Interview (sauvage) : Agar Agar

« Come on dance with me… ». C’était le 20 juillet, l’Almanach de la Caserne Niel proposait un plan à cinq tout en douceur. Entre la tendresse des mecs de Ménage à Trois et la synth-pop d’Agar Agar, Cracki Records avait exactement de quoi enflammer le ciel. L’atmosphère intimiste due à la proximité de la scène intimide autant qu’elle séduit. On est jamais aussi près des artistes. Être propulsé ainsi aux confins de leur musique, toucher des yeux les micros et sentir les voix aux creux de l’oreille, ça marque. On était bien au calme, entre skate, musique et graff. C’est ça l’esprit Darwin. Dans cette ambiance sauvage, on est allé taper la discute avec le duo Agar Agar, entre deux murs.

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Quelle émotion traduit la pochette de The Prettiest Virgin ?

Armand : Elle a été réalisée par le collectif GRODUK & BOUCAR ! J’adore ce qu’elles font. C’était vraiment une évidence pour moi.

Clara : Elles correspondent à notre esthétique, on ressent les même choses. Elles font beaucoup de sérigraphie, de peinture… Elles arrivent à visualiser nos émotions.

Armand : Tout à fait. C’est magnifique. Elles comprennent notre musique et elles peuvent aller là où on les emmène.

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« Prettiest Virgin » est une chanson très forte. Et son visuel y joue beaucoup. Pour moi ce sont deux éléments qui entrent en corrélation !

Clara :  On est au beaux arts. Du coup, on a un vrai intérêt esthétique. C’est vraiment essentiel pour nous.

Armand :  Les beaux arts… C’est ma relation la plus compliqué (rires) ! Pour revenir à GRODUK & BOUCAR, elles ont réalisé la pochette de notre EP. C’est différent, c’est plus complexe.

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Comment vous expliquez l’alchimie qu’on ressent avec « Prettiest Virgin » ?

Clara : On a vraiment était surpris de l’accueil qu’elle a reçue !

Armand :  « Prettiest Virgin », c’est le lien entre Clara et moi. C’est un peu le même fonctionnement que la terre. Quand on a commencé à bosser ensemble, on a débuté par la couche argileuse qui sont les synthés bien gras, puis de rajouter la voix, qui est l’humus, la matière…

Clara : C’est comme si tu avais deux objets, deux membres qui ont besoin de scinder ensemble, et « Prettiest Virgin », c’est ce qui nous unit. C’est deux personnes qui font de la musique ensemble, qui improvisent et il se passe quelque chose… C’est une fusion.

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Le clip a une esthétique particulière. Entre Virgin Suicide (Sofia Coppola) et Carrie (Brian de Palma). On navigue dans un univers très orchestré et l’histoire du clip rappelle ces deux films. C’est un clin d’œil ?

Clara : Quand on a sorti la démo, on n’avait pas encore de label, on faisait ça tous les deux à l’arrache. J’avais fait un montage sur Carrie. On est très influencé par le cinéma et De Palma c’est un de mes cinéastes préférés. C’est une chanson qui parle de l’Amérique profonde. D’un bal de promo sordide au fin fond d’une ville. J’ai vécu la bas quand j’avais 15 ans et ça m’a profondément marqué. Du coup, tu te retrouves dans des situations, où tu dois choisir une robe trois semaines avant un bal. C’est complètement aux antipodes d’une culture française. Le clip est vraiment bercé par l’univers des teen movies. Il y a donc un côté très second degré dans le clip. C’est l’histoire d’une fille qui a envie de se faire dépuceler a 15 ans. Il y une approche candide du sexe que ce soit dans Virgin Suicide ou dans « Prettiest Virgin ».

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https://www.youtube.com/watch?v=Sd2juazQPto

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Votre rencontre, c’était comment ?

Clara : On est dans la même classe. C’est vraiment un mécanisme naturel de jouer ensemble. Dans notre école tout le monde fait du son, Armand joue avec d’autres gens, moi j’ai un groupe de garage…

Armand : Il y a une vraie interaction musicale autour de nous.

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Vous avez des projets chacun de votre côté. C’est important pour vous d’être actif musicalement ?

Armand : On ne pourrait pas uniquement se contenter de bosser sur Agar Agar. On n’a pas du tout les mêmes influences. On a écouté des choses différentes pendant notre adolescence, on s’est créé notre propre culture. Ce n’est pas très éloigné mais on a besoin de gérer ça de notre côté.

Clara : On est un duo qui s’enrichit l’un l’autre, justement car nos univers d’origine divergent. Ça ressemble à nos deux univers mais c’est à l’opposé de ce que l’on produit individuellement.

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Vous êtes tous les deux des enfants du conservatoire. Est-ce que c’est important pour un musicien d’avoir ce bagage ?

En choeur : Non. On est des enfants avortés du conservatoire à vrai dire.

Clara : Je revendique le fait que non !

Armand : À un moment donné, tu ressens le besoin de faire autre chose. Pour moi, le conservatoire c’est une rencontre avec un prof. Rencontre qui a été fondamentale dans ma manière de faire de la musique aujourd’hui et je crois bien pour toujours. À part ce genre de rencontre qui te tire vers le haut, je ne pense pas que le conservatoire soit nécessaire. Surtout qu’à l’heure actuelle, c’est une institution très lourde, qui est ancrée dans une certaine vision de la musique, très académique …

Clara :  C’est comme rejeté la spontanéité. Tu ne peux pas improviser, tu es obligé d’avoir une partition devant toi et c’est dommage. Tu fais de la musique, mais tu ne la ressens pas, tu ne la crées pas..;

Armand : Il y a un fil conducteur qui veut que tu maîtrises les grands classiques et que tu connaisses l’orchestration avant de pouvoir composer de la musique. Mais malheureusement, en France, on s’imagine qu’être un musicien non érudit c’est faire de la musique de basse classe qui plaira à une masse. C’est très caricatural, j’en suis conscient mais c’est une idée qui existe. Il y a une certaine forme de tabou en France. Être musicien, c’est avoir fait du solfège.

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Photo par Maryieh.

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