Entretien avec Naomi Clément, DJ et journaliste musicale sur Apple Music qui revient ici sur sa double casquette, sa passion pour le monde de la musique et le RnB. Passion qui amène cette résidente de Rinse France à jouer ce vendredi 21 novembre à Bien Public à l’occasion de la première édition de la nouvelle résidence Hot Société avec King Doudou et Meryl Street.
Crédit photo : Manuel Obadia Wills
Le Type : Comment s’est faite ta trajectoire, du journalisme à la musique ?
J’ai su assez tôt que je voulais me diriger vers les médias. Après mon école de journalisme à Paris, j’ai eu la chance de faire un stage chez Konbini en 2013. J’y suis restée de 2014 à 2018. C’est là où j’ai fait mes armes. J’y écrivais sur la culture, interviewant des réalisateur·ices, des photographes, et beaucoup de musicien·nes.
En 2018, j’ai commencé la radio avec Mehdi Maïzi, qui m’a proposée de devenir chroniqueuse dans son émission La Sauce sur OKLM Radio.
Naomi Clément
Très vite, la musique m’a rattrapée. J’ai voulu écrire principalement sur le RnB ou le rap, et surtout mettre en avant les femmes de cette scène-là. C’était assez naturel, lié au fait que j’ai été baignée dans la culture hip-hop et RnB des années 1990-2000. J’ai donc continué à écrire aussi pour d’autres médias comme GQ, Nylon, Les Inrocks…
En 2018, j’ai commencé la radio avec Mehdi Maïzi, qui m’a proposée de devenir chroniqueuse dans son émission La Sauce sur OKLM Radio. J’ai adoré, car la radio offre beaucoup plus de liberté que la presse écrite, où j’étais souvent contrainte par le nombre de signes.
C’est à cette même époque que j’ai commencer à mixer, toute seule, parce que ça me faisait kiffer. Ma première expérience a été assez originale : elle est venu d’un projet de yoga. J’ai monté Flawless Yoga avec une professeure, Aurélie-Louis Alexandre, où je mixais du RnB pendant les cours. Un lieu où nous jouions m’a ensuite proposé de venir mixer le soir. Le bouche-à-oreille a fait le reste. J’ai même accompagné des artistes sur des festivals comme les Vieilles Charrues très tôt. Quand la presse écrite a commencé à ralentir, j’ai eu l’opportunité d’être approchée par Apple Music pour animer l’émission À l’écoute.

Comment analyses-tu l’évolution des médias, entre les longs formats du début de ta carrière et la domination actuelle des formats courts ?
On assiste clairement à un basculement. Il y a dix ans, on écrivait des longs papiers, des interviews de 10 000 ou 15 000 signes. Petit à petit, on s’est dirigés vers des choses beaucoup plus courtes, plus catchy – des formats qu’on dit « snackable » – à cause des réseaux sociaux et de l’arrivée de plateformes comme TikTok, qui réduisent l’attention.
Ça a malheureusement fait du mal à la presse écrite, à laquelle je suis très attachée. Cependant, de nouvelles initiatives existent, notamment sur les réseaux sociaux, qui sont hyper cools et qui donnent accès à de l’information de qualité ou à de belles interviews à des gens qui ne se tournaient pas vers les médias traditionnels. Le podcast a aussi beaucoup pris le relais des longs formats écrits.
Il faut aussi être réaliste : les promoteur·ices de soirées regardent aussi si les artistes ont du following.
Naomi Clément
Quel rôle jouent Instagram et les réseaux sociaux de manière générale dans tes projets ?
Les réseaux sociaux, et surtout Instagram, sont très importants pour partager mon travail. Mon compte Insta, c’est vraiment ma vitrine. J’ai conscience que c’est devenu indispensable pour les métiers que je fais. Je sais que beaucoup de gens me bookent via mes réseaux.
Il faut aussi être réaliste : les promoteur·ices de soirées regardent aussi si les artistes ont du following, car l’économie du club est assez précaire en ce moment. J’alimente mon compte tout en ayant conscience que c’est une nécessité aujourd’hui.

