« Je ne fais pas de la musique très playlist-friendly » : rencontre avec Jon Beige

À l’occasion de la première soirée du collectif Nazar le 14 mai au Lab Room, nous avons pu échanger avec un des artistes programmés : Jon Beige. Il revient sur sa vision éclectique de la musique et sur la construction de son projet musical.

Le Type : tu viens jouer à Bordeaux le 14 mai pour la première soirée du collectif Nazar. C’est ta première à Bordeaux ? Comment s’est faite la connexion avec Nazar ?

Jon Beige : C’est la première fois que je viens à Bordeaux. Nazar, c’est le collectif de ma pote Jade, et c’est elle entre autres qui a organisé cette soirée. C’est une amie depuis longtemps et elle aime ce que je fais, donc elle m’a proposé de venir.

Le Type : quel est ton parcours artistique et comment ton projet Jon Beige s’est-il forgé ?

J’ai toujours fait de la musique. Je suis DJ depuis que j’ai 18 ans. À la base, je faisais de la musique avec un pote, et ça fait maintenant 7 ans que j’évolue en solo. J’ai commencé à sortir ma musique sur le label Evrlst.Inc. Ensuite, j’ai sorti ma musique sur le label Global Warming Records de Malcolm.

Il y a 2 ans encore, je faisais de la musique en parallèle de mes études. J’ai fait 10 ans d’études pour être avocat. Finalement, je me suis dit que je préférais vraiment faire de la musique.

J’ai fait 10 ans d’études pour être avocat. Finalement, je me suis dit que je préférais vraiment faire de la musique.

Jon Beige

Tes morceaux ont des univers très riches, quel est ton processus de création ?

Quand je commence un projet, j’ai toujours une idée de ce que j’ai envie de faire. Je n’ai pas cette angoisse de la page blanche. Une fois qu’il y a le départ de feu, il n’y a plus qu’à mettre du bois. C’est souvent la fin qui est le plus dur. Ce n’est pas difficile d’ajouter plein d’idées dans un projet. Mais faire un truc carré, bien mixé et pas superflu, c’est ça le plus difficile pour moi.

Tu évolues sur des esthétiques très diverses, entre musiques électroniques, rock, hip hop, et tu sembles t’affranchir des étiquettes. Quelles sont tes inspirations (labels, autres artistes…) ?

J’ai du mal à moi-même définir la musique que je fais. Mais je serai curieux de voir quelle étiquette on pourrait me coller. J’aime tout type de musique. Si certains artistes sont très bons pour développer une recette et une identité, moi, je ne saurai pas trop quoi choisir. Ça peut peut-être me jouer des tours, la plupart des gens se disent qu’ils écoutent un artiste, car ils savent très bien à quels types d’émotions s’attendre. C’est vrai que je ne fais pas de la musique très playlist-friendly.

Tes passages sur la webradio Rinse sont-ils une façon de dépasser ces étiquettes justement ? Car on voit que tu t’y aventures sur différents styles (experimental hip-hop, healing music…).

Oui en effet. La radio a été un bon vecteur pour que je puisse m’exprimer de cette façon. J’ai eu la chance de pouvoir être présent sur un nouveau créneau, j’ai passé « Experimental Hip-Hop » et « Healing Music » . J’avais déjà développé cette polyvalence, et c’est probablement chez Rinse que je peux l’exprimer au mieux.

Est-ce que le fait de ne pas être assigné à un genre en particulier peut être un frein pour un artiste ? Notamment quand on sait que les clubs ou les festivals aiment bien classifier ou éditorialiser leurs soirées en fonction d’esthétiques précises…

Je ne sais pas, j’espère que non. Je me suis lancé à 100% depuis peu, j’ai fait quelques événements, mais pas assez pour dire si ça a eu un impact négatif. C’est compliqué quand tu commences, tu es souvent cantonné à faire des sets d’ouverture ou de fermeture. Tu es partagé entre faire quelque chose de big time dès le début ou être plus réglo et faire quelque chose de plus calme. Une façon pour moi de trouver un juste milieu, c’est de prendre la température de l’événement plutôt que de me fier à l’horaire ou je joue. Si j’étais resté dans un domaine limité, je n’aurais pas eu cette liberté-là.

Tu as sorti plusieurs EP sur Global Warming, le label de l’artiste Malcolm : comment qualifier l’univers de ce label et quelle relation entretiens-tu avec lui ?

J’ai connu Malcolm à Nice. C’est de là que je viens, et lui faisait ses études là-bas. On jouait un peu dans les mêmes endroits, on est devenu amis et il a monté son label. On a fait des morceaux ensemble et j’ai sorti la plupart de mes projets dessus. Nous étions donc très proches, on se voit un peu moins aujourd’hui, car il vit à Londres, mais on s’appelle très souvent. Je lui fais écouter tous mes morceaux, c’est vraiment mon “confident musical”. On devrait d’ailleurs jouer tous les 2 à Bordeaux prochainement. On est vraiment très proches tous les 2.

Pour ce qui est du label, c’est difficile à dire. À la base, c’était inspiré de musiques du monde entier. Je pense que Malcolm voulait que ça ressemble à la musique qu’il faisait. Au fur et à mesure, ça a évolué. Maintenant, il y a un peu de tout, par exemple la sortie de Eyes of Other très pop-rock, Ouai Stéphane, des choses plus bass comme ce que je fais ou ce que fait Malcolm. C’est un label multiple. Mais ça reste de la musique que je qualifierai de chaleureuse, ce n’est pas trop expérimental.

Les projets représentent ce que j’ai envie de faire à l’instant T.

Jon Beige

Quels sont tes prochains projets ?

Je vais sortir un EP de 2 morceaux sur le label Record With Attitude de certains anciens de Concrete. J’ai un morceau qui va sortir sur une compilation également. J’aime bien faire des projets cohérents, mais je ne cherche pas forcément de cohérence globale. Les projets représentent ce que j’ai envie de faire à l’instant T.

Tu ne penses pas essayer de te fixer quelques limites à l’avenir ?

Un jour, pourquoi pas. J’ai conscience que c’est plus vendeur et intelligible d’avoir un projet plus homogène. Mais en même temps, même si tu te dis que c’est ce genre de musique que tu aimes faire, tu ne sais pas ce qui peut se passer. Même ceux qui essaient d’avoir cette démarche finissent par changer un peu la nature de leur projet, ou alors ils restent enfermés entre leurs propres limites. J’écoute de tout, je n’ai pas le talent pour faire du rap, j’ai fait un peu de batterie mais ça fait longtemps que je n’y ai pas touché. Mais en vrai, c’est un truc qui pourrait me plaire, même si je ne sais pas quel groupe voudrait bien de moi. Même faire du rap, why not ?

À quoi s’attendre pour la date du 14 mai ? Tu seras en DJ set c’est ça ?

J’ai écouté le groupe qui passe avant moi, Noirset, c’est assez cool d’ailleurs. Je pense essayer de rester dans la continuité de cette vibe un peu cold, EBM, ou électro de Détroit à la Drexciya. On joue dans une galerie d’art, donc je pense pas partir sur quelque chose de trop énervé. Mais je ne sais même pas si je vais préparer quelque chose morceaux par morceaux. Je pense plutôt me faire une sorte de sac de vinyle en mp3 et voir sur le moment ce qui passera le mieux. C’est en voyant le concert que je me ferai une idée précise des morceaux que je pourrai jouer. Mes playlists sont assez bien organisées pour pouvoir improviser un peu.

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