Superwave, le nouveau label de Djedjotronic qui hybride les genres

Rencontre avec le DJ et producteur bordelais Djedjotronic, à l’occasion du lancement de son nouveau label, Superwave. Incarnant le désir de l’artiste de s’affranchir de certaines étiquettes, ce projet vise par ailleurs à lui offrir une nouvelle liberté artistique. Entretien.

Figure emblématique de la scène musicale électronique depuis maintenant quinze ans, c’est en 2010 que Djedjotronic sort son premier EP Bit This Thin sur le prestigieux label allemand Boys Noize Records. Depuis, le DJ et producteur bordelais a su imposer son identité sonore si singulière à travers l’Europe, avec des maxis comme Strapon ou The Great Red Spot. Son style musical, influencé par des sonorités rétro-futuristes, se nourrit par la techno de Détroit, l’electronica de Warp, la new beat et la musique industrielle. 

Proches de Kittin, The Hacker ou encore Boys Noize – pour n’en citer que quelque-un·es – l’artiste français a su engranger beaucoup d’expériences lors de ses années passées entre Paris et Berlin. Après avoir publié la plupart de ses productions musicales sur les écuries reconnues que sont Boys Noize Records, International Chrome ou Italo Moderni, il est grand temps pour Djedjotronic de se lancer en solo dans une nouvelle aventure : la création de son propre label, Superwave.

Le Type : Salut Djedjotronic, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Tout d’abord, quelles ont été les raisons qui t’ont poussé à créer ton propre label ?

Djedjotronic : Pour être honnête, ça fait vraiment longtemps que j’y pense. Les principales raisons de la création de Superwave sont tout d’abord liées à une réelle volonté d’indépendance, ainsi que l’envie de me challenger dans une aventure que je n’avais pas encore expérimentée. Pouvoir me ré-inventer librement sans avoir aucune pression est une chose qui m’attire énormément. Changer de méthode de travail, casser mes habitudes : c’est aussi ça que je recherche avec ce nouveau label.

La direction artistique et sonore prend une place importante au sein de ce projet. Quelles vont être les grandes lignes esthétiques directrices de Superwave ?

D’une certaine façon, Superwave est une sorte de laboratoire expérimental. C’est-à-dire que la ligne artistique n’est pas forcément définie. Suivre mon intuition quand je produis est essentiel pour moi. J’ai l’impression que la direction artistique va se forger au fur et à mesure des sorties. L’amplitude en termes de genre va rester la même, entre techno et electro. Avec par exemple des morceaux un peu plus industriels, d’autres un peu plus electronica… Je pense que chaque sortie va expérimenter une facette de mes influences et de ma musique.

C’est est donc un label digital, « synchronisé avec son époque ». As-tu une vision précise pour diffuser les sorties qui verront le jour ?

L’idée est d’avoir une structure avec laquelle je peux sortir un morceau sur les plateformes deux semaines après l’avoir terminé. Je souhaite que les productions sonores qui remplissent mes disques durs puissent voir le jour (rires) ! Sinon, au niveau du planning de sortie, on est plutôt aux alentours d’une release (sortie, ndlr) par mois.

Du fait d’avoir sillonné la scène électronique internationale depuis tant d’années, la création de ton propre label est-elle un moyen d’instaurer une proximité avec ton public français et bordelais ?

Effectivement, j’ai le sentiment de m’adresser directement à mon public quand je sors des morceaux sur mon label. Je ne me cache pas derrière l’image d’une autre maison de disques. J’ai la main sur chaque aspect de ce qui sort et de ce qui est proposé. Il n’y a plus d’intermédiaires.

En quoi lancer Superwave te permet-il de montrer une autre facette de ton univers, et ainsi te libérer de l’esthétique sonore que tu as pu montrer ces dernières années ?

J’ai très envie de laisser libre recours à la créativité, de laisser toutes les portes ouvertes. Et de faire confiance à mon intuition, à ma gourmandise, et surtout à ma curiosité. En fondant mon propre label, j’ai surtout à cœur de retrouver une certaine spontanéité.

Quels ont été les premiers retours sur ton morceau « Consequence », première release du label, en collaboration avec la chanteuse et artiste visuelle Anna Lann ?

J’ai eu des retours dont je suis vraiment content. Par exemple, j’ai reçu un message du genre « J’ai adoré le dernier maxi et je ne savais pas que tu pouvais aller sur ce genre de mood avec Consequence, c’est très différent mais on reconnait ton univers ». C’est exactement ça que je cherche au final, c’est-à-dire que même en allant dans des univers différents, le public reconnaît ma signature sonore qui est pour le coup singulière : ça fait plaisir !

Dans ce morceau, on peut entendre des sonorités industrielles, des synthés analogiques et un univers cinématographique. On sait aussi que tu as composé la bande sonore du court-métrage Le Ciel de Sebastien Jounel ; peut-on imaginer d’avantages de collaborations avec le monde du cinéma ?

Exactement, c’est une vraie envie que j’ai déjà depuis quelques années. J’y travaille beaucoup d’ailleurs. Après, ce n’est pas si simple, il faut d’une part rencontrer les bonnes personnes et, de l’autre, les bons projets. Concernant Le Ciel, je l’ai signé sous mon nom propre. Cela me permet de m’affranchir de l’esthétique techno du projet Djedjotronic pour aller vers des compositions plus mélodiques qui se concentrent sur plus les émotions que sur la physicalité du son.

Peux-tu nous parler des artistes qui vont prendre part au projet Superwave, et des prochaines sorties qui verront le jour ?

Concernant les prochaines sorties, ça sera en solo : l’EP Crystal Clear sera publié en juin et l’EP I Can’t Techno More sera disponible dès le mois de juillet. À partir de septembre, il y aura d’autres releases qui verront le jour. À ce moment-là, ce sera des collaborations avec des artistes qui me sont chers, des producteur·ices avec qui j’entretiens non seulement une connexion musicale mais également une relation humaine : c’est très important pour moi.

Pour finir, quel regard portes-tu sur la scène musicale électronique locale ? Envisages-tu des collaborations avec des producteur·ices de cette scène ?

Je la trouve bien cette scène locale, en tout cas, plus cool qu’il y a quelques années. Les producteur·ices se sont enfin réveillé·es (rires) ! Quand je suis arrivé de Berlin il y a une dizaine d’années, je trouvais qu’il y avait beaucoup de DJs partout mais très peu de producteur·ices.

J’ai toujours poussé les personnes que je croisais à produire leur propre musique. Grâce à des initiatives telles que le studio Omni Music par l’équipe du festival Isulia, ça a poussé la scène locale à se professionnaliser. Je pense notamment à Sevenbeatz ou à Neida. Il y en a beaucoup d’autres que je ne connais pas. En tout cas, la scène bordelaise est bouillonnante. Des collaborations ? Oui, on peut tout imaginer !