De Talence à Poitiers, en passant par Le Bouscat et Bordeaux : sélection de 5 maisons d’édition dans la région, qui illustrent la place importante de la filière du livre en Nouvelle-Aquitaine.
La Nouvelle-Aquitaine est réputée pour la richesse de son patrimoine culturel, à commencer par le secteur du livre : entre Angoulême, berceau de la bande-dessinée, et Bordeaux, connue pour ses nombreuses librairies indépendantes, la région n’a pas à rougir. Mais si l’on se penche plus en profondeur sur l’univers éditorial de la région, on peut également y découvrir des pépites et des maisons qui, aujourd’hui, ont su s’imposer au niveau national.
Agullo (Talence)
Forte d’une identité visuelle qui joue sur une couleur et une silhouette, ce qui nous permet de reconnaître facilement leurs productions en librairie, c’est en l’espace de cinq ans que cette équipe de quatre éditeurs a su s’imposer dans le monde de la traduction et du roman noir, en allant chercher de nouveaux auteurs principalement dans le reste de l’Europe : Rui Zink (Portugal), Maria Galina (Russie), Magdalena Parys (Allemagne). Ils osent même faire découvrir la Lituanie ou le Bangladesh, quasiment absents de la production éditoriale française. Mais la maison accueille aussi des auteurs français comme Frédéric Paulin ou Astrid Monet, et pour être encore plus chauvin, Yan Lespoux, girondin dont ses nouvelles initient une nouvelle collection en janvier 2021 : Agullo Court.
Les conseils
- Autochtones de Maria Galina : Où vous suivrez un personnage que l’on semble connaître mais dont on ne sait rien dans une enquête loin des standards du roman noir, dans un village perdu dans l’Est.
- Avec Rui Zink et Le Terroriste joyeux : On s’embarque dans un court face à face entre un homme qui vient de rater son attentat dans un aéroport et le policier devant l’interroger. L’innocence de l’un face au questionnement de l’autre vous emmènera dans un bal d’humour et de réflexions sur notre perception dans la société.
- Enfin, Yan Lespoux dans Presqu’îles : Vous contera des scénettes de vie dans le Médoc où l’on suivra le Bordelais, où on ira dans le coin aux champignons secret ou bien on assistera à une scène de vol reprenant l’idée de l’arroseur-arrosé.
Finitude (Le Bouscat)
Le Bouscat a vu grandir une maison exigeante où la première forme d’expression est la littérature. Voyageant entre premiers romans et ressorties de livres oubliés, Finitude a éclos puis a grandi grâce aux auteur.ices qu’elle débusque. En 2016, un grand succès l’oblige à être sous les projecteurs : En attendant Bojangles, d’Olivier Bourdeaut, revisité par Claude Cailleaux cette année dans une version illustrée mais aussi au théâtre et au cinéma (tournage terminé en mars 2020 avec Romain Duris et Virginie Efira par Régis Roinsard). Depuis on y a vu d’autres auteurs y naître comme Victor Pouchet, qui aujourd’hui écrit aussi pour la jeunesse auprès de l’école des loisirs.
Les conseils
- Voyagez dans les marais salants avec Pactum Salis d’Olivier Bourdeaut : Dans ce deuxième roman, on analyse la rencontre, ce qui précède et ce qui s’en suit entre un agent immobilier qui essaie de profiter de la vie et un travailleur qui passe la sienne à récolter le sel. L’un va pisser sur le travail de l’autre qui plus tard cachera un corps. Qu’est-il arrivé ? Le plus important est de connaître les deux hommes dans leurs réussites et leurs déboires.
- Pourquoi les oiseaux meurent de Victor Pouchet : Ce titre affirmatif semble être aussi une question sans réponse. Une œuvre non-autobiographique qui met en scène un Victor Pouchet personnage pris dans une quête pour fuir sa thèse et la Capitale. Un trajet en bateau qui remonte la Seine jusqu’en Normandie et qui se transformera en quête personnelle.
- Le Prince de ce monde d’Emmanuelle Pol : Elle l’a rencontré. Le diable en personne. Elle le sait, c’est à cause de lui que son travail tranquille au musée ne lui suffit plus. C’est lui qu’elle allait voir en cachette mais c’est lui qui attire les malheurs du monde. Le monde n’allait pas si mal avant mais depuis qu’elle l’a vu, la vie autour d’elle est au bord du précipice, la guerre semble arriver dans les rues. Un livre dans lequel on ne sait pas qui croire.
FLBLB (Poitiers)
Voici l’idée même de partir de rien et de finir sur le devant de la scène tout en gardant son esprit initial. La première fois que l’imprononçable nom de FLBLB apparaît sur le papier, c’était un Fanzine. Plus de vingt après, Otto T. et Grégory Jarry sont devenus un duo reconnu, Saison des Roses de Chloé Wary se révèle comme Prix du Public à Angoulême (FIBD 2020) et la petite équipe aura entre temps traduit et publié des chefs-d’œuvre d’Osamu Tezuka, initiateur du manga moderne, et Oh Yeong Jin, nous faisant découvrir l’humour coréen.
Les conseils
- Plongez-vous dans Alabaster d’Osamu Tezuka : Très proche de manga contemporain mais datant de 1970 et publié en grand format. Vous y verrez James Block, athlète noir dont la couleur de peau va l’empêcher d’être aimé. Cela va l’emmener à la rencontre de l’homme qui lui léguera un rayon pour devenir invisible. La vie de James va alors changer au profit d’une aventure enrichie d’action et personnages complets.