Quelle place a joué Rinse France sur ton projet artistique ?
Rinse France a joué un rôle très important. Quand je suis arrivée, ma carrière de DJ était moins développée. Je l’utilisais d’abord pour interviewer des artistes, puis j’ai lancé mon émission Rnb Gems pour partager mes coups de cœur.
Mais, surtout, grâce à Rinse, je me suis ouverte musicalement. Je ne venais pas du tout de la scène électronique. En côtoyant des DJs, ça m’a ouvert les portes des musiques électroniques. Cela m’a encouragée à trouver un moyen de m’immiscer dans ces scènes et à mettre le doigt sur ce que j’avais vraiment envie de jouer. Aujourd’hui, je joue ce que certains appellent la « global club music », c’est-à-dire un mélange de plusieurs genres, parmi lesquels le jersey club, le baile funk, le dancehall… de façon générale, j’aime jouer des tracks assez percussives, avec des sonorités afro-caribéennes, car c’est avec ce type de sons que j’ai grandi. En tout cas, Rinse m’a vraiment soutenue et me faisant comprendre que j’avais ma place dans ce milieu.
Y-a-t-il les lieux où tu apprécies particulièrement jouer ?
À l’étranger, j’ai été marquée par le Post Bar à Helsinki : un lieu magnifique, minimaliste, avec un son incroyable. J’aimerais beaucoup y rejouer.
À Paris, j’aime beaucoup jouer à la Machine du Moulin Rouge, plus précisément dans la salle du bas, la Chaufferie. C’est un peu en sous-sol, intimiste, il fait sombre, les gens transpirent. J’aime l’ambiance là-bas.
J’ai beaucoup d’attache avec la scène bordelaise.
Naomi Clément
Tu joues à Bien Public à Bordeaux ce week-end pour le lancement de la résidence Hot Société de Meryl Street. As-tu déjà joué dans cette ville ? Observes-tu ce qu’il se passe au sein de la scène électronique locale ?
J’ai joué quelques fois à Bordeaux, peut-être deux ou trois fois. Notamment à l’IBOAT et dans des bars qui n’existent plus. Je n’ai donc pas exploré beaucoup de lieux qui existent encore.
Mais je sais qu’il y a une scène que j’affectionne particulièrement à Bordeaux, portée notamment par des artistes comme Saari avec qui j’ai déjà joué, Sevenbeatz, ou encore Meryl Street du collectif La Sueur qui m’invite ce vendredi à Bien Public. J’ai beaucoup de personnes que je porte dans mon cœur ici, et qui portent hyper bien la scène. En plus, on connecte bien parce qu’on joue à peu près les mêmes choses. J’ai donc beaucoup d’attache avec la scène bordelaise.

Tu es l’autrice de deux livres, Tatoueuse et Femmes de rap. Comment est née cette envie d’écrire des livres ?
L’idée d’écrire des livres m’est un peu « tombée dessus », et j’en suis très heureuse. En 2021, on m’a proposé d’écrire sur les femmes dans le milieu du tatouage car j’ai énormément écrit sur ce sujet à mes débuts. J’ai tout de suite aimé l’idée de mettre en avant des femmes dans le monde de l’art.
Tatoueuse regroupe dix interviews d’artistes tatoueuses françaises, de différentes générations et styles. Elles racontent leur parcours, certaines ayant commencé dans les années 80, à une époque où le milieu était exclusivement masculin.
Un an plus tard, l’aventure s’est prolongée avec Femmes de rap. C’est le même format : des interviews de femmes qui évoluent à différents postes de l’industrie (rappeuses, productrice, photographes), pour raconter ce que représente le fait d’être une femme dans ce milieu et si les choses évoluent ou stagnent.
Quels sont tes projets principaux pour les mois à venir ?
J’aimerais beaucoup relancer un podcast sur des artistes issus de la scène RnB. Cela me manque d’avoir des conversations longues avec des artistes que j’admire, principalement anglophones, qui sont mes scènes de prédilection.
Et puis, bien sûr, continuer à faire des gigs, mon émission sur Apple Music, et peut-être un écrire un nouveau livre, un jour.
