Rencontre avec Vanupië, de Bordeaux à Tbilissi

Ayant déjà parcouru un bon nombre de kilomètres avec son objectif et son boîtier, Vanupië documente les territoires qu’elle traverse avec beaucoup de sensibilité et un regard rafraîchissant. Kirghizistan, Philippines, Nouvelle-Zélande, Israël, Jordanie, Chine, Mongolie, Russie Sri Lanka ou Iran ; c’est souvent des zones géographiques aux histoires riches que la photographe traverse. Elle en ressort à chaque fois avec des portraits et des récits humains. C’est le cas avec la Géorgie et Tbilissi, ville qu’elle a visité en mai 2018. Hasard des choses, c’est au même moment que le club de techno Bassiani subit un raid de la police géorgienne, conduisant une frange de la jeunesse de la capitale à manifester devant le parlement national. Deux platines et des enceintes plus tard : une rave à ciel ouvert s’y organise, poussant derrière le gouvernement à reculer. C’est cette histoire et son voyage en Géorgie que Vanupië exposera exceptionnellement le samedi 7 septembre aux Vivres de l’Art dans le cadre d’un événement que Le Type consacre à la scène artistique de Tbilissi.

Crédit photo : Vanupië

Le Type : Salut Vanupië ! Peux-tu commencer par te présenter ?

Vanupië : Je suis à la fois une fille du bassin, un hibou vagabond et une voyageuse aux pieds-nus.

Comment tu t’es mis à la photographie ?

Naturellement et un peu par hasard. Ce sont mes yeux qui font tout le travail, plus que mes mains… Jusque-là, toute la partie technique m’intéressait peu et j’ai récemment compris que tout ce que je rechignais à apprendre depuis des années allait devenir un frein dans mes projets si je ne m’y mettais pas un peu plus sérieusement. Pour mon anniversaire, j’ai promis à ma copine Barbara que j’allais me montrer un peu plus persévérante pour ne plus me sentir comme un petit imposteur, quand quelqu’un veut me parler de réglages. Là, on pourra vraiment dire que je me serai mis à la photographie !

Quel matériel utilises-tu quand tu es en vadrouille ?

Que je sors d’ailleurs uniquement quand je suis en vadrouille ! Toujours le même depuis des années, un CANON 700D et son objectif de base 18x55mm offert par mon papa. Et depuis peu j’utilise aussi, un 55mm prêté indéfiniment par une petite pousse hollandaise après quelques jours passés ensemble sur un joli toit Sri Lankais.

Tu as pas mal bourlingué à travers le globe, comment tu t’y prends pour voyager autant ?

Je voyage en pointillés… Depuis la fin de mes études, j’alterne entre plusieurs mois à l’étranger et la petite cabane à huitres (entre autres) dans laquelle je travaille, sur le port de la Teste. Et sinon, quand mes économies ne suffisent pas, j’ai un découvert autorisé qui dépasse l’entendement (dieu bénisse) ! Je profite de cette saison pour me remettre à flots, combler tout ça et repartir sereinement dès décembre prochain. En attendant, je trépigne avec impatience !

Peux-tu nous parler de certains voyages qui t’ont particulièrement marqué ?

Un peu après mes 19 ans, je suis partie toute seule en Islande sur un coup de tête et je crois que c’est là que tout a commencé. Depuis il y a eu le Kirghizistan, la Russie, la Mongolie (via le Transsibérien), l’Israël, le Liban et tant de coins du monde qui viennent appuyer plus encore mon goût pour les pays d’Asie Centrale et du Moyen Orient. En novembre dernier, je suis partie en Éthiopie avec ma petite sœur et je me suis laissée séduire tout doucement par l’Afrique, rudimentaire, vibrante, humaine. Quand on commence à voyager, on n’est jamais rassasiée de rien, on a toujours cette envie furieuse de découvrir et de rencontrer encore et encore ; la Namibie et l’Ouganda commence d’ailleurs à sérieusement me faire de l’œil.

Tu as des anecdotes marquantes liées à ta pratique photographique et tes voyages ?

