6 réalisatrices à (re)découvrir au festival Afriques en vision à Bordeaux

En collaboration avec plusieurs organismes culturels bordelais et poitevins, l’Institut des Afriques dévoile la deuxième édition d’Afriques en vision. Du 1er au 4 décembre, le festival propose des projections, masterclass, tables rondes et rencontres avec des personnalités engagées du cinéma africain. Pour l’occasion, on se penche sur 6 réalisatrices dont les travaux seront présentées lors de l’événement.

Crédit photo : Bildtjanst H. Nicolaissen (film Monangambee de Sarah Ducados)

« Une programmation qui met à l’honneur les regards de réalisatrices africaines qui documentent, racontent et questionnent les transformations sociétales en cours sur leur continent mais également à l’échelle planétaire » : c’est ainsi que Virginie Andriamirado, présidente de l’Institut des Afriques, présente les contours de la deuxième édition du festival Afriques en vision. Une vision engagée, qui tend à démontrer la puissance et l’impact du cinéma africain sur la société et la création contemporaines.

Bien que celui-ci rencontre encore trop peu d’écho en France et plus globalement en Occident, il reste très riche, fourmillant de talents émergent·es et confirmé·es. En son sein, la place des réalisatrices notamment est de plus en plus importante : elles participent à cette évolution en ouvrant les horizons du cinéma africain. Des possibilités infinies qui offre davantage d’écho médiatique international à cette sphère culturelle. Voici le portrait de 6 d’entre elles.

Sarah Ducados : réalisatrice historique et militante

Sarah Ducados est née en France en 1929, d’un père guadeloupéen et d’une mère gersoise. En hommage au poème de Lautréamont, Les Chants du Maldoror, la réalisatrice devient Sarah Maldoror. Pionnière du cinéma panafricain et réalisatrice engagée, la réalisatrice a laissé l’empreinte d’un cinéma sincère et poétique. D’abord, elle documente et étudie l’histoire de l’impérialisme portugais dans les anciennes colonies du pays.

Dans plusieurs de ses films, elle dénonce par ailleurs les actes barbares de cette période historique partout sur le continent ainsi que les conséquences d’un système d’exploitation de ressources à sens unique. Son film Monagambée sorti en 1968 (et diffusé pendant Afriques en vision), retrace un passif lourd et douloureux des crimes de colons portugais en Angola. Une cinéaste passionnée ayant pris part à l’essor d’une scène artistique engagée en Afrique, grâce à des réalisations percutantes esthétiquement sublimes.

  • Monagambée de Sarah Ducados, diffusé le mardi 29 novembre au FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA

Catarina Simao : lutte artistique continue 

Sur les pas de Sarah Maldoror, Catarina Simao, artiste, chercheuse et cinéaste portugaise, va à son tour plonger dans les souvenirs amers de la colonisation. Elle essaye de mieux comprendre la mémoire historique du Mozambique, qui se reconstruit après cette époque destructrice, notamment dans le film Effects of wording en 2014. Un court-métrage qui explore des archives d’images conservées aux États-Unis, au Pays-bas et au Mozambique, dans le cadre de la campagne d’alphabétisation massive du mouvement de Lutte et libération mozambicain, FRELIMO. Un film qui illustre les causes et les conséquences d’un programme radical mais révolutionnaire.

  • Effects of wordings de Catarina Simao, diffusé le mardi 29 novembre au FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA

Akuol De Mabior : entre patrie, familles & femmes au Sud-Soudan

Akuol De Mabior, est née à Cuba et a grandi au Kenya lors de l’exil de sa mère. Ce bagage multiculturel la pousse à se questionner sur l’avenir de son pays d’origine, le Sud-Soudan, mais aussi sur l’engagement de sa famille dans la vie politique du pays. En effet, dans son long-métrage No simple way home, sorti en 2022 et diffusé le 1er décembre dans le cadre d’Afriques en vision, on distingue une introspection familiale mais aussi le devoir patriotique de sa mère Rebecca Nyandeg de Mabior, veuve, prêtresse et mère d’une patrie en deuil. La réalisatrice semble déterminée à affirmer la place essentielle des femmes et de la jeunesse dans le futur des sociétés africaines. Ambition traduite dans ce film, qui est un chemin croisé du combat d’une vie et la reconstruction d’un pays ravagé par les guerres. Tout cela derrière l’objectif d’une femme aussi touchante que visionnaire.

No simple way home

Nadine Otsobogo Boucher : une réalisatrice aux commandes

D’abord connue mondialement comme cheffe maquilleuse professionnelle, Nadine Otsobogo Boucher rencontre le milieu du cinéma grâce à son envie de porter de nouveaux récits. La réalisatrice gabonaise n’entend pas limiter sa créativité. Pour cela elle multiplie les champs d’actions : productrice, photographe, réalisatrice, elle est aujourd’hui à la tête du Festival du film Masuku centré sur la nature et l’environnement au Gabon. En 2013, elle réalise son deuxième court-métrage, Dialemi, l’histoire d’un sculpteur tourmenté par l’apparition d’une femme.

  • Dialemi de Nadine Otsobogo Boucher, diffusé le 1er décembre au Cinéma Utopia Bordeaux

Dalila Ennadre : les voix marocaines, le cinéma à échelle humaine

Dalila Ennadre, née à Casablanca, a grandi dans une cité en banlieue parisienne. Inspirée par son frère photographe et après avoir voyagé aux quatre coins du monde, elle bâtit sa carrière cinématographique avec ses propres armes. La réalisatrice, figure majeure du cinéma marocain est connue pour ses multiples réalisations documentaires. Films dans lesquels elle donne la voix aux personnes issues de milieux populaires et essentiellement les femmes. Dalila Ennadre est décédé en mai 2020 avant la fin du montage de son dernier film Jean Genet-Père-des-Fleurs. Sa fille Lilya ainsi que son entourage proche termine l’œuvre en 2021 et laisse la marque d’une réalisatrice généreuse et passionnée mais aussi celle d’une femme à la créativité sans fin.

  • Jean Genet-Père-des-Fleurs de Dalila Ennadre, diffusé le jeudi 1er décembre au Cinéma Le Dietrich (Poitiers)
Jean Genet-Père-des-Fleurs

Myriam Bakir : féminisme révélateur de tabous 

Née de parents marocains à Paris, Myriam Bakir est autrice et réalisatrice. Toutefois, ses œuvres bousculent les mœurs de la société marocaine, en raison de leur authenticité. La réalisatrice ouvre le débat sur les droits et la place des femmes au Maroc. Son premier long-métrage Agadir-Bombay (2011), explore le sujet de la prostitution au Maroc et lui vaut le Prix d’interprétation féminine au Festival National du Film de Tanger. Les femmes sont au cœur du travail de Myriam Bakir. Souvent incomprises et ramenées en silence, ces dernières trouvent un espace libre et dénué de jugement face à la caméra de la cinéaste. On retrouve cet aspect dans son deuxième long-métrage Mères, sorti en 2020. Ce long-métrage met à l’image le combat des mères célibataires, non mariées et rejetées à cause de traditions. Une lutte invisible mise à l’image pour un futur plus juste et à l’écoute des femmes marocaines. 

  • Mères de Myriam Bakir, diffusé le samedi 3 décembre au Cinéma Utopia Bordeaux
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