Une installation vidéo pour documenter la forêt expérimentale de Floirac

Le campus de Talence accueille la forêt expérimentale de Floirac jusqu’au 21 décembre grâce à une installation audiovisuelle de l’artiste Olivier Crouzel. L’occasion de se pencher plus en détail sur ce projet qui mêle culture, science et écologie, visant à analyser la résilience des forêts urbaines face au changement climatique.

À Floirac se trouve un laboratoire en plein air, autour d’un ancien observatoire, en pleine forêt. Celle-ci est désormais expérimentale, fourmillant d’activités. Pendant dix ans, des études vont y être menées pour interroger la résilience des forêts urbaines face au changement climatique. Des mesures sur la santé environnementale et le bien-être citoyen seront aussi effectuées. Véritable lieu de recherche et d’enseignement universitaire, cette forêt expérimentale s’envisage comme un lieu d’ouverture et de sensibilisation. Plusieurs actions culturelles y sont prévues pour diffuser et alerter le grand public sur l’évolution de cet écosystème. Le podcast Chroniques de la forêt expérimentale et l’installation audiovisuelle de l’artiste Olivier Crouzel, visible jusqu’au 21 décembre sont autant d’outils de médiation sur ce projet qui mêle science, culture et écologie.

Une forêt urbaine comme laboratoire à ciel ouvert 

Pour une fois, c’est une dizaine d’hectares verts qui encerclent le béton, et non l’inverse. Autour de l’ancien observatoire de Floirac, se trouve désormais une forêt dite « expérimentale ». Lancé en 2021, ce projet de living lab (site d’expérimentation participatif) a pour but d’observer, décortiquer et analyser la résilience des forêts urbaines face au changement climatique. Et puisque la forêt subit les conséquences du désastre écologique actuel, il est aussi question de mesurer les bénéfices environnementaux et sociétaux de ces espaces verts dans les villes. Bordeaux comme beaucoup d’autres métropoles bénéficie d’un micro-climat plus chaud. Ainsi, l’évolution de ces forêts urbaines est comparée à celle d’autres espaces verts plus excentrés.

Crédits : Université de Bordeaux

Pour ce faire, le projet s’établit sur dix ans. Vingt cinq arbres sont sélectionnés comme « témoins et révélateurs » du temps qui passe. Cette recherche permettrait de lutter contre les îlots de chaleur en ville, de s’adapter aux épisodes de sécheresse à venir et de faciliter l’adaptation à de potentiels incendies. « Le temps de recherche est long, afin de récolter des informations et des mesures fiables pour en tirer les bonnes conclusions » explique Anne Lassègues, responsable de la médiation des sciences et production de culture scientifique au Campus Sciences et Technologies. 

J’avais envie de raconter une histoire, que les gens s’imaginent au côté des chercheur·euses. Qu’ils projettent des images sur ce qu’ils entendent.

Anne Lassègues

Écouter ce qui s’observe 

Comme un cœur condamné dont l’espoir d’un traitement subsiste, la forêt est alors mise sur écoute, balisée, filmée, sondée, explorée, visitée et désormais racontée. Pendant quatre saisons, le service culture de l’Université de Bordeaux composé d’Anne Lassègues, Maxime Traineau et Les mots de mai recueillent les états d’âme des humains qui la traversent et l’étudient. « J’avais envie de raconter une histoire, que les gens s’imaginent au côté des chercheur·euses. Qu’ils projettent des images sur ce qu’ils entendent » raconte Anne Lassègues. Ces Chroniques de la forêt expérimentale se présentent comme un podcast poétique et immersif où l’on écoute au gré des saisons ce qui normalement se voit. Les feuilles qui tombent, le froid qui gèle, la pluie qui complique tout, puis la renaissance du printemps, l’étouffement de l’été. Les humains s’y activent pour étudier ou sublimer une nature changeante : architectes, chercheur·euse, artistes, étudiants.

