« Bassins flottants » : un duo d’artistes à l’écoute d’un quartier en mutation

Dans le livre Bassins flottants, Sophie Poirier et Kevin Hubert proposent une vision poétique de la montée des eaux dans le quartier des Bassins à Flot. Un événement de lancement de l’édition du livre avait lieu le mercredi 14 mai aux Vivres de l’Art.

Comment raconter un lieu ? Comment capter son âme sans céder à la nostalgie ni tomber dans le discours dystopique ? L’autrice Sophie Poirier et l’artiste-auteur Kevin Huber ont uni leurs sensibilités pour créer Bassins flottants, un livre mêlant textes et illustrations, pensé comme une immersion poétique dans le quartier des Bassins à flot à Bordeaux. Ensemble, il et elle marchent, observent et s’imprègnent, chacun·e à sa manière, pour faire surgir une œuvre à deux voix et deux regards, entre mémoire et avenir.

Une collaboration née des Vivres de l’Art

C’est à l’invitation des Vivres de l’Art que le projet Bassins flottants voit le jour, dans la continuité d’un premier recueil sur les Bassins à flot. L’idée : constituer une collection littéraire et artistique autour de ce quartier en pleine transformation. Soutenue par l’Agence culturelle de la Région Nouvelle-Aquitaine, ALCA, Sophie Poirier propose d’associer Kevin Huber au projet. Lui, peintre formé aux Beaux-Arts de Bordeaux, adepte de l’acrylique et du stylo Bic, s’inspire à la fois de l’actualité, de ses proches et des rapports de force humains. Elle, autrice et passionnée de déambulations urbaines, aime mêler récit, reportage et fiction.

Kevin Huber. Crédit photo : Émilie Goa

Leur méthode : marcher ensemble. L’un avec ses carnets, l’autre avec son appareil photo. Le duo arpente les quais, la Base sous-marine, les friches, les bâtiments neufs, les maisons anciennes, les végétations spontanées. « On se parlait comme avec un ami, tout en étant des observateurs », se remémore Sophie Poirier. « Il fallait du temps pour digérer ce qu’on voyait », complète Kevin Huber. Ces balades deviennent des processus de création : les images naissent chez lui, les mots chez elle, mais dans un même souffle. Les deux artistes confrontent ensuite leurs travaux.

J’ai lutté contre ma mélancolie naturelle pour rester dans quelque chose de plus onirique, réaliste et ludique.

Sophie Poirier

Loin de tout discours anxiogène, Bassins flottants refuse la facilité de la dystopie. « J’ai lutté contre ma mélancolie naturelle pour rester dans quelque chose de plus onirique, réaliste et ludique », confie Sophie. Kevin parle lui d’un « récit sensoriel et poétique, avec une touche de mélancolie ». Le quartier inspire une forme de beauté étrange, presque en suspens.

Montée des eaux : menace ou opportunité ?

La montée des eaux, thème central du livre, plane comme une métaphore. Pour Sophie, elle incarne l’incertitude mais aussi notre capacité d’adaptation. Une situation qui n’est pas sans rappeler la période du Covid. Pour Kevin, c’est un symbole de changement, une menace réelle. Mais aussi l’occasion d’un renouvellement du regard, d’une réappropriation poétique du territoire.

Dans leurs deux approches se mêlent souvenirs, visions, hypothèses. Sophie joue ainsi avec les temporalités : « La ville devient à la fois passé, présent et futur, il faut retrouver sa place à chaque époque. » Kevin utilise pour sa part des photos, parfois très personnelles, comme celle du père de Sophie avec son petit-fils, pour créer des images sensibles et ouvertes.

Leur message commun : ne pas perdre la poésie dans nos villes, veiller à ce qu’elle ne soit pas étouffée par le bruit, le commerce ou la fête. Bassins flottants est un appel à observer, à ressentir, à se souvenir et à imaginer.