Céline Ripoll : un 8 mars et des contes pour se reconstruire

Rencontrée lors de la dernière édition du festival bordelais Chahut, la conteuse Céline Ripoll explore via son travail les traumatismes liées à sa condition de femme. On revient sur son profil à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

La 33ème édition du festival Chahut a été rythmée en juin 2024 par de nombreuses animations, performances, moments poétiques. Parmi les artistes programmé·es, Céline Ripoll proposait Née le 8 mars 1977, l’histoire d’une femme partie à l’autre bout du monde, en Polynésie, « chercher une légende, une terre, une langue, un passé afin de remplacer le sien trop horrible à regarder. » C’est dans ce « décor paradisiaque » qu’elle va vivre l’enfer.

Du Pacifique au Quai Branly

Conteuse, autrice et fondatrice de la maison d’édition Moai Editions, Céline Ripoll sillonne depuis 2005 les îles du Pacifique. Collaboratrice du musée du Quai Branly où elle est a été conteuse, l’artiste propose un autre regard sur cette région du monde.

Dans son spectacle Née le 8 mars 1977, elle partage ouvertement ses batailles, ses tourments, ses doutes et ses questionnements sur le sens de sa vie sous forme de performances oratoires de chants, mélangés à des gestes de danses ancestrales. Avec, en toile du fond, un questionnement sur sa date de naissance, si chargée symboliquement.

Sollicitée par Gabriel Luca, directeur par intérim du festival Chahut pendant 6 mois en 2024, Céline Ripoll a travaillé pour concentrer toute son essence dans un spectacle vivant. Aidée par le metteur en scène Titus, elle synthétise dans Née le 8 mars 1977 près de 60 pages du récit de sa vie liée à la violence, en l’espace de 3 jours.

À la recherche du guerrier Nikorima

Au début de sa carrière de conteuse, Céline Ripoll se lance à la recherche d’une légende forte, d’abord en vain. Elle suit alors une formation avec des conteurs et conteuses étudiant·es des Épopées qui regorgeaient de récits. C’est dans cette formation qu’une camarade cita la légende d’un vieux recueil sur l’Océanie, un guerrier au visage à moitié tatoué qui pratiquait l’art de la danse pour défendre son village. Une histoire qui va particulièrement l’intéresser mais dont elle ne retira que trop peu d’information pour en tisser une toile narrative.

Peu de temps après, elle rencontre un homme originaire de l’île de Tahiti qui s’avère connaître l’histoire en question. Il lui affirme être un descendant du guerrier tatoué Nikorima. De là, elle décide de se rendre sur l’île où on lui annoncera que personne ne connaît ladite légende. Elle qui était venue pour apprendre la langue et s’imprégner d’une nouvelle culture se retrouve seule. Exilée dans le Pacifique pendant plusieurs mois, elle décide de poursuivre son voyage en traversant les eaux, d’îles en îles, jusqu’aux Marquises où une personne lui confie connaître l’histoire de Nikorima qui aurait des liens avec l’île de Pâques.

Cette quête lui forge une solide connaissance de cette région du monde. Lorsque ouvre à Paris le musée du Quai Branly, la personnalité et le savoir de Céline Ripoll acquis lors de son voyage apparaît comme précieux. En découlera une collaboration avec l’institution parisienne avec, entre autres, un spectacle de 5 heures de danse légendaire marquisienne et des conférences.

La conscience dun spectacle

Dans Née le 8 mars 1977, Céline Ripoll parle de violence. Celle qui peut aller jusqu’à la tentative de meurtre, dont elle peut malheureusement témoigner. « Pourquoi ça m’arrive à moi ? Parce que je suis née le 8 mars, une date symbolique, née à Berlin, une ville où la mort est partout. » Comment transformer une douleur et un trauma en éducation et en amour ?

Ces injustices vont provoquer un traumatisme très fort chez elle. Pour s’en relever, le spectacle Née le 8 mars 1977 sert d’outil de reconstruction. Une façon de dépasser une peur, une crainte, qui invite en ce 8 mars 2025 à se questionner sur le rôle de l’art dans de tels processus auxquels encore de trop nombreuses femmes dans le monde sont confrontées.