- Petite histoire de la Révolution Française, d’Otto T. et Gregory Jarry : Si on devait trouver un cœur à cette maison, ce serait celui-ci. Entre passé et présent, cette BD mène une double narration, le texte relate la révolution de 1789 tandis que les images l’inventent telle qu’elle serait aujourd’hui. L’engagement des deux créateurs de la maison FLBLB, prenant position, se séparant de la production bédéiste en prenant un nouveau format horizontal.
- Saison des Roses de Chloé Wary : Dans la lignée de Jérôme Bouquet, Robin Cousin ou Rémy Lucas, la maison propose d’autres auteurs français contemporains. On pourrait y découvrir ces auteurs ou bien Voyages en Egypte et en Nubie de Giambattista Belzoni, mais Chloé Wary a marqué le monde de la BD l’an passé en projetant sur la scène d’Angoulême son histoire dessinée au feutre. On y retrouve Barbara et son équipe de football féminine, à deux doigts de monter à l’étape supérieure où se trouve aussi l’équipe des garçons. Mais le club n’a pas les moyens pour financer les deux et une devra alors se voir refuser la montée. Non-avantagée par les dirigeants, les filles vont devoir se battre malgré tout !
L’Apprentie (Bordeaux)
Dernière en date dans le paysage éditorial bordelais, L’Apprentie est née il y a deux ans de l’envie d’étudiants et de professeurs de mettre en action ce qu’ils apprennent. La maison d’édition de la Licence Professionnelle Édition de l’IUT Bordeaux Montaigne a ainsi vu le jour. Voilà comment, chaque année, de nouveaux ouvrages surgissent avec des textes oubliés. La dernière fournée va arriver entre mi et fin mai, en attendant, retour sur ce qui nous a déjà été proposé.
Les conseils
- Xingu d’Édith Wharton : Ainsi renaît au XXIe siècle cet ouvrage mettant déjà en avant les vices de la belle société et de l’image de soi. Autour d’une table, un cercle littéraire reçoit une autrice à succès qui vient parler de son œuvre. Le débat s’anime autour d’un Xingu, qui est mentionné par la benjamine du groupe beaucoup moins intéressée par la bienséance forcée. Sauf qu’entre celles qui n’ont pas lu le livre et celles qui pensent en savoir assez pour parler sur tout, le débat autour du Xingu perd de son sens.
- Crimes entremêlés d’Emma Orczy : Entre enquêtes policières et livre d’énigme, chaque nouvelle de ce livre sont séparées en deux parties, une phase histoire avec tous les détails que l’on peut obtenir durant une narration fortement intéressante et une phase réponse où Emma Orczy va nous dévoiler qui et comment le coupable a fait le coup.
- Les Audacieuses de Robert Louis Stevenson : Connu dans les monde entiers, Stevenson est à nouveau dévoilé avec ces nouvelles recueillies par L’Apprentie. Le maître-mot, la place de la femme dans l’œuvre de Stevenson, les descriptions de la société contrebalançant des personnages féminins et masculins afin de changer notre regard. Un vrai travail éditorial qui promet en attendant les nouveaux livres à paraître ce mois-ci.
Monsieur Toussaint Louverture (Bordeaux)
En moins de vingt ans (création en 2004), la maison d’éditions créée et dirigée par Dominique Bordes est devenue une référence dans le monde éditorial français en valorisant l’esthétique des livres tout autant que leurs contenus. Le catalogue piochant dans les pépites étasuniennes autant littéraires (Jonathan Evison, Steve Tesich) comme bédéiste (Matt Kindt, Emil Ferris), se complète avec des ouvrages jeunesses (Et c’est comme ça qu’on a décidé de tuer mon oncle ou la collection Anne connue sous Netflix avec la série « Anne with a E »). Une proposition littéraire vaste comblée par d’autres auteur.ices comme la française Aurélie Champagne, des ouvrages qui plaisent aux lecteurs comme aux bibliophiles.
Les conseils
- Zébu Boy d’Aurélie Champagne : La Française des auteurs de la maison, qui nous plonge dans l’histoire méconnue, pour nous en tout cas, des malgaches retournés dans leur pays après la guerre. Lâché dans la pauvreté par les autorités françaises, Ambila se retrouve à vendre des amulettes pour petit à petit reformer les troupeaux de zébus de son père. Un livre à la fois dense et court qui nous rappelle que d’autres personnes ont connu des histoires différentes, même si ici on voyage dans un road-trip brûlant.
- Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, d’Emil Ferris : Un roman graphique époustouflant, ayant marqué les lecteurs étasuniens avant de venir en France et décrocher le Fauve d’Or à Angoulême. Une œuvre entièrement dessinée au stylo pénétrant dans les pensées sur la Seconde Guerre Mondiale, une enfant qui veut être un monstre, une enquête prenante et lyrique où l’on pourra même découvrir des tableaux de grands peintres reproduits magistralement. Une version française lettrée à la main d’une très grande qualité en attendant la suite.
- Les Fondamentaux de l’aide à la personne revus et corrigés de Jonathan Evison : C’est un grand roman qui se divise en deux parties : une rencontre entre Benjamin Benjamin qui se retrouve aide-soignant de Trev. Le fait qu’il soit débutant va le faire transgresser ce qu’il a vu en formation quelques temps plus tôt : trop s’attacher à son patient et partir un jour en road-trip, deuxième partie. Un livre qui nous invite à fuir, sans se laisser bercer par la simplicité que peuvent être les sentiments dans certains romans.