Crédits : Université de Bordeaux

Les quatre volets de ce podcast rendent accessible une aventure scientifique par un biais culturel. Les voix qui se suivent cheminent vers des explications simplifiées sur fond de Radiohead ou Depeche Mode. On ne sait plus si c’est avec des oreilles humaines que l’on entend tout ça. L’auditeur·ice se trouve désormais à la place des végétaux à surveiller. Chaque épisode est accompagné d’un texte en description de l’écrivaine bordelaise Sophie Poirier. Ils romancent et introduisent les changements qui s’opèrent entre été, automne, hiver et printemps : « Cet élan printanier a donné toute sa gloire aux oiseaux et aux chants poétiques, c’est le temps de la reverdie comme l’appelaient certains poètes anciens. […] Les scientifiques disent tout cela autrement (mais ils écoutent aussi les oiseaux). »

Emmener la forêt sur le campus  

Sur la façade du bâtiment A21 du campus Peixotto à Talence, plusieurs fenêtres sont ouvertes sur des arbres en mouvements. Pourtant, la forêt n’est pas vraiment-là. Autour, il fait nuit, très tard – ou jour, très tôt. Cette installation audio et visuelle est issue du travail d’Olivier Crouzel. Né à Fès dans les années 1970, il vit et travaille désormais à Bordeaux. Son travail consiste la plupart du temps à composer « avec des dispositifs vidéo associés à des paysages, des bâtiments, des objets et des matériaux ». Il s’inscrit ainsi dans la lignée des artistes dont le processus d’observation est primordial avant la création d’une œuvre.

J’avais l’idée de recruter un artiste, parce que via le support artistique les messages sont toujours plus accessibles.

Anne Lassègues

L’artiste bordelais est resté un an en résidence avec l’équipe de recherche, marchant ainsi sur les traces de nombreux protagonistes. « Je voulais partager au grand public ce projet de recherche et expliquer aux citoyens ce qui se passait sur ce lieu. J’avais l’idée de recruter un artiste, parce que via le support artistique les messages sont toujours plus accessibles. » explique Anne Lassègues. « Pour l’instant l’observatoire n’est pas encore accessible au grand public, nous faisons venir la forêt sur le campus pour qu’il puisse donc s’imaginer et s’immerger dans la foret. Les étudiants et le personnel passent devant tous les jours. Le parti pris, c’était de surprendre. »

Crédit @Olivier Crouzel

Olivier Crouzel, lutte contre la disparition

Le plasticien et vidéaste immortalisera ainsi les expériences menées au sein de la forêt urbaine de Floirac en photographiant et procédant à des captations sonores et vidéos. « Il avait des heures et des heures de rush, nous avons donc décidé de le scénariser et d’en faire 25 minutes de vidéo. Ce sont des capsules qui ont une logique au fil des saisons, des mesures effectuées, des équipes sur place… » À écoute de l’épisode « Hiver » des Chroniques de la forêt expérimentale, Olivier Crouzel explique le fil rouge de cette installation à venir. Ce véritable « dialogue poétique » entre lui et ce qui l’entoure. Un vidéo projecteur sera utilisé comme faisceaux lumineux pour prendre des images de nuit des chênes en train de mourir.

Peut-être que son œuvre n’est finalement qu’une lutte contre la disparition – des lieux comme des images, des hommes comme de leurs usages, des traces qu’ils laissent comme des souvenirs qui s’effacent.

Sophie Lapalu, critique d’art, à propos de l’artiste en 2015.

« Je m’intéresse principalement au chêne sur le site. Symboliquement et aussi parce qu’il y en a beaucoup qui meurent. Ils veulent savoir pourquoi. J’aimerais moi aussi le savoir. » exprime-t-il. S’emparant ensuite d’un thérémine numérique, étrange instrument de mesure d’onde, il part lui aussi « faire des expériences scientifiques sur ces arbres». Il réussit ainsi à capter le signal des végétaux et le compare à un battement de cœur. L’instrument le transforme en note : les arbres se mettent à faire de la musique. Olivier Crouzel « observe les chercheur·euses qui eux-même observent la nature ». Il permet à une démarche culturelle et artistique de prolonger une expérimentation scientifique. Il immortalise l’impact du climat sur ces êtres vivants, image un processus humain et expérimental qui se répétera encore sur neuf ans.

  • La Forêt expérimentale s’inscrit dans le cadre du Living lab de l’Université de Bordeaux financé par le projet ACT (Augmented university for Campus and world Transition). Ce projet est mené par plusieurs unités de recherche partenaires : BIOGECO (BIOdiversité, GEnes & COmmunités), ISPA (Interactions Sol Plante Atmosphère), EPOC (Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux) et INRAE nouvelle aquitaine.
  • L’installation audiovisuelle d’Olivier Crouzel est visible de 6h30 à 8h30 et de 17h à 21h sur le bâtiment A21 du campus Peixotto à Talence, et ce jusqu’au 21 décembre.
  • Les Chroniques de la forêt expérimentale sont à écouter ici
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