« Créer ce label me permet d’avoir plus de marge » : une conversation avec Neida

Entretien avec Neida, producteur bordelais et fondateur de NDA, label qui vient de souffler sa première bougie. Son retour sur cette année d’expérimentation, son lien avec sa ville Bordeaux, une projection vers son avenir : une conversation à retrouver en français ici et en anglais sur Ransom Note, dans le cadre d’un partenariat entre les deux médias pour promouvoir la scène musicale bordelaise.

La version anglaise de l’entretien avec Neida est disponible ici sur le média Ransom Note.

Le Type : Cela fait maintenant un an que tu as créé ton label NDA ; quel bilan tires-tu de cette première année d’expérience ?

Neida : Je n’ai pas eu beaucoup de sorties, mais c’était le bon moment pour moi. J’en ai profité pour tâter le terrain, voir comment créer quelque chose de nouveau. Ce qui m’a marqué, c’est le temps que ça met à être identifié, à rentrer dans la tête des gens. La première sortie date de juillet, ça fait un an.

Même si ça prend du temps, j’avais déjà un public avec mon projet solo, donc ça a quand même eu un petit écho. C’était un vrai saut dans l’inconnu. C’est difficile de tirer un vrai bilan, mais je suis heureux d’avoir pu le faire.

Quelles sont les difficultés liées au pilotage d’un tel projet de label ?

Déjà, ce qui n’est pas évident, c’est de trouver l’identité du label – surtout visuellement. Je n’ai pas de formation en graphisme, ni une grande culture dans les arts visuels, à part ce qui touche à la musique. Je me lançais donc un peu dans l’inconnu. Heureusement, j’ai bossé avec des amis graphistes. On a pu poser des idées, et ils m’ont proposé des visuels. Ça m’a bien aidé.

Pour la première sortie, j’ai tout fait moi-même, sauf le mastering que m’a fait un pote, et les visuels, c’était aussi un ami. C’était donc assez simple à gérer. Les deux autres sorties, avec Le Motel et Delay Grounds, se sont faites naturellement. Le contact était direct, il n’y a pas eu vraiment de difficultés. Après, le vrai défi, c’est peut-être la promo. Le label n’est pas encore structuré, donc je fais un peu au feeling.

Tu viens de dévoiler avec NDA ta troisième sortie, Dystop. C’était le rythme (3 par an) que tu avais envisagé en lançant le projet ?

Au départ, je m’étais dit que j’allais essayer de faire une sortie tous les deux mois, voire une chaque mois, des genres de single deux titres. Mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça.

Je ne me suis pas mis la pression non plus. J’ai fait les choses comme je les sentais : je préfère sortir trois projets qui me plaisent vraiment, dont je suis fier, plutôt que plein de sorties en fouillis. Au final, je suis très satisfait de ces trois sorties.

Créer ce label, ça me permet d’avoir plus de marge.

Neida

Quelles raisons t’avaient poussé à créer NDA ?

J’ai créé ce label – même si encore une fois, ça n’a de label que l’image – sans vraiment de structure derrière. Je n’ai pas créé d’association encore. L’idée en le lançant était d’avoir une entité autre que mon projet solo. J’aurais très bien pu sortir des morceaux sur Bandcamp en tant que Neida.

Créer ce label, ça me permet d’avoir plus de marge, et peut-être aussi, plus tard, de sortir la musique d’autres personnes. Là, cette année, c’est principalement ma musique, même s’il y a des remixes d’autres artistes. À termes, il faudra créer une vraie structure. Avec NDA, je voulais me détacher un peu de mon projet Neida, et monter une maison.

Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir travailler avec des artistes émergent·es, de pouvoir publier leurs premières sorties.

Neida

Justement, quels critères guident tes choix pour signer un·e artiste ?

Ce n’est pas directement le style musical, j’ai une approche plus large. Je n’ai pas envie de me restreindre à un genre précis. D’ailleurs, je pense que pas mal de gens qui montent un label aujourd’hui diraient pareil. Si la musique me parle, si elle me fait résonner, si elle me touche, j’aurais envie de la sortir, tout simplement.

