Après un an et demi de travaux, menés par l’architecte Christophe Hutin, le Glob Théâtre a rouvert ses portes le 1er février. Retour sur les enjeux de cette rénovation, à partir des propos de l’architecte, et sur la vie du théâtre pendant cette période.
À l’origine de ces travaux, se trouve notamment la nécessité de rénover un théâtre plus aux normes, et d’augmenter sa jauge de places assises — celle-ci passant de 114 à 194. De l’agrandissement du plateau à la surélévation du toit, en passant par une amélioration de la visibilité et de l’acoustique pour le public, ou la création de loges aux normes pour les artistes, aucun recoin du théâtre n’a été laissé de côté.
Optimisation technique
Une des lignes directrices de la rénovation a été l’optimisation technique du lieu. Celle-ci se manifeste, d’abord, dans le nouvel aspect extérieur du Glob. Christophe Hutin a fait le choix d’une tôle ondulée pour re-costumer le bâtiment, ce qui répond à des enjeux techniques donc, puisque ce matériau est connu pour sa solidité et sa légèreté. À cela s’ajoute tout de même un enjeu esthétique, à savoir privilégier une beauté du matériau, à laquelle participe le choix de la couleur orange, vectrice de joie, de convivialité, qui tranche quelque peu avec la monotonie chromatique des maisons alentour.
Aussi, pour penser une meilleure adaptabilité technique à l’intérieur du théâtre, Christophe Hutin a travaillé de concert avec les premières personnes concernées, possédant une pratique concrète du lieu, soit le directeur technique du Glob, Jean-François Ciutat, et les régisseurs. De là, par exemple, a été imaginé et créé un pont roulant en hauteur, comme une passerelle, qui servira une installation plus simple et sécurisée des lumières et du son. Selon l’architecte, cette nouveauté multiplie les enjeux : pratiques, écologiques également, puisqu’elle permet de ne plus utiliser d’engins à moteurs, mais aussi artistiques. En effet, étendre les possibilités scéniques signifie élargir le champ des artistes et compagnies pouvant être accueillis au théâtre.
Précisons que le façonnement de cette passerelle s’est inspiré de l’ancien pont roulant de la scierie qu’était à l’origine le bâtiment, avant qu’il ne devienne un théâtre dans les années 1990. Ce geste même dit quelque chose des intentions de l’architecte…
Je pars du principe que les bâtiments les plus écologiques sont ceux qui existent déjà.
Christophe Hutin
Composer avec le passé
En effet, il était essentiel, pour Christophe Hutin, de « ne pas tout détruire, ne pas faire table rase », de « ne pas abîmer l’histoire du lieu. » En creux, se lit l’idée de faire du Glob un véritable palimpseste, où l’on compose avec les histoires inscrites dans sa pierre pour mieux en écrire d’autres. Par exemple, si des améliorations en termes d’isolation y ont été réalisées, l’espace bar dans le hall d’entrée et la mezzanine, qui ont toujours fait l’âme des soirées théâtrales, ont été maintenus en l’état. De même, à l’arrière, l’extension métallique a été construite sur la base du hangar industriel préexistant.
Il s’agit ainsi de ne pas effacer la référentialité du lieu, non seulement celle de ses années théâtrales, mais aussi celle de son passé ouvrier. Christophe Hutin a respecté, voire fait ressurgir ce passé, en laissant, par exemple, les briques apparentes dans le hall, et, à défaut de pouvoir conserver l’immense cheminée de la scierie, certaines de ses pierres sont venues se loger sur un mur du hall.
Aussi, pour l’architecte, composer avec le passé signifierait mieux se tourner vers l’avenir. Il explique ainsi « part[ir] du principe que les bâtiments les plus écologiques sont ceux qui existent déjà ». En effet, il ne s’agit plus, dans ce cas, d’une logique de destruction-construction, mais plutôt de réadaptation, de transformation. Ce qui, par là même, nécessite moins de moyens.
Faire théâtre
Pendant un an et demi, la programmation du Glob s’est, quant à elle, adaptée à la période des travaux, afin de ne pas perdre le lien avec le public ni l’activité du théâtre au sein de son quartier. S’est alors opérée une sorte de mise en abyme, dans le sens où la réalité du lieu théâtral s’est faite matière à création artistique.
Par exemple, des projets se sont conçus autour du « geste ouvrier » : la Cie Sylex, compagnie de danse portée par la chorégraphe Sylvie Balestra, a observé et enregistré les ouvrier·es à l’œuvre lors des travaux, pour nourrir sa prochaine création, dont la première aura lieu sur la scène du Glob flambant neuf le 6 avril 2023. Aussi, une Glob Box, soit un « container artistique », a été installée en face du théâtre, et une partie était réservée à l’accueil de compagnies et d’artistes. Cet espace leur était offert pour créer des œuvres en lien avec le quartier.
Ainsi, l’espace référentiel du lieu – un théâtre en travaux, ou bien plus largement, un théâtre ancré dans son quartier, matérialisé par cette Glob Box – est devenu une contrainte de création artistique, voire une large influence dans la composition de l’espace fictionnel d’une œuvre à venir. Comme une exploration incessante des manières de faire théâtre, y compris lorsque les murs font défaut…
Dans la même idée, Christophe Hutin et l’équipe du théâtre ont souhaité renforcer l’espace polymorphe qu’est le Glob, à la fois lieu de représentation et espace de création accessible au public. En effet, la nouvelle configuration architecturale prévoit un gradin haut qui servira de point d’observation pour les curieux·ses sur les répétitions des artistes au plateau, sans les interrompre. Ainsi, les portes de l’atelier seront toujours ouvertes pour faire du théâtre un véritable « lieu de vie », où se brouille aisément la frontière entre la scène et la salle, où se dévoile comment on fait théâtre.
Prochains rendez-vous :
- Le lancement de la saison en-les-murs se fera le 21 février, avec pour première proposition, Laughton de la Cie Entre les gouttes, une création jeunes publics.
- Toute la programmation à venir est disponible sur le site du Glob.
- Source : Entretien de Christophe Hutin, réalisé en janvier 2023 – Dossier de presse.