Rencontre avec Julie, guide conférencière et fondatrice de Bordeaux Détours, qui propose des visites de la ville sous un angle alternatif, militant et engagé. Deux ans après la création de l’initiative, le succès de ses visites est grandissant, avec un public de plus en plus curieux de découvrir Bordeaux sous un aspect plus politique et social.
Les visites proposées par Bordeaux Détours ne sont pas seulement un parcours dans la ville ; elles sont une invitation à réfléchir, à remettre en question l’histoire et à aborder des sujets souvent ignorés. Parmi les visites proposées, celle intitulée « Bordeaux, capitale de l’empire » se distingue par son approche critique du rôle de Bordeaux dans la mise en place de l’administration coloniale aux XIXème et XXème siècles. Cette visite permet de relier l’histoire locale à des sujets importants tels que la colonisation, l’impérialisme et la décolonialité.
Un prisme décolonial et féministe
Plusieurs visites féministes viennent compléter l’offre de Bordeaux Détours. L’une d’entre elles, intitulée Les Illustres Inconnues, présente des figures féminines locales du XIXème et XXème siècles. Une autre s’intéresse aux soignantes bordelaises et aux pratiques du care. Cette dernière traite de la manière dont les femmes ont été exclues du domaine médical, à travers la pathologisation du féminin et l’essentialisation du corps des femmes.
Plusieurs visites de Bordeaux Détours s’appuient sur des récits de vie pour permettre au public de saisir les enjeux évoqués, à travers des exemples concrets et accessibles. La fondatrice de l’initiative, Julie, propose également une visite sur les révoltes populaires, des moments marquants de l’Histoire lors desquels les voix des opprimé·es ont permis d’opérer des changements. « Toutes mes visites sont une opportunité d’amener une discussion plus large, et une intelligence collective se crée souvent au cours de ces échanges. » remarque-t-elle.
« Un moyen de questionner l’histoire et les discriminations à travers les rues de Bordeaux »
Julie a observé plusieurs changements depuis la création de Bordeaux Détours. Le projet a pris de l’ampleur, avec la possibilité de proposer un plus grand nombre de visites. « Je n’ai par ailleurs plus besoin de justifier mon positionnement politique et mon travail est désormais reconnu et recherché pour ce qu’il est : un moyen de questionner l’histoire et les discriminations à travers les rues de Bordeaux. » nous dit-elle.
Cette évolution se concrétise par de nouvelles collaborations notamment avec des universités et des collectivités locales. En outre, l’association Bordeaux Détours a développé un partenariat avec le collectif féministe Medusyne dans le but de proposer ses visites aux élèves du secondaire et d’animer des ateliers en classe sur les discriminations. « L’idée est de démystifier et déconstruire les préjugés en utilisant des exemples historiques, en particulier pour traiter de questions de genre et de racisme. » explique Julie.
Intérêt accru dans contexte tendu
L’organisatrice des tours note que le travail avec les jeunes est crucial, mais reste insuffisant à grande échelle. Notamment dans un contexte tendu depuis le gel du pass culture ; c’est via cette plateforme que ses ateliers sont proposés. Autre nouveauté, Bordeaux Détours guide régulièrement des groupes de touristes américain·nes cherchant spécifiquement des visites à fort caractère culturel et historique. Les guider toute une journée offre donc la possibilité de traiter de sujets tels que l’histoire coloniale de Bordeaux. « Leur visite au musée d’Aquitaine, abordée sous un prisme décolonial, les a particulièrement interpellés. La société est aujourd’hui plus politisée qu’elle ne l’était auparavant. » explique Julie.
L’année 2025 s’annonce remplie pour Bordeaux Détours. Parmi les nouveaux projets, Julie interviendra davantage auprès d’étudiant·es étranger·es sur la thématique des discriminations systémiques. L’association prévoit aussi un calendrier annuel de visites, avec une dizaine de dates proposées en partenariat avec Medusyne.