureusement pas une exception dès lors qu’on évoque les impacts néfastes de la colonisation sur les sociétés africaines ; plusieurs pays sont ainsi victimes de la surexploitation de leur propre sol, compte tenu de leur richesse. Si le pays joue un rôle majeur dans les développements technologiques internationaux grâce à la qualité de ses sols, la RDC ne bénéficie paradoxalement par des effets positifs de cette abondance.
Avec une tenue d’astronaute inspirant le voyage et la découverte, Michel Ekeba et Eléonore Hellior du collectif Kongo Astronauts jouent ironiquement sur la fourberie des pays occidentaux. Vêtu·es d’un costume conçu à partir de déchets électroniques, les deux artistes mettent en lumière l’hypocrisie de ces pays colonisateurs. Une œuvre et une démarche à mettre en perspective avec la situation actuelle qui voit un continent entier accueillir difficilement les personnes issues de pays africains mais qui continue d’exploiter les ressources naturelles du continent africain, notamment en République Démocratique du Congo. Le message est clair de Kongo Astronauts est ainsi clair : dénoncer les abus, environnementaux et sociaux que subissent leur pays.
Un regard nouveau sur l’Afrique
Le collectif Kongo Astronauts est particulièrement créatif ; fédérateur et innovant, il rassemble les envies des jeunes générations à travers un prisme avant-gardiste. Il incarne un mouvement inventif et culturel qui dépasse les frontières. On peut constater l’ampleur et la force de ses initiatives par exemple dans le film System K du réalisateur français Renaud Barret, paru en 2019.
Sur le continent africain et au-delà, c’est un véritable mouvement collectif qu’on observe sur ces sujets, à travers toute une diaspora concernée. Ainsi, des personnalités comme Baloji ou Youssoupha, profondément investies dans la promotion et le développement culturel du continent africain – principalement en République Démocratique du Congo – ont par exemple pu collaborer avec Kongo Astronauts. Tous ensemble, chacun·e apporte un regard nouveau sur l’Afrique, sur la jeunesse africaine et plus spécifiquement les Congolais et les Congolaises.
Un programme spatial pluridisciplinaire pour réinventer le futur de l’Afrique
Les performances organisées par Kongo Astronauts du 3 au 8 octobre se dérouleront ainsi entre Bordeaux et Mérignac. Le programme comporte des disciplines variées, entre déambulations, conférences, ateliers créatifs et expositions. Il développe divers aspects grâce à un prisme et une vision afrofuturiste collective.
C’est depuis le 18 septembre que les deux membres du collectif Kongo Astronauts sont en résidence de création de costumes à partir des déchets électroniques à Mérignac. Suite à cette dernière, les deux artistes proposeront trois ateliers scolaires dans le but de créer un masque, avec le même procédé.
Cette initiative aussi engagée qu’originale veut sensibiliser le jeune public au développement durable et les conséquences de déchets lourds dans la nature. À partir du mardi 3 octobre – et jusqu’au 8 octobre -, le vernissage de l’exposition photographique After Schengen illustre la vision des deux artistes à la Médiathèque de Mérignac. Michel Ekeba et Eléonore Hellio seront présent·es pour échanger et développer leur méthode artistique pour réagir face au désastre écologique actuel.
Conférence sur l’afrofuturisme et déambulation cosmique
Le jeudi 5 octobre, une conférence sur l’afrofuturisme aura lieu au Musée d’Aquitaine, en présence de Michel Ekeba, des membres de l’Institut des Afriques, Elara Bertho, chercheuse LAM/CNRS et Émile Guitard, chercheur au laboratoire PRODIG/ CNRS. Organisée par Sciences Po Bordeaux, ce séminaire soulève plusieurs questions sur « les Afriques dans le monde ». L’occasion de comprendre les enjeux liés à l’Afrofuturisme en tant que concept polyvalent et de plus en plus revendiqué par les artistes. Une façon de s’interroger sur le rôle politique des utopies spéculatives et sur les liens entre science-fiction, création artistique et communautés imaginées.
Pour clôturer ce programme riche, le dimanche 8 octobre, Michel Ekeba performera Astronauts sur le parvis de la Médiathèque de Mérignac. L’astronaute circulera entre le public pour que celui-ci évalue l’ampleur des dégâts liés aux méfaits dénoncés. Lors de cette réalisation, l’art laissera place à la réflexion et au questionnement collectif : quelle est la place de l’être humain dans l’espace ? Quelle est la place des déchets dans le quotidien ? Quelle est la place du profit face à la planète ? Tant de questions sans réponses, incarnées par ce personnage astronomiquement imposant et extraordinaire.
En somme, le collectif Kongo Astronauts interroge le futur en regardant le passé. Après des années de souffrance et d’emprise liées à la colonisation, le collectif réécrit une histoire dont le profit est à sens unique. L’afrofuturisme offre une grille de lecture en mesure d’imaginer la reconstruction du continent africain et des Africain·es. Visionnaire mais réaliste, le concept interroge nos modes de vie actuels, notamment la surproduction et surconsommation d’appareil électroniques. Le collectif Kongo Astronauts réinvente le futur en mêlant l’art à l’engagement environnemental et social.