Alors que le secteur culturel et celui des médias traversent une crise d’une ampleur considérable, 1500 structures se réunissent pour faire entendre la voix des acteurs et actrices « indépendant.e.s ». Après une première phase de coalisation et de structuration, une étape intermédiaire a lieu pendant l’été avec l’organisation de workshops partout en France. Avec comme objectif l’invention de nouveaux modèles pour le milieu culturel et des médias, avant la tenue d’États Généraux pour la filière en septembre, à Lyon. A Bordeaux, une centaine d’acteurs ont rejoint l’initiative.
Crédit photo : Journées électroniques de la FIMEB
22,3 milliards de manque à gagner pour le secteur culturel, 72 % de pertes de recettes en moyenne pour 2020 pour le spectacle vivant, 16 % pour la presse, des répercussions jusqu’à 2021 voire 2022… L’impact de l’épidémie de Coronavirus sur le secteur culturel a déjà été estimée et documenté à maintes reprises. Parallèlement, en réponse à la casse annoncée, de nombreuses initiatives (lettre ouverte Concerts debouts touchés en plein cœur adressée Gouvernement par le syndicat SMA, tribune dans Libération d’artistes pour appeler au soutien du secteur des musiques électroniques, appel lancé pour l’organisation d’une Convention citoyenne pour la culture, pétitions…) ont émergé afin d’interpeller les consciences citoyennes et celles des élus sur la nécessité de soutenir un secteur très lourdement affecté par le contexte sanitaire actuel. Parmi elles, l’Appel des indépendants se démarque par sa volonté d’écrire une nouvelle page pour l’avenir des acteurs culturels et des médias indépendants.
Appel des indépendants : penser l’avenir du secteur culturel et des médias
Lancé à Lyon au moment où le confinement s’apprêtait à être décrété, où les premiers événements commençaient à s’annuler les uns après les autres et les lieux de fête fermaient tour à tour leurs portes, l’Appel des indépendants a très vite rallié dans son sillage un nombre important de structures culturelles françaises (dont Le Type, signataire de l’Appel). Alors que le contexte forçait chacun à s’isoler, l’Appel a permis de créer du lien entre acteurs, illustrant une logique d’interdépendance entre chacune et chacun. Une première phase a ainsi permis de fédérer pas moins de 1500 structures dans 165 villes.
Actuellement en cours, une deuxième phase va permettre cet été de récolter sur les différents territoires les idées d’acteurs culturels et médias pour un secteur plus vertueux. Sous forme de workshops (ateliers) ouverts aux professionnel.le.s, acteurs et actrices du paysage culturel, l’idée est de mettre en débat certaines thématiques (modèles de gouvernance, éco-responsabilité, coopération, définition de l’indépendance…) en vue d’écrire collectivement des pistes pour l’avenir du secteur culturel et des médias indépendants. L’été devrait voir la mise en place d’une cinquantaine d’ateliers partout en France, dans le cadre d’États Généraux.
Enfin, une troisième étape consistera en la réunion physique, à Lyon, en septembre, de différents acteurs et actrices issu.e.s de ces différentes villes. Ce temps de mise en commun des différentes idées énoncées lors de la phase 2 (workshops) vise à la rédaction d’un livre blanc, afin de pouvoir in fine alerter les élus et décideurs politiques sur l’urgence d’une refonte d’un secteur culturel indépendant, dont la crise n’a fait qu’illustrer la souffrance et la situation de fragilité chronique.
1500 structures indépendantes rassemblées
L’une des autres spécificités de l’Appel réside dans la typologie des structures signataires : les « indépendant.e.s ». L’Appel les définit comme celles et ceux qui ne bénéficient ni de la tutelle des collectivités territoriales (c’est-à-dire majoritairement subventionnées par de l’argent public), ni du soutien capitalistique des grands groupes de l’industrie du divertissement comme Live Nation, AEG, Lagardère Live Entertainment, Olympia Production (Vivendi)…
Nous ne bénéficions ni de la tutelle protectrice de l’état, ni des apports financiers des grands groupes : nous sommes seuls, donc nous devons être ensemble.
En résumé, comme l’indique le site de l’Appel : « Nous ne bénéficions ni de la tutelle protectrice de l’état, ni des apports financiers des grands groupes : nous sommes seuls, donc nous devons être ensemble. » Sont ainsi rassemblés une diversité d’acteurs tels que des festivals, salles de concert, producteurs de spectacles, collectifs d’artistes, auteurs et acteurs de la création, médias en ligne ou imprimés, labels, éditeurs, lieux d’accompagnement, prestataires techniques, clubs…
Une centaine de signataire à Bordeaux
A Bordeaux, une centaine de structures ont rejoint l’Appel, et 5 workshops ont pu s’y dérouler. Clément Lejeune, président de la FIMEB (la Fédération Inter-associative des Musiques Électroniques de Bordeaux, dont Le Type fait partie) a coordonné au niveau local l’initiative. Pour lui, cette démarche collective fait sens en ce qu’« elle vise à nous faire sortir de l’angle mort des discours formulés depuis le début de la crise par nos responsables politiques ». Et de noter qu’« à travers les États Généraux et les workshops partout en France qui vont aider à les préparer, cela nous permet d’être acteurs dans la façon dont on souhaite définir ce que nous sommes, ce que nous faisons, les risques auxquels nous faisons face ». Ayant eu l’occasion d’animer la plupart des workshops qui se sont déroulés à Bordeaux, Clément relève que les pistes de réflexions ayant émergées sont de nature « à nous permettre de porter des réflexions et des propositions fortes afin de peser sur la refondation des politiques culturelles à tous les échelons territoriaux ».
L’Appel des indépendants, une occasion pour la scène culturelle bordelaise de sortir grandie d’une épreuve comme celle qu’elle traverse ?
Si l’initiative est bien nationale et a vocation à porter un message fort en provenance de différents territoires, il n’en demeure pas moins qu’à Bordeaux, l’initiative est plutôt la bienvenue. Ressentant un besoin d’unité et une envie « d’échanger entres les acteurs et actrices du secteur », Clément estime que l’initiative « sera réellement utile et bénéfique à la scène si nous parvenons à maintenir les espaces d’échanges et les synergies qu’a pu initier l’Appel à Bordeaux. » L’Appel des indépendants, une occasion pour la scène culturelle bordelaise de sortir grandie d’une épreuve comme celle qu’elle traverse ? Pour Clément, c’est aux acteurs et actrices du secteur de s’emparer de cet élan. « Il nous incombe de réfléchir collectivement à l’échelle de tout le secteur à la façon dont nous souhaitons porter localement un certain nombre d’idées et peser dans cette séquence inédite pour dessiner une nouvelle politique culturelle à Bordeaux. C’est le souffle et l’inertie créée par la démarche de l’Appel dont la scène culturelle bordelaise doit se saisir pour que tout cela ne soit pas vain à l’échelle de notre territoire ».