5 temps forts à vivre au festival Afriques en Vision #4

Pour sa quatrième édition, le Festival Afriques en vision propose un programme riche en histoire et en déconstruction des récits coloniaux. Souvent maltraitées par le mépris des nations colonisatrices, les narrations des histoires africaines ne connaissent qu’un prisme paternaliste éloigné de la réalité vécue par les populations africaines. Du 28 novembre au 2 décembre, le cinéma Utopia présentera une sélection de films africains peu connus en France, mais dont l’impact dépasse les frontières du continent. Zoom sur 5 temps forts à vivre lors de l’événement.

Crédit photo : Flore Poudroux

Le festival a débuté avec une projection du film Soundtrack To a coup d’État de Johan Grimonprez. Ce documentaire, à la fois visuel et sonore, met en évidence la situation politique au Congo à travers une sélection de musiques et d’images fortes. À travers cette expérience immersive, il expose sans fard les réalités d’un conflit qui perdure depuis plusieurs décennies, malgré l’attention portée par la communauté internationale.

Ce prélude met en lumière l’importance du cinéma dans les combats politiques historiques. Les images et parfois, le son, racontent des histoires volontairement oubliées, qui sont des piliers de reconstruction identitaire. Comme l’évoque la réalisatrice française Sarah Maldoror : « Le cinéma n’est jamais neutre, il est une arme politique ! »

1 — Sous les feuilles

Depuis quelques semaines, les médias nationaux ne font qu’effleurer le mouvement de protestation contre la vie chère en Martinique, en passant sous silence l’histoire qui se cache derrière ce mouvement. Cette ancienne colonie française, encore marquée par une histoire tragique, a du mal à s’en remettre. De son côté, la France métropolitaine a trop souvent négligé ses responsabilités envers ses propres citoyen·nes.

Privées d’histoire, de soutien et d’écoute, les communautés des Antilles font face à leur passé, cherchant potentiellement un processus de guérison. Leur culture émerge maintenant pour aborder des problématiques cruciales dans le développement de l’identité collective. Florence Lazar explore ces thèmes dans son film Sous les Feuilles, projeté au cinéma Utopia le 29 novembre.

2 — Focus Fanon

Cette année, un des temps forts du festival Afriques en vision à ne pas manquer, c’est la journée du samedi 30 novembre autour du psychanalyste, écrivain et chercheur Frantz Fanon. Moins connu pour ses talents de psychiatre que pour son œuvre littéraire, ce dernier est pourtant un avant-gardiste sur la question de la santé mentale.

S’il était révolutionnaire et qu’il remettait en question les méfaits de la colonisation, tant physique que mentale, Fanon a également travaillé auprès des personnes atteintes de troubles de santé mentale afin de comprendre leur comportement dans une société gangrénée par le colonialisme. Grâce au film Frantz Fanon, Mémoire d’asile, réalisé par Abdenour Zahzah et Bachir Ridouh, nous pouvons apprécier pleinement son génie et l’impact considérable de ses recherches.

3 — Les mots qu’elles eurent un jour

En temps de guerre, toute la population est mobilisée pour faire face à l’ennemi. Les hommes, les femmes et les enfants se battent côte à côte pour faire revivre leur dignité. Raphaël Pillosio a donné la parole à des femmes qui avaient été réduites au silence par leur simple statut de femme. Ces femmes, qui ont joué un rôle central durant la guerre d’Algérie en 1962, ont longtemps été ignorées et effacées de la mémoire de la guerre.

Heureusement, leur voix est enfin entendue aujourd’hui. À l’aide des archives de Yann Le Masson, le réalisateur a pu récupérer des images et les immortaliser dans un documentaire intitulé Les Mots qu’elles eurent un jour . Cette projection sera suivie d’une discussion avec le cinéaste et est le fruit d’un partenariat avec la Fédération Franco-Algérienne Aquitaine Plus.

4 — Camp de Thiaroye

Bien que les discussions autour de la mémoire des tirailleurs sénégalais soient maintenant plus audibles, elles ne seront jamais suffisantes. Cet exercice vise à honorer la mémoire de ces hommes qui ont quitté leur foyer pour combattre pour la France, seulement pour être trahis et tués par leurs alliés dans les tranchées. Bien que l’Histoire semble avoir omis de les mentionner, Ousmane Sembène et Thierno Faty Sow, deux figures emblématiques du cinéma africain, n’ont jamais cessé de les représenter à l’écran.

Interdit de diffusion en France à sa sortie en 1988, le récit de Camp de Thiaroye met en évidence une réalité que la France préfère occulter : le massacre brutal de soldats africains, pourtant fidèles à la France. Ce film est un vibrant hommage et un récit historique captivant sur un chapitre méconnu de l’histoire française. Après la diffusion, un dialogue s’engagera entre les participants, animé par Thierno Dia, historien du cinéma, et Mohammed Said Ouma, directeur de Documentary Africa.

5 — Didy

Pour terminer cette dernière soirée, on vous conseille le film documentaire Didy réalisé par Gaël Kamilindi. Cette pièce, qui raconte l’histoire tragique du Rwanda, est écrite sous le point de vue de sa mère, Didy, qui est morte alors qu’il avait seulement cinq ans. Elle a porté en elle les expériences de nombreuses autres femmes rwandaises et burundaises. Bien que le génocide rwandais ait mis en évidence les aspects politiques et sociaux de ces événements, il a malheureusement ignoré les récits familiaux.

Celles et ceux qui ont survécu se remémorent encore la personne qu’était Didy, tout en contribuant au devoir de mémoire du pays. Plus rien ne sera pareil, mais la vérité persiste. Le femmage à Didy sera précédé d’une lecture musicale, interprétée par le metteur en scène des poèmes tirés de « Culbuter le malheur » de Beata Umubyeyi Mairesse.