Et puis, ce qui m’intéresse aussi, c’est de bosser avec des artistes émergent·es, de pouvoir publier leurs premières sorties. Participer à ce moment-là dans la trajectoire d’un·e producteur·ice, ça me ferait vraiment plaisir. Après, bien sûr, l’idée n’est pas d’accueillir tous les styles pour autant. Ça restera en majorité des esthétiques qui restent dans un certain champ musical.

Il y a des labels que je considère comme des vraies références, comme Timedance, Hessle Audio ou Pressure Dome.

Neida

Y-a-t-il des artistes ou labels que tu observes avec attention et qui t’inspirent dans ta pratique musicale ?

Il y a des labels que je considère comme des vraies références, comme Timedance ou Hessle Audio. Ce sont des poids lourds dans le milieu. Dans un format plus petit, il y a aussi Pressure Dome, qui est une super référence à mes yeux.

Après, côté artistes, il y en a plein. Mais justement, ce serait intéressant pour moi de faire un vrai travail de recherche, de creuser un peu pour découvrir des artistes encore peu connu·es, voire émergent·es. Ce n’est pas quelque chose que je fais encore activement. Le label n’est pas encore vraiment structuré pour ça… Mais c’est clairement quelque chose que j’aimerais mettre en place.

On dit souvent que Bordeaux manque de labels. Comment perçois-tu la scène électronique locale ?

C’est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup. Il y a bien le label de Thomas (Sevenbeatz), Le Ciel, celui de Djedjotronic aussi. Amour Social Club, un collectif bordelais, a aussi monté un label récemment, avec un premier vinyle sorti. Mais globalement, ça reste assez limité.

En dehors de la musique électronique, dans des styles plus rock par exemple, il y en a quelques-uns, deux ou trois peut-être. Historiquement, Bordeaux a surtout été marquée par des labels orientés rock. Dans la musique électronique, ça évolue doucement. Quand j’ai commencé à mixer, il n’y avait presque rien. Après, j’étais assez novice, donc je ne connaissais pas grand chose quand j’ai commencé.

Bordeaux a toujours eu plein de DJs, plein d’artistes. Là où ça pêche, c’est les lieux.

Neida

As-tu ressenti que les débuts étaient plus compliqués en ne venant pas de la scène parisienne ?

En fait, j’étais dans mon truc, à Bordeaux, avec des potes avec qui je faisais déjà de la musique, notamment quand on a monté SUPER Daronne. Je dirais qu’on avait peut-être plus de place pour créer. Forcément, à Paris, c’est plus dense. J’ai jamais vraiment vécu la scène musicale parisienne sur la durée, donc je peux pas trop comparer. Mais logiquement : plus il y a de monde, moins il y a de place… Même si, en réalité, plus il y a de monde, plus il y a de musique aussi.

Après, Bordeaux a toujours eu plein de DJs, plein d’artistes. Là où ça pêche, c’est les lieux. Je pense que j’aurais pu jouer autant à Paris qu’à Bordeaux. Le souci, c’est juste qu’à Bordeaux il n’y a pas assez d’endroits pour jouer. Quand j’ai commencé, il y en avait plus : le Bootleg, l’Heretic… Maintenant, il n’en reste presque plus.

Quels sont tes projets pour la suite avec NDA ?

Je suis actuellement en pleine réflexion pour la suite. C’était pas super clair au début non plus, malgré les objectifs que je m’étais fixé, que je n’ai finalement pas vraiment suivis. Mais l’idée est de continuer à sortir de la musique, peut-être faire des sorties à thème.

Je retourne un peu en studio, je compose de mon côté, et je verrai ce qui en sort. Peut-être que je sortirai des séries de morceaux, des mini-EP de deux titres avec un thème précis, pas forcément des gros albums tout de suite. J’ai envie de prendre le temps de faire des petites sorties. Ce format plaît aussi aux gens, et ça permet de toucher un public, c’est important. Moi-même, en tant que consommateur et quand je dig et que je recherche de la musique, j’aime bien ces sorties de titres. Et peut-être que, plus tard, je sortirai un album sur NDA.

  • La version anglaise de l’entretien avec Neida est disponible ici sur le média Ransom Note.
  • Les autres entretiens de cette série en partenariat avec Ransom Note sont à retrouver ici en français.