Entretien avec Bruno Latour et Éric Barbin, qui portent l’association Adaptathon Bordeaux. Ce dispositif défend et promeut des projets en lien avec l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. C’est grâce à son soutien que Le Type a pu réaliser une série Focus sur les liens entre le monde de la culture et la question du handicap. Dans cet échange, on revient sur le fonctionnement de la structure et aussi sur le rôle fondateur de son créateur, Joël Solari, initiateur de la dynamique au niveau local et ancien adjoint au Maire en charge du handicap.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la série d’articles Focus : Culture & handicap. La série a été rendue possible grâce au soutien du dispositif Adaptathon.
Le Type : Pouvez-vous nous raconter comment est né Adaptathon Bordeaux ? Quelle est la genèse de ce dispositif ?
Bruno Latour & Éric Barbin (Adaptathon Bordeaux) : Le premier Adaptathon a commencé en 2017. Le fondateur et président était Joël Solari, ancien adjoint au Maire Alain Juppé en charge du handicap. C’est lui qui a inventé le label Tourisme & Handicap.
L’objectif d’Adaptathon Bordeaux est de mettre en avant des projets autour de l’emploi. Le but, c’est le maintien dans l’emploi et la création d’emplois en entreprise. On a fait quatre éditions d’Adaptathon jusqu’à présent.


Comment s’incarne votre objectif de maintien ou création d’emplois pour les personnes en situation de handicap ?
Cela passe par plusieurs choses, par de l’aide et des investissements pour soutenir des projets qui émergent via un appel à projets. Pour faire connaître ce dispositif, on a mis en place les Adaptagames, où les entreprises se rencontrent pour faire du sport. Pour la dernière édition en 2024, nous étions à la patinoire, avec plus de 200 personnes. Il y avait des personnes valides et des personnes en situation de handicap.
Quinze jours après, nous avons également organisé un atelier avec pour but d’embaucher des personnes en situation de handicap. En deux heures, tous les rendez-vous étaient pris pour une bonne dizaine d’entreprises. L’objectif était d’embaucher, y compris en aidant à créer des statuts comme l’auto-entrepreneuriat. On a aussi vu passer des projets dans la restauration rapide, l’énergie, la grande distribution…
Est-ce que vous pouvez nous parler de certains projets marquants qui ont été sélectionnés dans le cadre du dispositif Adaptathon ?
Dès les premières années, on a eu des projets créateurs d’emplois qui accompagnaient les entreprises. Par exemple Mobalib, une petite entreprise qui proposait un système d’avertissement pour la circulation pour les personnes en situation de handicap. Il y a aussi eu un projet soutenu proposant la mise en place de matériel d’écoute dans des environnements bruyants (salles de concerts…), basé sur les boucles magnétiques individuelles. C’est un outil très utile pour les personnes malentendantes !
On peut aussi citer Carta Rouxel qui a fabriqué des tricots connectés pour les personnes handicapées. Ils ont été commercialisés et utilisés par les spationautes. C’est un des premiers projets soutenus par Adaptathon.
Plus récemment, il y a eu aussi Parkinson Vivre et Travailler. C’est sûrement le plus abouti : ils ont monté un site internet de référence et une application. Leur but était d’aider les personnes atteintes de Parkinson à rester dans le monde du travail. Ils ont été lauréats en 2019 et aujourd’hui, l’application est toujours active, avec de nouveaux développements prévus en 2025.
Nous avons reçu quelques candidatures de projets culturels, mais très peu.
Bruno Latour & Éric Barbin (Adaptathon)

Comment se déroule le processus de sélection des projets ?
Il se fait en plusieurs étapes. Au début, on a créé un jury, qui est resté le même jusqu’à la dernière édition. Il était composé des fondateurs de l’Adaptathon Bordeaux, c’est-à-dire d’une dizaine de personnes.
Les candidats et candidates répondaient à des trames bien établies, puis passaient devant le jury, où ils et elles pouvaient s’exprimer et répondre à nos questions. Ce n’est pas toujours facile pour des personnes en situation de handicap de présenter leur projet dans ce contexte, mais ça donne une vraie valeur humaine aux projets.
Les projets les plus touchants étaient ceux qui savaient le mieux exprimer leurs difficultés. C’est ce qui a permis leur sélection. Pour la dernière édition, nous avons intégré Cap Emploi et des sponsors plus importants dans le jury.
Quelles places occupent les projets culturels dans les candidatures reçues dans le cadre d’Adaptathon ?
On a eu quelques candidatures, mais très peu. L’évolution qu’on a surtout constatée depuis sept ans, c’est l’importance des projets médico-techniques : de l’aide physique, du matériel… Depuis deux ou trois ans, on voit aussi arriver des projets autour de la psychologie, du bien-être, du handicap « invisible ».
Avec le contexte de diminution des aides aux associations, il devient de plus en plus difficile de porter le dispositif Adaptathon Bordeaux.
Bruno Latour & Éric Barbin (Adaptathon Bordeaux)
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui voudraient candidater au prochain appel à projets ?
Le vrai objectif reste le maintien dans l’emploi et la création d’emplois. Les candidatures doivent donc se concentrer sur ce point. Cette année, on a été débordés par des sujets comme les maladies liées au burn-out par exemple. Ce sont des sujets essentiels. Et s’ils peuvent être quantifiés et chiffrés, ça aide la candidature.
Qui sont vos partenaires ?
Avec le contexte de diminution des aides aux associations, il devient de plus en plus difficile de porter le dispositif Adaptathon. Mais on a la chance d’être accompagnés par des entreprises. Les deux premières éditions d’Adaptathon ont été soutenues par Enedis et par le Crédit Mutuel Arkéa. On a aussi eu de nombreuses petites entreprises qui nous ont aidés. Il n’y a pas de petits dons !
La force d’Adaptathon Bordeaux reste la proximité, le réseau local, les relations humaines.
Bruno Latour & Éric Barbin (Adaptathon Bordeaux)
Sur le dernier Adaptathon, seule notre mairie de quartier nous a aidés. On n’a pas eu d’argent du Département, ni de la Région, ni de structures pour le handicap. Cap Emploi nous soutient aussi – ils sont membres du conseil d’administration. La force d’Adaptathon Bordeaux reste la proximité, le réseau local, les relations humaines. C’est ça qui fait que ça marche depuis dix ans.
- Cet article s’inscrit dans le cadre de la série d’articles Focus : Culture & handicap. La série a été rendue possible grâce au soutien du dispositif Adaptathon.
