En octobre 2024, les murs du lieu associatif le One Percent vibrent une dernière fois au son des collectifs locaux qui l’investissent régulièrement. Une fermeture annoncée de longue date, qui signe une nouvelle fois la fin de vie d’un espace culturel nocturne festif à Bordeaux.
« C’est la fin ». Le 20 mai dernier, le One Percent annonçait sur Instagram sa fermeture définitive pour le 5 octobre (fermeture finalement décalée à plus tard dans le mois). Ce lieu bien implanté au sein de la scène alternative pour les jeunes bordelais·es a récemment essuyé dégâts des eaux, conflits de voisinage et lourdes procédures administratives. Malgré des initiatives de secours mises en place et de l’organisation de soirées caritatives, le bar associatif ne pourra finalement pas garder ses portes ouvertes.
Le « One », bar emblématique de la jeune scène musicale bordelaise
Le One Percent, ou « One » pour les intimes, a offert une caisse de résonance pour la scène artistique et musicale bordelaise depuis 2017. Ouvert du mercredi au samedi, ce bar associatif situé rue Candale, proche de la place de la Victoire, a vu défiler du monde. Selon Alizée, sa chargée de communication, ses murs ont accueilli « des centaines de collectifs au fil des années ».

Principalement connu pour son lien avec les musiques électroniques, le bar a aussi accueilli des open mics de rap ou encore des lives rock et metal. Au-delà de la musique, les collectifs invitent régulièrement photographes, tatoueur·euses, nail artists ou pierceur·euses. Joyeux bazar, ce mélange de disciplines, de genres musicaux et de champs artistiques ont teinté les ambiances singulières des soirées du One.
Suivant cet objectif revendiqué de valoriser les talents de la scène locale avant tout, le bar a adopté un modèle économique permettant aux artistes de tout horizon d’y être diffusé : « Les artistes ne payent rien. Elles ou ils organisent leurs soirées où ils sont libres de faire leur scéno et leur line-up ; ils ou elles récupèrent toutes les recettes des billets vendus à l’entrée. On ne prend rien pour qu’ils et elles puissent justement se développer et s’agrandir » explique ainsi Alizée. Le bar survivait grâce aux adhésions obligatoires à l’entrée du bar et aux consommations. Un tel fonctionnement représente un véritable tremplin pour les artistes indépendant·es et jeunes talents émergent·es du monde de la musique qui n’ont pas toujours accès aux plus grandes scènes.
« On fait tout pour nous empêcher de vivre »
Malgré le rôle joué par ce lieu à Bordeaux, le sort s’est acharné sur lui ces dernières années, aboutissant à sa fermeture en octobre 2024. C’est un dégât des eaux qui a ouvert l’enchaînement funeste d’évènements. « On a perdu la moitié de notre surface d’exploitation, toute la partie scène n’était plus du tout utilisable » indique Alizée. En raison de difficultés financières préexistantes et inhérentes à son modèle économique, additionné à des problèmes d’assurance, le bar n’a pas pu payer les réparations immédiatement.


Deuxième coup de semonce : un arrêté préfectoral interdisant la vente d’alcool dans le bar après 2 heures du matin. « Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en tant que bar associatif, le seul moment où l’on concurrence vraiment les bars, qui eux ont une terrasse, des happy hours etc., c’est quand ils ferment à partir de 2 heures » explique Alizé. Les conflits latents de voisinage et l’obligation d’acheter un limiteur de décibels a été le coup de trop pour le One Percent. La chargée de communication du lieu poursuit « On ne se sent plus à notre place, on a l’impression qu’on fait tout pour nous empêcher de vivre. Je ne parle pas que du One, mais du secteur associatif nocturne en général. On veut arrêter la culture underground. »
Recherche de solutions
Face à ces aléas, le One Percent avait mis en place des initiatives afin de garder la tête hors de l’eau. Premier réflexe : lancer une cagnotte et faire appel à la générosité des habitué·es du lieu. Les quelques centaines d’euros récoltés n’ont malheureusement pas suffi à relancer les finances du bar. Le 5 janvier 2024, des collectifs de la scène locale (la Souyetek, Noiseplex, Früor, Sun System…) ont investi le bar pour des soirées à titre caritatif. Les entrées sont toutes allées au bénéfice de l’association. Malgré la fermeture actée, un tel élan de soutien envers le bar présage d’un climat de solidarité au sein de la scène électronique locale.
Quant aux conflits avec les voisins et la municipalité, Alizée précise : « On a essayé de lancer tous ensemble des demandes, des lettres à la mairie. On a essayé de communiquer avec eux, on n’a jamais eu de réponse. On s’est réuni·es avec beaucoup d’autres bars associatifs pour créer un collectif qui n’a mené à rien non plus. » Le bar déplore ce manque d’attention aux lieux alternatifs qui jouent pourtant un rôle prépondérant pour la culture bordelaise émergente.

Et maintenant ?
La fermeture du One Percent n’est toutefois pas une fatalité pour les artistes et adhérents qui faisaient vivre le lieu. « On n’est pas les seul·es à faire ça. Aujourd’hui des tas de collectifs créent leurs événements, leurs communautés, ils vont plus que faire perdurer la valorisation des artistes dans le secteur de la musique underground » indique la chargée de communication du One.
Cette fermeture symbolise peut-être la fin d’une ère, mais aussi l’ouverture d’une nouvelle. Au-delà de se retrancher vers les autres bars associatifs ou tiers-lieux festifs qui font vibrer les rues bordelaises, l’occasion se présente de réfléchir à la scène électronique locale de demain. Comment composer avec une scène en expansion, avide de nouveaux terrains d’expression, face à une ville dont les espaces ne sont pas toujours adaptés ? Alizée adresse finalement ce message à la communauté du One : « Vous avez votre destin entre les mains, allez voter, allez oser. Continuez de créer, continuez d’être vous, adhérent·es ou artistes, on a vécu des expériences incroyables, le mot merci ne suffit même pas à conclure cette histoire. »