Un copain m’a dit très justement qu’il faudrait mille vies pour raconter la mienne… Je suis naïve, obstinée, maladroite, abonnée aux petites galères. Un accident de scooter et un tatouage fait par une dame de 102 ans qui s’infecte et manque de me coûter une jambe aux Philippines, un passage de frontière digne d’un croisement entre Pablo Escobar et Gérard Majax en quittant la Serbie, des kilomètres en stop ponctués de rencontres magnifiques et surprenantes. J’aimante aussi bien les catastrophes aussi que les belles âmes. En fait, je crois que mes plus jolis souvenirs de voyage sont souvent assortis d’une grosse galère ; au Kirghizistan, on s’est retrouvées à marcher pendant des heures, au milieu de la toundra, sans eau parce qu’on a douté des conseils d’un couple de Tchèques revenus nous sauver, à la nuit tombée, inquiets de ne pas nous voir arriver alors qu’on allait poser notre tente dans un lit de rivière. Le soir même, je me souviens avoir vu le plus beau ciel étoilé du monde et bu du vin rouge de piètre qualité à la chaleur d’une cheminée. C’est toutes ces anecdotes, ces visages, ces histoires que je retrouve indirectement à travers mes photos.

Venons-en à ton voyage en Géorgie. Comment tu t’es retrouvé là-bas et comment s’y est passé ton séjour, à Tbilissi et aux alentours ? Qu’est-ce qui t’a marqué lors de ce voyage ?

Ma sœur m’a parlé des montagnes qu’elle espérait y trouver. Un ami israélien a vaguement évoqué des petits kayaks de pain rempli de fromage. A eux deux, ils ont eus assez d’arguments pour me convaincre d’y aller faire un tour ! Après près de 50h de bus (et de contorsions) depuis Téhéran, j’ai finalement atteint la Géorgie, dont j’ai tout adoré. Des rues de Tbilissi aux montagnes de Borjomi, à la ville fantôme de Tskaltubo. La simplicité rurale, le naturel des gens, l’architecture si particulière des bâtiments soviétique et le hasard des choses. On s’est retrouvées à boire des coups et lever des toasts avec le chef de l’armée Azerbaidjo-Armenio-Georgienne (?) et le lendemain, comme l’aurait fait Élise Lucet, on est parties ravitailler les bases d’altitude, avec une troupe militaire, en hélicoptère. Incroyable ! Mon carnet de route sera bientôt en ligne sur le blog, pour survoler toutes ces aventures-là.

Dans la nuit du 11 au 12 mai 2018, la police géorgienne effectue un raid au sein du club techno Bassiani et arrête une soixantaine de clubbeurs. Le lendemain, la jeunesse de la ville manifeste devant le Parlement du pays, pose un système son et organise une rave géante pendant plusieurs jours. Tu y étais, comment c’était ?

Hallucinant ! Je suis arrivée à Tbilissi avec la ferme intention de boire du vin (un mois d’abstinence en Iran) et d’écouter de la techno… Le jour de mon arrivée, après m’être penchée sur la programmation, j’apprends malgré moi que le Bassiani a fermé… Le lendemain, après avoir copieusement célébré nos retrouvailles avec ma meilleure copine, un petit son lointain est venu nous caresser les oreilles. Ce qu’on croyait être un simple rassemblement politique a finalement tissé le lien avec la fermeture évoquée la veille. Du matin au soir, trois jours durant, on a pu assisté à quelque chose d’extraordinaire, une effervescence humaine, pacifique, pure qui, bien au-delà d’une simple protestation contre la fermeture d’un club s’est transformé (sur fond de techno et de messages d’amour) en un vrai mouvement commun pour défendre les libertés individuelles. C’était surréaliste de voir tout ce monde réuni face au Parlement et je pense pas me tromper en disant que même la police semblait supporter la jeunesse géorgienne dans ces revendications !

Peux-tu nous en dire plus sur l’exposition et la sélection de photos que tu présenteras le 7 septembre aux Vivres de l’Art dans le cadre du lancement de Scene city ?

Avec « Georgia On My Mind », j’aimerai offrir une petite rétrospective de mon voyage en Géorgie avec l’espoir que mes clichés, en plus de tous les intervenants présents pour ce lancement, puissent provoquer chez les petits yeux curieux l’envie d’aller visiter ce si petit pays aux multiples facettes. En parallèle des manifestations, toujours par hasard, on est entrées dans une galerie qui à sa manière à bien inspirée notre itinéraire. Je souhaite montrer à travers cette sélection, l’énergie incroyable qui se développe à Tbilissi et de manière plus induite, inviter les gens à découvrir ce que la Géorgie à de plus authentique, son folklore traditionnel, danses, chants, la richesse de sa gastronomie, son histoire, son architecture typique, les vestiges du passé et la beauté de ses habitants, d’une simplicité sans pareille. Bref, ça va être chouette, alors venez !
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